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"Ça risque de ne pas changer grand-chose": la vente à perte du carburant laisse sceptique la macronie

Des pompes à essence à Lille, le 18 janvier 2022.

Des pompes à essence à Lille, le 18 janvier 2022. - DENIS CHARLET / AFP

Le gouvernement qui veut se montrer à la manœuvre face à la flambée des prix à la pompe ne convainc pas son propre camp. Coincé par un contexte budgétaire compliqué, l'exécutif renvoie la balle aux distributeurs en leur proposant de vendre à perte l'essence, sans être certain de son effet.

Une annonce qui a pris par surprise les acteurs de la grande distribution. Élisabeth Borne a annoncé samedi souhaiter autoriser la vente à perte des carburants pour faire "baisser davantage les prix". La mesure qui se veut volontariste n'a pour l'instant guère convaincu son propre camp.

"Personne n'a jamais dit que la mesure aurait un effet wahou et va tout résoudre. Mais on veut de donner le plus de billes possibles pour faire baisser le prix du carburant", tente de convaincre un conseiller ministériel auprès de BFMTV.com.

"On essaie des choses qui ne vont peut-être pas marcher"

En réalité, le gouvernement n'a pas le choix. Face au prix du gazole, qui est reparti à la hausse ces derniers mois, pas question d'apparaître en retrait dans la lutte contre l'inflation qui dépasse bien largement la question des pompes à essence.

"On sent qu'on arrive à un seuil psychologique quand le litre de carburant est à 2 euros et le panier de courses à 150. On essaie des choses qui peut-être ne vont pas marcher mais on ne peut pas ne rien faire", résume un acteur du dossier.

Mis sous pression par l'exécutif, les distributeurs ont bien procédé à des opérations de vente à prix coûtant comme pour Intermarché ou en bloquant le litre à 1,99 euros comme TotalÉnergies,sans pratiquer la revente à perte interdite en France depuis 1963.

"Aux distributeurs de passer aux actes maintenant"

Mais une petite phrase de Dominique Schelcher, le patron de Système indiquant ne pas pouvoir vendre du carburant à perte la semaine dernière sur France inter, sans cependant appeler à changer la loi, a changé la donne. Le gouvernement a donc saisi la balle au bond avec l'annonce d'Élisabeth Borne dans les jours qui ont suivi.

Preuve que le gouvernement ne veut pas perdre de temps: le projet de loi qui devrait permettre la vente à perte le carburant arrivera dans l'hémicycle début octobre pour une application en décembre. De quoi pousser les hypermarchés à prendre leurs responsabilités, veut croire la macronie.

"Certains distributeurs font la tournée des médias pour dire qu'ils ont envie de baisser les prix mais que la loi les en empêche", lance Guillaume Kasbarian, le président de la commission des Affaires économiques à l'Assemblée nationale.

"Donc on va leur en donner les moyens, à eux de passer aux actes maintenant", espère ce député Renaissance.

Un effet qui risque d'être minime

L'effet devrait cependant être minime. La possibilité de vendre à perte permet, certes, de baisser le prix au litre mais avec une marge de manœuvre très limitée, d'à peine quelques centimes.

Mais le gouvernement peut-il faire autre chose que de renvoyer la balle aux stations essence? L'exécutif n'a pas gardé un bon souvenir financier de la ristourne mise en place quelques semaines après le début de la guerre en Ukraine qui avait fait baisser le prix du carburant de 15 à 30 centimes, avant de stopper le dispositif en décembre.

"La ristourne, c’est 12 milliards d’euros (pour le budget de l'État) pour 10 centimes d'économie. C’est une mesure très coûteuse pour un résultat pas hyper probant", a avancé Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement sur Cnews lundi.

"La vente à perte ne nous coûte rien"

Autant dire que dans un contexte budgétaire compliqué, pas question pour l'État de remettre la main à la poche.

"C'est sûr que la vente à perte ne nous coûte rien, ce qui est une bonne nouvelle compte tenu de l'état de nos finances mais quant à l'effet sur le porte-monnaie des Français...", avance un député Renaissance qui suit de près le dossier.

Au risque donc de décevoir les consommateurs? Dans le camp du gouvernement, certains jouent en tout cas la carte de la prudence. Le ministre de l'Économie a refusé de "s'engager sur un chiffre" qu'il n'est "pas certain de tenir" sur France 2 mardi.

Bruno Le Maire espère cependant trouver "du carburant moins cher partout en France", "en fonction de ce que les distributeurs peuvent faire".

"On ne peut pas compenser le prix de tout ce qui augmente"

Olivier Véran est, lui, beaucoup plus optimiste en ayant évoqué dimanche une baisse potentielle de "quasiment un demi-euro" par litre de carburant sur RTL, soit pas moins d'une vingtaine d'euros par plein.

L'autorisation de la vente à perte a également l'avantage d'occuper médiatiquement le terrain alors que le gouvernement peine concrètement à limiter les effets de l'inflation.

"On arrive au maximum de ce que l'État peut faire pour amortir le choc de la hausse des prix. On ne peut pas compenser le prix de tout ce qui augmente. Sinon, nous ne sommes plus dans une économie de marché", avance Guillaume Kasbarian, le président macroniste de la commission des Affaires économiques.

Selon une étude Ifop, un tiers des Français se retrouvent avec un reste à vivre de moins de 100 euros sur leur compte en banque.

Marie-Pierre Bourgeois