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Gouvernement

Après l'imbroglio de la Pitié-Salpêtrière, Castaner (à nouveau) fragilisé?

Détenteur d'un poids politique utile à Emmanuel Macron, l'ancien socialiste enchaîne les polémiques depuis son arrivée au ministère de l'Intérieur, il y a un peu plus de six mois.

Le coup est venu d'un ancien "camarade" socialiste. Jeudi, alors que le désordre autour de l'intrusion de manifestants à la Pitié-Salpêtrière prenait de l'ampleur, Christian Eckert a vertement tancé le ministre de l'Intérieur. "Ça suffit! Christophe Castaner est un menteur, un incompétent et un pervers. (...) Une seule solution: sa démission, avant qu'il ne provoque l'irréparable", a tweeté l'ex-secrétaire d'État au Budget de François Hollande. 

Le refrain, ressassé depuis près de 24 heures, n'est pas nouveau. Depuis son installation place Beauvau en octobre, Christophe Castaner a enchaîné crises, polémiques, faux-pas et emballements. 

Ciel dégagé

En marge des manifestations du 1er-Mai, relativement calmes malgré quelques affrontements violents entre casseurs et forces de l'ordre, le ciel semblait pourtant dégagé pour l'ancien maire de Forcalquier. Son dispositif sécuritaire avait rempli ses objectifs. Jusqu'à ce que celui-ci donne sa version de ce qu'il s'était produit dans l'enceinte de l'hôpital du XIIIe arrondissement de Paris. 

"Ici, à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger", a tweeté le ministre de l'Intérieur mercredi. 

Un CRS a bien été blessé à la tête peu avant 17 heures, mais sa blessure n'aurait en fait aucun lien avec la tentative d'intrusion

Plus globalement, la lecture des événements invoquée par Christophe Castaner a été battue en brèche dès le lendemain. Des témoignages et des vidéos relayées sur les réseaux sociaux ont fait état de manifestants cherchant à se réfugier dans l'enceinte de l'hôpital pour échapper aux charges des forces de l'ordre ou à l'air saturé de gaz lacrymogènes. 

Le gouvernement à la rescousse

Dans la foulée, les appels à la démission du ministre de l'Intérieur se sont multipliés. Ce vendredi matin, plusieurs membres du gouvernement ont dû investir les matinales pour (une fois de plus) sauver le soldat Castaner, en minimisant l'importance de son choix de mots. Quitte à ce que la plaidoirie soit parfois alambiquée:

"Une enquête a lieu, elle permettra de savoir exactement ce qui s'est passé mais c'est évidemment, en soi, un gros problème qu'il y ait eu ce qu'il s'est passé. Après, la façon de le qualifier, c'est dans les jours qui viennent que l'on pourra le dire davantage", a par exemple déclaré le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, sur Radio Classique. 

Quelques heures plus tard, Christophe Castaner a pris la parole en déplorant "l'emballement médiatique" déclenché par ses propos: 

"Je souhaite qu'aucune polémique n'existe sur ce sujet", a-t-il déclaré, reconnaissant qu'il n'aurait "pas dû employer" le terme d'"attaque". "'Intrusion violente' est en effet mieux adapté. (...) Cet incident, au lieu d'être nié, (...) devrait tous nous émouvoir", a-t-il ajouté.

Crises à répétition

La polémique de trop? "Gardons raison", a affirmé celui qui, depuis six mois, se trouve régulièrement sous le feu des critiques. Gilets jaunes en novembre, scènes d'émeute à Paris le samedi 1er décembre 2018, polémiques autour de l'arsenal potentiellement dangereux des forces de l'ordre, nouvelles violences sur les Champs-Élysées en mars, fronde policière, photos gênantes d'une soirée arrosée en boîte de nuit, débats houleux sur la loi "anti-casseurs", communication hasardeuse après l'incendie de Notre-Dame... La liste commence à être longue.

Sur Twitter, le sénateur socialiste du Nord Patrick Kanner est allé jusqu'à évoquer une nouvelle convocation du ministre de l'Intérieur devant la commission des Lois. Si cette demande venait à être avalisée (ce qui semble improbable), il s'agirait d'une cinquième fois pour l'intéressé en l'espace de neuf mois. Il s'était rendu au palais du Luxembourg en juillet 2018 dans le cadre de l'enquête sur l'affaire Benalla, en sa qualité de délégué général de La République en marche. 

Dans la journée, vendredi, Édouard Philippe a pourtant répété accorder toute sa "confiance" à Christophe Castaner, malgré la polémique qui l'entoure.

"Être aimé, ce n'est pas le sujet"

En dépit de ces fortes secousses, "Casta" semble prêt à tenir bon. Dans une récente interview accordée à L'Opinion, il assumait d'être à la tête d'un "ministère de tensions":

"Il est certain que c’est le ministère le plus exposé. J’en avais conscience, je le vis. (...) Vous êtes forcément aimé des uns, détesté des autres. Mais Bernard Cazeneuve avait 61% de mauvaise opinion lorsqu’il est devenu Premier ministre... Être aimé, ce n’est pas le sujet."

Aimé, le ministre de l'Intérieur l'est de son Premier ministre, Édouard Philippe, dont l'appui durant les discussions autour de la loi "anti-casseurs" a été déterminant. Une relation de confiance nouée lorsque l'ex-socialiste était chargé des Relations avec le Parlement, son premier maroquin ministériel. De quoi permettre au premier flic de France d'espérer prolonger son bail avec sérénité... jusqu'à la prochaine crise. 

Jules Pecnard