Sans alliance, le FN "n'est pas suffisamment fort pour gouverner"

Les succès électoraux le prouvent, le Front national est devenu un acteur majeur de la vie politique française. Marine Le Pen, sa présidente le répète à l'envi. Mais quelles réalités cette affirmation recouvre-t-elle? Décryptage.

Après le bon score dimanche d'une candidate frontiste à une législative partielle dans l'Oise, Marine Le Pen a affirmé lundi sur Europe 1 que le Front national était le "centre de gravité de la vie politique". Est-ce que le FN est vraiment devenu un arbitre du jeu politique? Eléments de réponse de Jean-Yves Camus, chercheur associé à l'IRIS et Sylvain Crépon, chercheur de l'université de Paris-Ouest.

> Le FN, "centre de gravité"? "Ce serait excessif"

"Dire que le Front national est le centre de gravité de la vie politique est un peu excessif", commente d'abord Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite. "Mais, continue-t-il, le score de la candidate FN dans l'Oise, Florence Italiani, (48,59%) est la confirmation que le Front national est un parti majeur de la vie politique française". Rôle qu'il tient, précise le politologue, "par les réactions qu'il suscite". "Les candidats à une élection, de gauche comme de droite, se positionnent en fonction du candidat FN quand il y en a un", explique-t-il encore.

Il observe aussi que cette candidate de l'Oise "est une dame pas très connue". C'est là une "nouveauté" qui tend à prouver que le FN peut faire de bons scores sans forcément aligner des personnalités très médiatisées, telles Marine Le Pen, Marion Maréchal-Le Pen ou Gilbert Collard.

> Le FN parti de gouvernement: "pas sans alliances"

Marine Le Pen mettait ce lundi en perspective sa stratégie pour les municipales, selon elle "une marche incontestable" pour son accession au pouvoir. Reste que, "le FN ne deviendra un parti de gouvernement, que lorsqu'il aura signé, s'il le veut et si les autres le veulent aussi, des accords avec d'autres formations politiques", explique Jean-Yves Camus. "18% dans les sondages, cela représente une force non négligeable, mais pas suffisante pour gouverner".

Les militants sont-ils prêts pour cela? Un sondage CSA pour le site Atlantico montre ce lundi que 51% des sympathisants UMP seraient favorables à des alliances avec le Front national. Chez les frontistes, de telles options sont partagées par 66% des sympatisants.

Sylvain Crépon (Enquête au cœur du nouveau Front national, Nouveau Monde Editions,2012), fait remarquer que si les électeurs de droite semblent favorables aux alliances, "les responsables UMP" ne le sont pas encore.

> Quelle est aujourd'hui la nature du Front national, un parti d'extrême droite?

La question centrale reste de savoir si un parti comme l'UMP peut s'allier à un parti d'extrême droite? Mais Marine Le Pen se défend, depuis quelques années déjà, d'être à la tête d'un parti d'extrême droite. Jean-Yves Camus nuance: "ce parti possède des racines historiques dans l'extrême droite, mais il évolue, il joue le jeu démocratique". Le politologue précise que cette tendance se vérifie dans toute l'Europe.

Pour Sylvain Crépon, le FN n'a, au contraire, pas rompu avec ses racines d'extrême droite dans le sens où prône toujours une "vision ethnique de la nationalité" incluant "la réforme du code de la nationalité et la préférence nationale". Le chercheur fait remarquer à ce titre "qu'entre le père, Jean-Marie, et la fille, Marine, le programme du FN n'a "pratiquement pas changé".

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Propos recueillis par David Namias