BFMTV
Rassemblement national

Législatives: le FN se dirige-t-il vers une défaite?

La campagne du FN pour les législatives s'avère plus difficile que ce qui était envisagé il y a encore quelques mois.

La campagne du FN pour les législatives s'avère plus difficile que ce qui était envisagé il y a encore quelques mois. - Alain Jocard - AFP

A l'approche des législatives, le Front national mène une campagne sans éclat. L'après présidentielle ressemble à une zone de turbulences qui n'en finit pas et les sondages montrent que le groupe FN tant espéré à l'Assemblée nationale pourrait s'avérer difficile à obtenir. De quoi rendre l'avenir du parti incertain.

Déprime, spleen, désillusion... Les termes ne manquent pas, pour tenter de définir le marasme dans lequel semble s'être enfoncé le FN, à deux jours d'élections législatives qui s'annoncent décevantes. Si la campagne présidentielle a été un moment d'euphorie pour le parti, celle des législatives ressemble davantage à une descente. Et celle-ci a commencé dès le 7 mai, avec le score de Marine Le Pen face à Emmanuel Macron, moins important que prévu. Depuis, plusieurs épisodes sont venus ajouter aux difficultés de la formation d'extrême droite.

A l'approche du scrutin, les ténors du parti ne semblent plus s'accrocher qu'à l'espoir de pouvoir constituer un groupe parlementaire. Pour cela, il faudrait que le FN ait au moins 15 députés. Cela semblait être une évidence il y a quelques mois. Ce n'est plus aujourd'hui qu'une possibilité, parmi d'autres. Passage en revue des raisons d'un échec annoncé. 

Une Assemblée pas si accessible

Lors de la conférence de presse hebdomadaire du parti pour les législatives mercredi, Julien Sanchez, maire de Beaucaire et porte-parole du FN, a mis l'accent sur un sondage Ifop donnant le FN comme incarnant le mieux l'opposition à Emmanuel Macron (48%). S'il a cité cette étude et pas une autre, c'est parce que la plupart donnent le parti en troisième position. Mais surtout, le nombre d'intentions de vote indique qu'il ne sera peut-être pas en mesure d'avoir un groupe parlementaire.

"Il faut que nous ayons un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, nous invitons les électeurs à rester mobilisés parce qu’il est important que les électeurs qui ont voté pour Marine Le Pen à la présidentielle se déplacent au premier tour des élections législatives", a insisté Julien Sanchez. 

Pour Eddy Fougier, politologue et chercheur associé à l'IRIS, la question du groupe pourrait considérablement changer la donne, dans l'avenir du parti.

  • "Quand on regarde les intentions de vote, ce n'est pas si mal que ça. Mais quand on transpose en nombre d'élus possibles, le plafond de verre est toujours présent", explique-t-il, contacté par BFMTV.com.

D'après lui, le FN ne tirera son épingle du jeu que si la constitution d'un groupe est possible, et si Marine Le Pen l'emporte dans sa circonscription, à Hénin-Beaumont. "Dans un parti où le chef est puissant, j'imagine mal qu'elle essuie une quatrième défaite" sans être inquiétée, avance-t-il, en incluant ses précédentes déconvenues électorales. 

Les ratés de la fin de campagne présidentielle

Le cercle vicieux dans lequel le parti a été entraîné remonte à la fin de campagne présidentielle de Marine Le Pen. Sur la question très clivante de la sortie de l'euro, le parti a payé cher des imprécisions, qui ont sans doute accentué la défiance des Français à l'égard de cette mesure. Et amorcé la crise interne entre les partisans de la sortie, comme Florian Philippot, et ceux plaidant pour l'abandon de cette mesure, comme Gilbert Collard.

Marine Le Pen semble elle aussi avoir intégré la fin de ce point du programme, même si elle explique vouloir s'en remettre à l'avis des adhérents. Les divisions internes, en particulier autour du programme ou de la stratégie, ne font qu'ajouter à l'impression de confusion actuelle. D'après Eddy Fougier, le parti a atteint à ce stade une limite à sa refondation, initiée par l'arrivée de Florian Philippot.

"Les interrogations autour de la ligne politique et de la stratégie ont permis au FN de progresser, mais pas de passer le cap de l'accession au pouvoir", analyse-t-il. 

Les vrais et faux départs

La décision de Marion Maréchal-Le Pen d'arrêter la politique et de ne pas briguer à nouveau son mandat de députée du Vaucluse a donné un nouveau signal négatif, alors que le FN est confronté comme les autres à la refondation politique qui s'opère. La crise autour de la sortie de l'euro a pris un nouveau tournant avec la création de l'association Les Patriotes par Florian Philippot, que certains ont accusé de "chantage". Car le vice-président du parti a assuré qu'il partirait en cas d'abandon de la mesure. Et il mène une campagne étrange, qui laisse planer le doute sur sa motivation. Et depuis le mois de mai, les relations entre le duo de tête du parti sont fortement dégradées. Lors du congrès de 2018, certaines questions fondamentales sur la ligne du parti devront donc être posées. 

"Même si le parti arrive à avoir un groupe à l'Assemblée, cela ne règlera pas tous les problèmes sur la ligne politique", estime Eddy Fougier. "Tout est possible, et Marine Le Pen elle-même pourrait être remise en cause". 

L'échec de l'alliance avec Debout la France

Après une brève alliance le temps de l'entre-deux tours de la présidentielle, Debout La France, le parti de Nicolas Dupont-Aignan, réaffirme chaque jour un peu plus son indépendance. Mercredi, le député-maire de Yerres a exclu de siéger dans un même groupe que le FN s'il était réelu. "Nous sommes indépendants, il y aura des partis indépendants à l'Assemblée", a-t-il insisté, sur France Inter.

"La stratégie mise en place après le premier tout n'a pas fonctionné", constate Eddy Fougier. "Ce qui était considéré comme un coup de maître politique, le fait de casser la ligne entre les deux formations, n'a pas marché". 

Les limites de la dédiabolisation

Au sein du FN, Jean-Lin Lacapelle a eu pour mission, en amont des législatives, d'écarter les candidats problématiques, susceptibles de mettre à mal l'entreprise de "dédiabolisation" du parti. Mais cela n'a pas suffi. Mardi, Buzzfeed a publié une enquête qui révèle les sorties homophobes, racistes, islamophobes ou encore antisémites d'une centaine de candidats frontistes. Des propos tenus sur les réseaux sociaux, épluchés par le site d'information. Le FN a annoncé qu'aucune sanction ne serait prise à leur encontre d'ici le premier tour. Mais pour Eddy Fougier, ces nouvelles révélations pourraient pousser le parti à s'interroger sur la pertinence même de la dédiabolisation.

"Vu que ça ne marche pas, pourquoi le parti ne reviendrait-il pas à une ligne à la Jean-Marie Le Pen?", avance le chercheur.

Les paris sont ouverts. 

Charlie Vandekerkhove