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Rassemblement national

Le départ de Philippot signe-t-il la fin de la "dédiabolisation" du FN?

Après sa démission, Florian Philippot craint un "retour en arrière" du Front national, centré sur une ligne directrice dure, et moins rassembleur.

"Le Front national rattrapé par ses vieux démons". C'est avec ces termes, employés sur France 2 ce jeudi, que Florian Philippot entrevoit l'avenir du parti frontiste à la suite de sa démission. "J’ai vu semaine après semaine que cette refondation se passait mal, et qu’en réalité elle cachait un retour en arrière terrible", a-t-il ajouté.

"Il craint que l'on re-diabolise le Front national"

Selon l'ancien bras droit de Marine Le Pen, le Front national souhaiterait retrouver une ligne directrice plus dure, comparable à celle menée par Jean-Marie Le Pen. Une position bien éloignée de la stratégie de "dédiabolisation" qu'il avait lui-même portée ces derniers mois.

"Florian Philippot craint que la dédiabolisation du Front national, à laquelle il a participé depuis qu’il a rejoint le parti sous la présidence de Marine Le Pen, soit abandonnée", analyse notre éditorialiste politique Laurent Neumann. 

"Cette dédiabolisation que Marine Le Pen a elle-même défendue et choisie, dédiabolisation qui a permis au Front national de voler de succès en succès dans toutes les élections intermédiaires, jusqu’à atteindre plus de 10 millions de voix à la présidentielle. Il craint que l’on revienne sur cette stratégie et que l’on 're-diabolise' d’une certaine manière le Front national".

"Je ne pense pas que l'on reverra le FN de Jean-Marie"

Pour Eddy Fougier, politologue de l'IRIS, il semble toutefois peu probable que la thèse de Florian Philippot se confirme, et que le Front national revienne à une ligne directrice ferme similaire à celle de Jean-Marie Le Pen.

"Si le FN veut arriver au pouvoir, il ne doit pas faire peur aux Français, je ne pense donc pas que l'on verra réapparaître le FN de Jean-Marie Le Pen", prédit-il.
"Mais ce qui est sûr, c'est que le message envoyé par le parti n'est pas très bon. La démission de Philippot montre que le FN est hostile à tout élément extérieur. Beaucoup de personnes au sein du parti ne l'appréciaient pas, en raison de son profil, aussi bien politique, universitaire que sexuel, qui pouvait déranger".

Quatre options envisageables

Selon le politologue, le Front national se retrouve désormais face à quatre options pour sa reconstruction:

"La première, c'est de revenir au FN de Jean-Marie Le Pen, mais comme je l'ai déjà dit, cette hypothèse ne semble pas envisageable. La deuxième, c'est de conserver la ligne portée par Philippot, avec la sortie de l'euro en ligne de mire, mais je pense que celle-ci sera également abandonnée", précise-t-il.

"En troisième option, le parti peut décider d'adopter la politique de Robert Ménard, c'est à-dire chercher à sortir de son isolement, en se rapprochant de la droite 'hors les murs' et de partis comme 'Debout la France'. Mais on a déjà vu que cette stratégie ne portait pas ses fruits, avec notamment l'alliance entre Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan au second tour de l'élection présidentielle, j'aurais donc tendance à évincer également cette option-là".

"Enfin, la quatrième option, qui semble la plus crédible, serait d'impulser un FN qui ne serait pas protestataire, ni provocateur, mais de droite radicale, qui se montrerait sévère en matière d'immigration et d'identité. Une position qui permettrait d'effacer la parenthèse Philippot, et d'adopter une ligne plus libérale", explique-t-il.

Le retour de Marion Maréchal-Le Pen?

Reste à savoir qui pourrait incarner ce nouveau visage du Front national. Pour Eddy Fougier, un retour de Marion Maréchal-Le Pen est envisageable.

"Les deux ennemis jurés au sein du parti, les deux symboles des oppositions qui y règnent, Marion Maréchal-Le Pen et Florian Philippot, ont tous les deux quitté le navire", constate-t-il. "Mais si le FN choisit la quatrième option, et donc d'adopter une ligne plus libérale et conservatrice, Marion Maréchal-Le Pen serait la plus à même d'incarner ce nouveau visage et de séduire les électeurs, un boulevard s'ouvrirait devant elle" analyse-t-il. "L'avenir du FN, c'est Marion Maréchal-Le Pen".

Les clefs concernant l'avenir du FN devraient être données dans les semaines à venir. Selon le politologue, le discours tenu sur la sortie ou non de l'euro, et plus généralement sur les questions économiques, sera un indicateur.

"On aura quelques signes lorsque la question sur la sortie de l'euro sera remise sur le tapis. Si une sortie de l'euro est prônée, ce qui est peu probable, c'est que la ligne Philippot est toujours d'actualité, ce sera une sorte de victoire posthume pour lui. Si ce n'est pas le cas, c'est que le parti devient plus libéral, et se dirige vers la quatrième option".

"Le FN n'a plus le monopole"

Le Front national, qui a deux ans devant lui pour se reconstruire, devra faire face aux tensions internes, mais aussi revoir sa stratégie en fonction de celle adoptée par les autres partis, qui empiètent sur son territoire.

"Dans les jours qui viennent, des tensions très fortes vont émerger au sein du parti entre les défenseurs de Philippot et ses détracteurs. Ces tensions vont faire du mal au FN", prédit Eddy Fougier. "Mais le point positif pour le parti, c'est que les prochaines élections ne sont qu'en 2019, et que ce seront les européennes, qui sont en général favorables au FN".

"D'ici là, le parti doit faire face à une importante interrogation pour élaborer sa stratégie. Il y a d'un côté une grosse concurrence sur l'anti-système, avec Jean-Luc Mélenchon, et d'un autre côté une grosse concurrence sur la droite radicale, avec Laurent Wauquiez, s'il prend la tête des Républicains. Le FN n'a plus le monopole", conclut-il.

Céline Penicaud