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Rassemblement national

Comment le FN compte séduire les banlieues pour 2017

Jordan Bardella, tête de liste du Front National en Seine-Saint-Denis pour les régionales, sur le marché d'Aulnay-sous-Bois, en novembre 2015

Jordan Bardella, tête de liste du Front National en Seine-Saint-Denis pour les régionales, sur le marché d'Aulnay-sous-Bois, en novembre 2015 - Joel Saget - AFP

Le Front national et la banlieue, l'alliance n'est, à première vue, pas évidente. Le parti compte sur le collectif "Banlieues patriotes" pour faire progresser le vote frontiste dans les périphéries. Sécurité, voile, politique de la ville... L'implantation du discours du FN en banlieue est, pour certains, mission impossible.

En novembre prochain, le collectif "Banlieues patriotes" du Rassemblement bleu marine, va connaître sa première échéance. Celle de présenter, lors d'une convention du FN, ses propositions sur la banlieue.

Si l'alliance extrême droite et banlieue peut paraître maladroite, le parti frontiste l'a fait. Aux départementales de 2015, le FN a recueilli 48% des voix à Montfermeil (93), une ville longtemps restée sous administration communiste. Sur le canton Tremblay-en-France-Montfermeil, il est arrivé en tête au premier tour avec 30,3% des suffrages.

Pour l'élection présidentielle de 2017, le collectif “Banlieues patriotes” doit nourrir le programme de Marine Le Pen. Tout comme dix autres collectifs dans d'autres domaines.

Les "propositions novatrices" de Banlieues patriotes

Jordan Bardella, le jeune secrétaire départemental du FN en Seine-Saint-Denis, prévient: "Nos propositions novatrices seront présentées lors d’une convention pour une République apaisée mi-novembre". Certaines concernent la politique de la Ville qui va dans le mauvais sens depuis des décennies, selon l'élu, contacté par nos soins. 

"Nous sommes en totale opposition avec le dispositif qui consiste à enfermer les quartiers dans des cases. Depuis 40 ans, on considère que parce que les gens sont pauvres, il y a de la délinquance".

Guy Deballe, le secrétaire général du collectif Banlieues patriotes, plaide pour un "vrai vivre ensemble, des services publics, des transports". Il estime qu'il faut "remettre la politique de la ville entre les mains de l’Etat".

Parmi ces "propositions novatrices", Jordan Bardella détaille un "rétablissement du service militaire" et la nécessité de "fermer les mosquées radicales". Toujours sur le terrain religieux, l'étudiant en géographie et conseiller régional d'Ile-de-France estime qu'il est nécessaire d'étendre "la loi de 2004 (sur le port de signes religieux à l'école, NDLR) aux entreprises, aux services publics, aux lieux publics".

Des idées qui émanent de la maison mère. En août dernier, Florian Philippot assurait lui aussi sur notre antenne qu'il fallait interdire le voile dans l'espace public. Même chose pour le service militaire, Marine Le Pen demande régulièrement la "mise en place d’un nouveau service nationale militaire".

A ces propositions, Guy Deballe ajoute celle de "renforcer les moyens humains de protection des citoyens" avec "plus de policiers et plus de gendarmes". 

Miser sur le vote des femmes

Quant à sa cible, le FN "s’adresse à tous les Français", rappelle Jordan Bardella qui plaide pour un "travail pédagogique avec la France des oubliés dans les banlieues", "un territoire qui s’abstient énormément". Mais le collectif Banlieues patriotes entend aussi adresser un "message aux mères de famille".

"Souvent, elles ont un travail précaire et doivent s’occuper de leurs enfants, ce sont des personnes qui s’identifient à Marine Le Pen", croit savoir l’élu.

Sur le site de Banlieues patriotes, les articles à destination des femmes sont nombreux. Celui-ci se revendiquant du féminisme, celui-là appelant les femmes de banlieues à être "libres et insoumises". 

Quant aux électeurs issus de l'immigration, Jordan Bardella assure qu’il y a "de moins en moins de réticences", "les gens ne sont pas bêtes", précise-t-il. Le jeune élu évoque ses tournées en Seine-Saint-Denis:

"On me dit: 'Ce qu’on a fui en Algérie, on le retrouve dans nos quartiers'", faisant référence à la pratique d'un islam radical.

Pouvoir répulsif

Mais le FN garde chez les électeurs issus de l’immigration, un pouvoir rebutant. Jérôme Fourquet, directeur à l'Ifop et co-auteur de Karim vote à gauche et son voisin vote FN, explique que "la peur du FN" existe encore:

"Même si Marine Le Pen a édulcoré son discours en la matière, le message reste présent chez les citoyens d’origine immigrée."

Concrètement, le discours du FN sur l’immigration, "les empêche de voter" pour ce parti et provoque même un effet de sur-mobilisation lorsque le Front nationale est présent au second tour.

Quand on pointe le paradoxe du discours du Front national sur les migrants à sa volonté de conquérir le vote des citoyens issus de l'immigration, Guy Deballe estime qu’il s’agit d’une "remarque fortement inspirée d’un commentaire des beaux quartiers parisiens". Car selon lui, si "les Français d’origine immigrée regardent cette récente migration avec compassion, ils se demandent aussi comment c’est possible qu’il y est autant de conflits qui naissent dans ces endroits".

les collectifs du fn, "un enjeu de storytelling"

Ces collectifs ne sont pas une nouveauté au FN. "C’est la troisième vague, après celles des années 70 et 90", explique Nicolas Lebourg, historien de l’extrême droite.

"Celle-ci a été relancée par Marine Le Pen et Florian Philippot".

Si ces collectifs ne connaissent pas un "très grand succès au niveau qualitatif", "c’est un enjeu de storytelling médiatico-politique", pour le parti. "Le FN veut montrer qu’il se normalise, qu’il se désenclave", précise l’historien. Selon lui, c’est "important pour un parti qui n’a pas tant de places éligibles que ça" et "ça maille le parti pour celui qui tient ces collectifs", autrement dit Florian Philippot qui peut ainsi "se faire un réseau", en distribuant des postes.

Et le pouvoir de rabattage de voix de ces collectifs reste faible. Par exemple, "ce n’est pas le collectif Racine (dédié aux professeurs, NDLR) qui ramène les enseignants, c’est plus un effet structurel", explique Nicolas Lebourg.
Mélanie Longuet