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Faut-il rétablir l'ISF? L'idée fait son chemin au sein de la majorité

Edouard Philippe et Emmanuel Macron le 30 octobre 2017 à L'Elysée.

Edouard Philippe et Emmanuel Macron le 30 octobre 2017 à L'Elysée. - LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

L'idée ne serait pas étudiée par l'exécutif à ce stade mais, face à la grogne sociale, plusieurs députés veulent savoir "où est passé l"argent" de l'ancien impôt sur la fortune.

C'est un des angles d'attaque de l'opposition et l'une des revendications des gilets jaunes. Face à la grogne sociale, l'exécutif est appelé à revenir sur la suppression de l'ISF. Une telle mesure serait un signal fort, surtout de la part d'un président surnommé "des riches", dont les annonces de cette semaine n'ont pas convaincu les gilets jaunes. "Quand l'impôt devient injuste, quand les gens ont l'impression de l'injustice de l'impôt, ils n'en peuvent plus, ne l'acceptent pas. Comment on rétablit les choses? (...) Pourquoi on ne rétablirait pas l'ISF? Cela ferait rentrer 4,5 milliards dans les caisses de l'Etat", a proposé dimanche soir Alexis Corbière, sur BFMTV. 

Au sein même de la majorité, l'idée, ou du moins la question à ce stade, fait son chemin. Dans la lignée de la proposition de Bruno Bonnell, le député LaREM du Rhône et homme d'affaires, qui a proposé de réaliser un audit sur l'argent de l'ISF.

"Qu'est devenu cet argent? Si cet argent a été réinjecté dans l’économie, on ne pourra pas parler de cadeau fiscal, ça veut dire que ce sont des entrepreneurs ou des gens avec du patrimoine qui ont remis de l’argent dans les entreprises pour créer des emplois, dans ce cas-là ils ont joué le jeu. Si ils n’ont pas joué le jeu, alors là ça ne marche pas", a-t-il estimé ce jeudi sur RMC.

Des députés LaREM partants pour un audit

D'après nos informations, la piste n'est pas du tout envisagée par Emmanuel Macron ou Edouard Philippe, lesquels n'ont d'ailleurs pas échangé avec Bruno Bonnell sur ce projet. Mais l'idée commence à faire des émules parmi les députés LaREM, comme Amélie de Montchalin, proche d'Edouard Philippe et vice-présidente du groupe à l'Assemblée. Patrick Vignal, député de l'Hérault, a proposé à Bruno Bonnell de l'accompagner dans sa démarche.

"Avec les 307 membres du groupe LaREM, on pourrait tous vérifier régionalement l’effet de la réforme de l’ISF", expliquait-il ce jeudi sur Public Sénat.

Si la transformation de l'ISF en impôt sur la fortune immobilière ne s'avère pas efficace au terme de cet audit, le député de l'Hérault n'exclut pas son retour à la forme initiale. "Il ne faut pas avoir peur de dire 'on s’est trompé et il faut amender'. Si on se rend compte, au bout du compte, que la réforme de l’ISF n’a pas produit les effets escomptés, on ne doit rien s’interdire", plaide l'élu, qui propose par exemple d'"amender la réforme, par exemple en fixant l’impôt à 30 ou 50% de l’ancien dispositif". "J’encourage aussi mon gouvernement à faire une trêve sur la hausse des taxes sur les carburants", ajoute Patrick Vignal.

"Remettre ce sujet à l'ordre du jour"

Invité de Franceinfo mercredi, Lionel Causse, député des Landes, s'est dit lui aussi favorable à une évaluation de la suppression de l'ISF. Il a jugé "nécessaire que dans les mois qui viennent on puisse évaluer si (la suppression) a été à la hauteur et si cela a été suffisamment efficace (pour relancer l'économie) comme on s'y était engagé. Si ça n'est pas efficace, il faut que l'on remette ce sujet à l'ordre du jour à l'Assemblée nationale", a affirmé l'élu.

"Sur certains plans, nos réponses, celles du gouvernement et les annonces du président de la République sont peut-être insuffisantes sur les enjeux liés au social", a-t-il par ailleurs estimé.

Défiance

Patric Vignal n'est en outre pas le seul député à demander un moratoire sur la hausse des taxes sur les carburants. Bertrand Sorre, élu de La Manche, a adressé ce jeudi une lettre à Emmanuel Macron et Edouard Philippe pour leur faire part de sa "vive inquiétude quant à l'évolution de la crise sociale".

Cette petite musique au sein de la majorité s'inscrit donc dans un contexte où de nombreux députés laissent apparaître leurs doutes. Face à la posture d'Emmanuel Macron, mais surtout peut-être d'Edouard Philippe, ce Premier ministre qui, très symboliquement, n'adhère toujours pas à la République en marche.

D'après nos informations, sa "rigidité" actuelle passerait mal, tout comme les contradictions apparues ces derniers jours, dont celle autour de la revalorisation du SMIC. Mercredi, Edouard Philippe écartait sur BFMTV un "coup de pouce supplémentaire" au 1er janvier, avant d'être contredit le lendemain par la ministre du Travail, qui a promis une revalorisation automatique "significative". 

Charlie Vandekerkhove