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Retraites: comment Emmanuel Macron est devenu la cible principale des attaques des manifestants

Une mauvaise nouvelle pour la majorité présidentielle. La contestation de la réforme des retraites qui s’ancre dans le pays depuis bientôt 3 mois semble marquer le retour de l’antimacronisme dans la rue. Dans les rangs de ses partisans, on espère pourtant que la page sera bientôt tournée.

Un symbole de la montée des tensions? Alors que ce jeudi a été marqué par une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites, les slogans ciblant directement Emmanuel Macron se sont multipliés.

Des lycéens dans la manifestation parisienne portaient par exemple une pancarte qui illustre un slogan très entendu ces derniers jours dans les mobilisations spontanées le soir: "Louis XVI, on l’a décapité, Macron on peut recommencer".

Une pancarte contre Emmanuel Macron lors d'une manifestation contre la réforme des retraites le 23 mars 2023
Une pancarte contre Emmanuel Macron lors d'une manifestation contre la réforme des retraites le 23 mars 2023 © BFMTV

Au milieu d’une foule très dense, plusieurs cartons affichent également la couleur: celle d’une profonde détestation du président. Sylvère, 32 ans et professeur des écoles en banlieue parisienne tient haut son slogan: "Macron le sadique". Même ambiance pour Michaela qui écrit “on vivra tous mieux quand Macron sera mort - et nos retraites aussi”.

Sylvère, 32 ans et professeur des écoles en banlieue parisienne tient haut sur un carton "Macron le sadique" à Paris le 23 mars 2023
Sylvère, 32 ans et professeur des écoles en banlieue parisienne tient haut sur un carton "Macron le sadique" à Paris le 23 mars 2023 © BFMTV

Un 49.3 qui change l'atmosphère

Les premières mobilisations contre la réforme tournaient pourtant plutôt d'Olivier Dussopt, le ministre du Travail ou encore d'Élisabeth Borne avec une phrase qui avait fleuri sur bon nombre de banderoles : "Borne out". 

Mais, depuis le 49.3 et une motion de censure rejetée de peu, on retrouve comme lors des Gilets jaunes des mannequins brûlés à l'effigie d'Emmanuel Macron à Paris ou encore la tête du président brandie au bout d’un manche en bois à Châteauroux. De quoi y voir un tournant de la mobilisation plus de 2 mois après les premières journées de grève?

"Les attaques ad hominem sont un grand classique des manifs et quand on attaque une figure politique, on attaque sa dimension institutionnelle donc le président, quel qu’il soit, mais aussi la personne physique, ici Emmanuel Macron", relativise Élodie Mielczareck, spécialiste de la communication après de BFMTV.com.

Tout en jugeant cependant que l’interview du président ce mercredi a pu faire basculer l’ambiance dans les rangs des manifestants. "Vous avez eu des amalgames dans ses propos qui délégitiment tout mouvement social. C’est très dur à entendre quand vous croyez sincèrement que la réforme des retraites est injuste", avance encore la sémiologue.

Une interview qui passe mal dans les rangs des grévistes

Relativement discret sur la réforme des retraites ces dernières semaines, Emmanuel Macron a affiché son assurance dans le journal télévisé de 13 heures. Le président, dont la réforme ne convainc ni les syndicats, ni les oppositions, ni les Français de sondages en sondages, s’est dit "prêt à assumer l’impopularité". Avant d’expliquer n’accepter "ni les factieux, ni les factions dans la République".

"Je ne connaissais pas ces mots, j’ai regardé dans le dictionnaire. Et là, j’ai vu que ça voulait dire que le président m’accusait de fomenter des troubles violents", s’agace Lola, CPE dans un collège, dans le cortège parisien. 

Sa pancarte indique "Macron, les fonctionnaires viendront te chercher". "Je manifeste régulièrement, je perds des jours de salaire et le président résume comme ça mon combat? C’est insupportable", avance encore la fonctionnaire.

Un président "déconnecté, jugé méprisant"

Interrogé sur les difficultés du gouvernement à défendre la réforme, le chef de l’État a encore assuré ne "pas vivre de regret", se disant "convaincu" que les Français "sauront s’unir pour l’avenir du pays".

"On retrouve des éléments propres aux gilets jaunes avec le sentiment d’un président déconnecté, jugé méprisant. Et d’une certaine façon, le Covid avait anesthésié la colère mais pas la méfiance qui revient en force avec la réforme des retraites", décrypte Arnaud Benedetti, professeur associé à Paris-1. 

Dans les rangs de la macronie, où l’inquiétude commence pourtant à poindre sur la suite des réformes, on ne croit pas à un retour de l'anti-macronisme.

"Le mouvement n’a aucun rapport avec les Gilets jaunes. Il ne vient pas de la ruralité et l’extrême gauche n’essayait pas de le téléguider comme aujourd'hui", avance le député Renaissance Hadrien Ghomi. 

L'espoir d'un essoufflement pour la majorité

Même son de cloche du côté de  Prisca Thevenot, porte-parole du groupe à l’Assemblée nationale.

“Le sujet n’est pas pour ou contre Emmanuel Macron comme le disent certains mais bien pour ou contre la réforme. Le président a été élu démocratiquement, personne ne peut lui retirer ça", juge la parlementaire des Hauts-de-Seine.

Beaucoup dans les rangs de la majorité présidentielle appliquent la stratégie du dos rond et font le pari de l'essoufflement du mouvement. Avec un espoir: que les syndicats sortent de la contestation une fois la réforme promulguée et que des mobilisations plus éparses et violentes finissent pas perdre le soutien des Français.

Le calcul a tout d'un pari: plus de 6 Français sur 10 soutiennent la prolongation du mouvement de grève d’après un sondage Elabe pour BFMTV.

Marie-Pierre Bourgeois