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"On n'a aucune nouvelle": la constitutionnalisation de l'IVG au point mort

Une pancarte "avorter est un droit fondamental" à Paris le 28 septembre 2022

Une pancarte "avorter est un droit fondamental" à Paris le 28 septembre 2022 - Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Dix mois après le vote de l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution par les députés, le texte est à l'arrêt. Emmanuel Macron avait promis de s'en emparer en mars dernier.

Des déclarations de bonne intention, un vote à l'Assemblée nationale, au Sénat et puis... rien. La constitutionnalisation de l'IVG a beau avoir été votée par le Parlement en première lecture, rien n'a avancé ces derniers mois.

"On n'a aucune nouvelle. Le gouvernement aurait pu faire une annonce ce jeudi avec la journée internationale pour le droit à l'avortement mais non. C'est le silence", regrette la sénatrice écologiste Mélanie Vogel auprès de BFMTV.com.

Promesse du chef de l'État

Emmanuel Macron avait pourtant assuré en mars dernier vouloir inscrire "la liberté" des femmes d'avoir recours à ce droit dans la Constitution par le biais d'une grande réforme constitutionnelle.

La manœuvre vise à s'assurer que la possibilité de remettre en cause l'IVG en cas de majorité politique qui y soit opposée, devienne extrêmement compliqué, voire impossible.

Sur le papier, le président joue sur du velours et a pour lui le Parlement. Il lui "suffit", une fois les deux chambres d'accord, de s'emparer du texte et de le soumettre au référendum.

Il a l'opinion et l'actualité dans son camp. La décision de la Cour suprême des États-Unis de révoquer le droit à l'avortement en juin 2022 marque les esprits. Dans la foulée, 81% des Français se sont dit favorables à l'inscription de ce droit dans la Constitution, d'après un sondage IFOP.

Macronie, insoumis et RN d'accord

De quoi pousser la macronie à prendre le sujet à bras-le-corps. Si les députés de la majorité présidentielle avait rejeté une précédente proposition de La France insoumise en la matière en 2018, Aurore Bergé décide finalement de s'emparer du sujet.

Celle qui était alors la patronne des députés Renaissance dépose une proposition de loi pour "inscrire le respect de l'IVG dans notre Constitution". Mais les insoumis veulent également jouer leur carte en déposant leur propre texte.

Fait très rare: la macronie se rallie finalement au projet de loi des insoumis, preuve de l'importance du sujet.

Le Rassemblement national, très divisé sur la question, hésite longuement à voter pour la constitutionnalisation de l'IVG. Une partie de ses troupes dit finalement banco, après le retrait de la notion "d'égal accès à la contraception" pour toutes les femmes du texte proposé.

"Un petit miracle parlementaire"

"La loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse", peut-on y lire, après le vote.

"C'est un petit miracle quand on y pense qu'on soit arrivé à se mettre d'accord quand même", reconnaît même un député macroniste.

Le Sénat s'empare dans la foulée du sujet. Aux termes de débats très houleux, les sénateurs finissent par dire oui à l'inscription dans la Constitution de l'IVG de "la liberté de la femme". Une victoire pour la gauche alors que la chambre haute avait dit non à un texte très proche quelques mois plus tôt.

Pour l'Élysée, "les travaux" pour aller vers le référendum sur l'IVG "ont débuté"

Depuis, le texte est au point mort. Sur le papier, la version votée par le Sénat devrait revenir à l'Assemblée nationale, mais pour l'instant aucune date n'a été fixée.

La patronne du Palais-Bourbon, Yaël Braun-Pivet, et le président du Palais du Luxembourg, Gérard Larcher, ont certes bien échangé avant l'été avec Emmanuel Macron sur une éventuelle révision de la Constitution, incluant l'IVG.

"Le président avait dit que la constitutionnalisation de l'IVG devait s'inscrire dans une réforme institutionnelle dont les travaux ont débuté", avance de son côté l'Élysée.

"Pas l'option la plus probable"

Sur le papier, il faudrait que le texte revienne à l'Assemblée nationale, soit voté puis soit ensuite présenté aux suffrages des Français via un référendum après accord du président.

Emmanuel Macron a beau régulièrement évoquer la question d'une vaste consultation des Français, comme lors des rencontres de Saint-Denis, il n'a pourtant jamais franchi le pas.

"Demander aux Français de donner leur avis sur l'IVG ne me semble pas l'option la plus probable", répond sobrement un cadre de la majorité.

Macron "mesure le traumatisme que c'est d'avorter"

Autre possibilité: que le gouvernement dépose un projet de loi qui a la capacité d'avoir une majorité à l'Assemblée nationale comme au Sénat et qui soit une protection du droit acquis à l'IVG.

Dans un calendrier parlementaire très contraint et sans volonté forte de l'exécutif, l'hypothèse semble peu probable. Le chef de l'État n'a d'ailleurs pas toujours semblé très allant sur le sujet.

"L’IVG est une conquête immense pour les femmes et pour les hommes, pour la dignité et l’humanité de tous. Mais je mesure le traumatisme que c’est d’avorter", avait déclaré le président à l'été 2021 dans les colonnes du magazine Elle.

Autre crainte éventuelle: celle de brusquer les parlementaires LR, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, dont a terriblement besoin le gouvernement en l'absence de majorité absolue.

"Tout cela n'a à mon sens quasiment aucune chance d'aboutir", avait expliqué sans ambages le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti en novembre dernier.

Marie-Pierre Bourgeois