BFMTV
Élysée

"On en parle beaucoup mais on ne le fait jamais": Macron et le référendum, l'éternelle tentation

Emmanuel Macron à Bormes-les-Mimosas le 17 août 2023

Emmanuel Macron à Bormes-les-Mimosas le 17 août 2023 - CHRISTOPHE SIMON / POOL / AFP

Le président qui pourrait annoncer des "projets de référendums" à l'issue d'une réunion ce mercredi avec les forces politiques parlementaires évoque régulièrement l'idée de consulter les Français. Si l'Élysée apprécie lancer des dispositifs participatifs, la déception a déjà été au rendez-vous.

Comme un air de déjà-vu. En difficulté depuis sa réélection en 2022, Emmanuel Macron tente ce mercredi de retrouver de l'oxygène en recevant ce mercredi à l'école de la Légion d'honneur les forces politiques. Au menu de cette "initiative politique d'ampleur": l'annonce de "projets de référendums".

Si le président affiche son ambition d'avoir recours à de grandes consultations électorales et refuse de "trahir la confiance du peuple", comme il l'a expliqué dans les colonnes du Point, cette antienne est devenue un grand classique de l'Élysée. Sans jamais aboutir jusqu'ici.

"On a besoin d'air avant un retour à l'Assemblée qui va secouer. Le président tente des choses et c'est normal. Après, est-ce que ça va déboucher vraiment sur un référendum ? J'en doute", nous résume un député macroniste.

Encore un essai

Si le scepticisme est de mise dans une partie du camp présidentiel, c'est que le dialogue direct entre le chef de l'État et les citoyens pour sortir de l'ornière politique a parfois pris des allures de chemin de croix.

Avant même le fiasco des législatives qui contraint depuis plus d'un an le président à devoir manœuvrer avec une majorité relative, Emmanuel Macron avait par exemple dégainé la carte du Conseil national de la refondation (CNR).

"Le président croit tellement à cette nouvelle méthode qu’il est prêt à aller jusqu’à soumettre à référendum des propositions qui en sortiraient", expliquait à l'époque l'entourage du chef de l'État.

Pensée comme un organe pour réunir "les forces politiques, économiques, sociales, associatives, des élus des territoires et de citoyens tirés au sort" autour de la même table, l'initiative au niveau national a fait flop. Le président a pourtant mouillé la chemise, sans parvenir à empêcher son boycott par une partie des forces politiques.

"On ne peut pas faire un référendum juste pour le geste"

"On ne peut pas reprocher au président d'essayer de trouver de nouvelles façons de revivifier la démocratie", défend un familier des allées du pouvoir.

"Certains disent que le président est coincé à l'Élysée. On voit bien que ce n'est pas le cas, qu'il veut créer du lien, être à l'écoute. C'est son but et il fait tout pour, avec le CNR ou autrement", partage encore le député Renaissance Louis Margueritte.

Certains, pourtant, traînent des pieds, même dans le camp macroniste. "Ça ne fait jamais de mal de vouloir discuter avec tout le monde et le président l'a bien compris. Mais on ne peut pas faire un référendum ou une grande consultation juste pour le geste", remarque le député Éric Woerth.

"Laissons faire le président. On lui dit toujours que ça ne va pas marcher et à la fin, on y arrive", répète de son côté régulièrement le patron des sénateurs macronistes François Patriat.

"Les limites de la pensée présidentielle"

Avec en tête un exemple: le grand débat lancé par Emmanuel Macron pour sortir de la crise des Gilets jaunes. Le président avait donné de sa personne en animant lui-même pas moins d'une quinzaine de ces rendez-vous directement avec des Français.

Si les cahiers de doléance ont bien été remplis par des centaines de milliers de personnes et permis de sortir de la crise, leurs conclusions n'ont guère servi de base de réflexion à l'exécutif pour le second quinquennat d'Emmanuel Macron.

Quant aux mesures annoncées dans la foulée des conclusions du débat, certaines ont bien abouties - comme la suppression de l'ENA ou encore la réforme du versement des pensions alimentaires- mais d'autres sont restées lettre morte, à l'instar de la fin des fermetures d'écoles.

"On touche aux limites de la pensée présidentielle. Le chef de l'État veut bien consulter mais sans perdre la main donc on aboutit à des désillusions", reconnaît un ancien conseiller de l'Élysée.

"Un président toujours fidèle"

Autre initiative qui avait en partie déçu: la conférence citoyenne pour le climat. Lancée dans la foulée des conclusions du grand débat, Emmanuel Macron s'était engagé à ce que les 150 propositions de ces citoyens tirés au sort soient "soumis sans filtre soit au vote du Parlement soit à référendum soit à application réglementaire direct".

Deux ans plus tard, après le vote de la loi climat, seule une quinzaine de propositions ont bien été retranscrites dans la loi, d'après un calcul du Monde.

"Bien sûr qu'il peut y avoir des déceptions. Mais nous sommes ceux qui avons le plus utilisé les outils participatifs de la 5ème République malgré tout", avance Guillaume Kasbarian, le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

Le président avait d'ailleurs promis en avril dernier de retranscrire dans la loi les conclusions de la Convention citoyenne sur la fin de la vie "d'ici la fin de l'été en avril dernier". Les discussions au Parlement pourraient commencer à la fin de l'année.

"Le président a toujours été volontariste dans son écoute des Français, dans sa volonté d'être fidèle à ce qu'ils jugent bon pour le pays", explique un proche d'Emmanuel Macron.

"Évidemment, on ne le fait jamais"

"Soyons honnêtes. On ne peut pas faire sur tous les sujets un référendum ou une convention citoyenne, ni à n'importe quel moment. On doit trouver le bon format, le bon calendrier", reconnaît cependant le député Guillaume Kasbarian.

Plus cash, un conseiller ministériel assène :"si on fait un référendum et qu'on le perd, je ne vois pas comment Macron s'en sort sans dissoudre. On en parle beaucoup parce que c'est attractif, que ça plaît aux gens mais à la fin, évidemment qu'on ne le fait jamais."

Au sein de la majorité, personne n'a oublié le référendum de 2005 sur la Constitution européenne. Les Français avaient voté "non" au grand dam de Jacques Chirac qui avait fait campagne pour.

"Comparaison n'est pas raison mais c'était un second mandat, avec des gens qui pensaient à 2007. Sarkozy avait bien savonné la planche de Chirac à l'époque. On n'est pas obligé de refaire les mêmes bêtises", remarque un député Renaissance.

De quoi pousser le porte-parole du gouvernement Olivier Véran à évoquer sur BFMTV lundi la possibilité d'un préférendum, un outil qui permettrait de trancher plusieurs questions lors d'une seule consultation électorale. "C'est sûr que ça permettrait de diluer un éventuel échec de faire plusieurs votes. Ce serait plutôt malin", sourit ainsi un député macroniste.

Marie-Pierre Bourgeois