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Élysée

Macron se veut le lanceur d'alerte numéro 1 sur le climat 

Emmanuel Macron a sonné l'alarme mardi lors du One Planet Summit ("Sommet une seule planète") dans le compte à rebours mal engagé contre le réchauffement climatique. D'après les observateurs, le chef de l'Etat est en train de prendre le leadership écologique devant la communauté internationale.

Emmanuel Macron a multiplié les coups de semonce ce mardi, en prenant la parole lors du rendez-vous climatique One Planet Summit ("Le sommet Notre seule Planète" en français), à Paris. "On est en train de perdre la bataille. (...) On ne va pas assez vite et c'est ça le drame", s'est-il notamment écrié. En clôture du sommet, il a fixé une feuille de route, tenant en douze engagements, aux pays participants.

Ces déclarations, quelques mois après son discours du 1er juin ponctué par le célèbre "Make our planet great again" ("Rendez sa grandeur à notre planète"), laissent peu de doute: le président français veut endosser le premier rôle sur la scène environnementale.

Combler le vide laissé par les Etats-Unis

L'écologie n'a pourtant pas toujours été une préoccupation majeure d'Emmanuel Macron. D'après Apolline de Malherbe, notre éditorialiste, il faut voir dans cette nouvelle position le résultat d'arrières-pensées politiques et même géopolitiques: "Il a compris que d’abord diplomatiquement, il y avait un vide laissé par Donald Trump. Et puis ce qui l’intéresse, c’est l’économie. Et du coup, il revient vers l’écologie par le business, c’est-à-dire par les grands patrons et les fonds de pension." Le patron de l'exécutif tenterait ainsi un coup de poker: "Au fond, le pari que fait Emmanuel Macron, qui est au cœur de son ADN, c’est que finalement c’est peut-être le business qui est en train de remplacer les Etats."

Reprenant cette analyse, notre éditorialiste Laurent Neumann a considéré qu'Emmanuel Macron initiait ainsi une véritable "diplomatie parallèle":

"Il y a un autre fait générateur. Au fond, quand on regarde concrètement ce qu’il s’est passé depuis la COP21, il n’y a pas grand chose. Emmanuel Macron a senti qu’on devait créer une sorte de diplomatie parallèle. Il y a la COP et on continuera à en avoir chaque année, mais il vient d’annoncer là que ce sommet qu’il a initié à Paris, il faudrait le réitérer chaque année en parallèle de la COP."

"Pour le moment, il s'impose"

Notre consultant écologie, Jean-Louis Caffier, a en tout cas estimé sur notre plateau ce mardi soir que le chef de l'Etat marquait des points: "En tout cas, pour le moment, il s’impose. Paris s’est imposé avec la COP 21 avec toutes les insuffisances qu’on a notées, notamment le manque d’opérationnel dans cet accord. Là, c’est la deuxième étape. On est passé d’une sorte d’état d’urgence à une sorte de débauche de mobilisation générale." Le spécialiste a ensuite décrypté le discours du chef de l'Etat: "C’est pour ça qu’après avoir dit: ‘On est en train de perdre la bataille’, ce qui signifie donc qu’elle n’est pas encore perdue, Emmanuel Macron a appelé tout le monde à se mobiliser et notamment la société civile."

L'économiste Thomas Porcher, membre du collectif des "Economistes atterrés", a lui aussi évoqué la volonté d'Emmanuel Macron de s'emparer du leadership environnemental. Mais il remet en cause l'efficacité du sommet, en se fondant sur les contradictions qui selon lui sont celles d'Emmanuel Macron:

"Les beaux discours c’est très bien mais quand on regarde les actes… Pourquoi dire que la maison brûle et continuer à signer des traités transatlantiques avec des pays qui sont à 6000 kilomètres pour faciliter des échanges qui existent déjà et qu’on accentue encore, et notamment des échanges portant sur du pétrole issu des sables bitumineux?"

Attendu au tournant 

Ce sommet dirigé par un président français prisonnier de ses paradoxes serait-il un coup d'épée dans l'eau? Non, répond Pascal Canfin, directeur général de l'ONG environnementale WWF qui estime que les lignes bougent: "Depuis hier, il y a des dizaines et des dizaines d’annonces supplémentaires qui n’auraient peut-être pas eu lieu si ce sommet ne s’était pas tenu. Et la première responsabilité d’un chef d’Etat, Emmanuel Macron comme ceux qui sont venus, c’est de faire en sorte que l’ensemble des énergies convergent pour que des annonces soient faites." Il a encore détaillé:

"Quand la Banque mondiale annonce aujourd’hui qu’elle ne financera plus de pétrole et de gaz, quand Axa dit qu’il se désinvestit de toute entreprise qui finance toute nouvelle centrale à charbon, c’est rendre justice à la volonté des différents acteurs que de faire un pas de plus, même si le compte bien sûr n’y est pas encore, pour nous rapprocher des engagements pris il y a deux ans lors de l’Accord de Paris."

Si Emmanuel Macron s'est saisi du porte-voix pour donner le ton sur les dossiers climatiques devant la communauté internationale, il est désormais attendu au tournant. 

Robin Verner