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Élysée

Macron remet l'immigration au centre du débat et appelle sa majorité à "regarder ce sujet en face"

Au ministère des Relations avec le Parlement, le chef de l'État a exhorté les députés et sénateurs LaREM et MoDem à regarder les enjeux migratoires "en face". Une intervention révélatrice de sa volonté d'en faire un sujet de campagne pour l'élection présidentielle de 2022.

À moins de deux semaines d'un débat sans vote à l'Assemblée nationale puis au Sénat sur l'immigration, Emmanuel Macron a voulu mettre les pieds dans le plat. Du moins en termes d'affichage politique. Lundi, alors que les parlementaires de son camp se réunissaient dans les jardins du ministère de Marc Fesneau, en charge des Relations avec le Parlement, le chef de l'État a profité de sa visite pour évoquer les enjeux migratoires. 

"Nous n'avons pas le droit de ne pas regarder ce sujet en face", a lancé le locataire de l'Elysée, prenant le risque de bousculer la frange la plus à gauche de sa majorité. Emmanuel Macron a dessiné les contours du sujet de manière concrète, en dénonçant des abus du droit d'asile et en évoquant la question du maintien sur le territoire de ceux qui en sont déboutés:

"La difficulté qui est la nôtre, c’est que nous sommes face à un phénomène nouveau: les flux d’entrée n’ont jamais été aussi bas en Europe et les demandes d’asile jamais aussi hautes en France. Je crois dans notre droit d’asile, mais il est détourné de sa finalité par des réseaux, des gens qui manipulent. (...) Cela donne quoi ? Des quartiers ou le nombre de mineurs non accompagnés explose."

"Les bourgeois ne les croisent pas"

Derrière ce constat, qui s'inscrit dans la logique de la loi asile-immigration votée au Parlement durant l'été 2018, le président de la République a mis en exergue ses soubassements plus politiques. Notamment vis-à-vis de son parti, parfois hésitant sur le régalien et l'immigration:

"La question est de savoir si nous voulons être un parti bourgeois ou pas. Les bourgeois n'ont pas de problème avec ça, car ils ne les croisent pas. La gauche n’a pas voulu regarder ce problème pendant des décennies. Les classes populaires ont donc migré vers l’extrême droite. On est comme les trois petits singes; on ne veut pas regarder."

Cette pique adressée à l'aile gauche de La République en marche, incarnée par des députés comme Aurélien Taché ou Stella Dupont, n'est pas anodine. En effet, comme il l'a affirmé lundi, Emmanuel Macron entend enraciner plus fermement son duel avec le Rassemblement national d'ici l'élection présidentielle de 2022.

"Il faut confirmer cette opposition car ce sont les Français qui l'ont choisie. Il y a deux projets: celui du repli, (...) faire peur, ou bâtir une solution ouverte mais pas naïve."

Pour affronter le parti de Marine Le Pen, le chef de l'État en est convaincu, les "bons sentiments" ne lui fourniront que des épées de bois. Sur la question de la laïcité, même son de cloche:

"Ce n’est pas une religion. On a le droit de croire et de ne pas croire. Mais émerge dans notre société le sujet du communautarisme. La réponse passe par l’école, par les services publics, par la République."

Des divergences au sommet

Au-delà des réticences de certains élus marcheurs ou centristes sur ces sujets, le fondateur de LaREM risque d'être confronté aux divergences de vues qui persistent au sommet de l'État. Une partie de ses conseillers élyséens, à l'instar de Philippe Grangeon ou Joseph Zimet, n'est pas friande des embardées droitières sur l'immigration et l'identité, quand bien même Emmanuel Macron a tenté, à plusieurs reprises depuis la crise des gilets jaunes, d'être en pointe du débat public sur ce thème. 

"Je veux que nous mettions d’accord la nation avec elle-même sur ce qu’est son identité profonde, que nous abordions la question de l’immigration. Il nous faut l’affronter", déclarait-il lors de son allocution télévisée du 10 décembre 2018.

Il reste à voir également si Matignon se mettra au diapason. Le Premier ministre Édouard Philippe s'est toujours montré prudent sur ces sujets. Ou du moins, il n'a jamais endossé seul un quelconque durcissement sur l'immigration sans l'aval de l'Elysée. À l'occasion du grand débat national, l'ancien maire du Havre avait même opté pour que le sujet ne fasse pas l'objet d'un "thème" à part entière. Face au risque de progression du vote RN lors des prochaines échéances électorales, néanmoins, le couple exécutif devra bien être au clair sur les recettes qu'il applique en cuisine. 

Jules Pecnard