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Élysée

Macron et les agriculteurs: pourquoi ça coince

Emmanuel Macron dans un élevage porcin le 17 janvier 2017, à Moustoir-Remungol

Emmanuel Macron dans un élevage porcin le 17 janvier 2017, à Moustoir-Remungol - FRED TANNEAU / AFP

Alors que le chef de l'État se rendra samedi au Salon de l'agriculture, tour d'horizon des points de crispation qui entretiennent la méfiance des agriculteurs à l'égard du président et de son gouvernement.

Opération reconquête pour Emmanuel Macron. Ce jeudi, le chef de l’État reçoit un millier de jeunes agriculteurs pour un déjeuner organisé au Palais de l’Élysée. Une rencontre qui intervient deux jours avant l’ouverture du Salon de l’agriculture à Paris, où le candidat Macron avait été la cible l'année dernière d’un jet d’œuf.

L’ambiance promet donc d’être tendue, alors que les éleveurs français ont manifesté leur grogne mercredi lors de manifestations. À cet égard, le président aura fort à faire pour rassurer et convaincre les exploitants français, loin d’être acquis à sa cause: seuls 18% d’entre eux ont voté pour le candidat d’En Marche au premier tour de l’élection présidentielle. D’autant que leurs revendications sont nombreuses, et leur méfiance vis-à-vis du locataire de l’Élysée toujours aussi palpable.

L’image de "président des villes"

Si Emmanuel Macron a promis le "printemps" de l’agriculture française lors de ses vœux aux agriculteurs, la défiance de ces derniers envers le chef de l’État reste intacte. Et pour cause, depuis son arrivée à l’Élysée, le président a régulièrement été taxé par l’opposition de "président des riches" et "des villes", insensible au monde rural et déconnecté de la réalité du terrain et des problématiques qui s’y jouent.

Les agriculteurs se souviennent aussi de certaines de ses déclarations qui, bien qu’elles ne les visaient pas directement ("salariés illettrés de Gad", "La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler", les jeunes "qui veulent devenir milliardaires", "les pauvres" qui prennent l’autocar…), ont été assimilées à un mépris de classe.

L’accord de libre-échange avec le Mercosur

Autre source de mécontentement des agriculteurs: l’accord de libre-échange envisagé entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), qui laisse craindre un afflux de viande bovine en provenance d’Amérique du Sud. Au cœur de la protestation des agriculteurs lors des manifestations de mercredi, jour de reprise des négociations, l’accord prévoit un quota d’importation de viande de bœuf allant jusqu’à 70.000 tonnes de viande fraîche et surgelée vers l’Europe sans payer de droits de douanes. À cela s’ajoute un quota de 66.000 tonnes, acté depuis la condamnation de l’UE par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) dans les années 2000.

Les syndicats agricoles s’inquiètent notamment de la qualité des produits sud-américains. Les agriculteurs français, "au moment où les exigences à leurs égards ne cessent de s'accroître, [...] vont subir des importations massives de produits dont les méthodes de production sont interdites en France", ont dénoncé la FNSEA et les Jeunes agriculteurs.

Les agriculteurs fustigent en outre le double discours du gouvernement qui a présenté un projet de loi se voulant favorable aux producteurs "pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable", tout en négociant parallèlement l’accord avec le Mercosur.

  • Pour rappel, la loi sur l’agriculture et l’alimentation prévoit notamment une inversion de la construction du prix payé aux agriculteurs pour renforcer la rémunération de ces derniers (un agriculteur sur trois gagne moins de 350 euros par mois). Seulement voilà, les exploitants s’inquiètent de voir les négociations sur les prix avec les leaders de la grande distribution (Leclerc, Intermarché, Carrefour…) stagner alors qu’elles doivent s’achever le 28 février prochain.

Les zones défavorisées

Largement dépendants des aides européennes, certains agriculteurs s’indignent contre la révision de la carte des zones défavorisées qui va priver 1400 communes françaises des subventions accordées dans le cadre de la politique agricole commune (PAC).

Ce redécoupage "exclut encore trop de zones du dispositif et les solutions pour les accompagner ne sont pas suffisantes. Les agriculteurs qui vont perdre les aides ne peuvent se contenter de réflexion ou de promesses d’engagements. Ils attendent du concret", ont prévenu la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs dans un communiqué, avant d’ajouter que "des pans entiers de l’agriculture de certains départements sont en jeu".

Les mesures environnementales

Enfin, les préoccupations des agriculteurs reposent sur les mesures environnementales du gouvernement. À commencer par la sortie annoncée du glyphosate, herbicide controversé car considéré en 2015 comme "cancérogène probable" par le Centre international de recherche sur le cancer, un organe de l’OMS.

Le nouveau plan loup prévoyant une population de 500 loups sur le territoire français d’ici à 2023, tout en autorisant l’abattage d’un maximum de 40 d’entre eux cette année, ne convainc pas non plus les syndicats agricoles, qui estiment "qu’une nouvelle fois, la voix des acteurs du monde rural est ignorée, bafouée et ne compte pas dans ce pays".

Restent encore les contraintes environnementales, les mesures contre le réchauffement climatique, les conséquences du Ceta (accord de libre-échange avec le Canada)… Autant de sujets qui concentrent les crispations des agriculteurs et qui promettent à Emmanuel Macron une visite mouvementée au Salon de l’agriculture, samedi à Paris.

Paul Louis