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Légion d'honneur: Piketty n'était pas au courant de sa nomination

Thomas Piketty, économiste français, a refusé de recevoir la Légion d'honneur.

Thomas Piketty, économiste français, a refusé de recevoir la Légion d'honneur. - John MacDougall - AFP

L'économiste regrette d'avoir été mis devant le fait accompli de sa nomination à la Légion d'honneur, et explique l'avoir refusé car il trouve cette pratique de décoration "totalement dépassée".

Il a beau la refuser, il reste nommé. L'économiste à succès Thomas Piketty demeure pour le moment nommé chevalier de la Légion d'honneur, malgré son opposition à cette distinction. A moins qu'il ne décide, comme l'avait fait le compositeur français Maurice Ravel en 1920, de faire annuler le décret présidentiel de sa nomination.

"Lorsque vous refusez la Légion d'honneur, le décret portant votre nomination n'est pas annulé pour autant", explique un porte-parole de la grande chancellerie de l'Ordre. "Votre refus signifie seulement que vous renoncez à recevoir votre insigne et, de fait, à devenir membre de l'Ordre", a-t-il précisé.

Un acte anti-Hollande? "Pas du tout"

Nommé au grade de Chevalier par décret du 31 décembre, Thomas Piketty a annoncé qu'il refusait cette distinction parce qu'il "ne pense pas que ce soit le rôle d'un gouvernement de décider qui est honorable". Surtout, il ne comprend pas pourquoi il n'a pas été prévenu avant de voir son nom au Journal officiel. "Le plus simple aurait été un mail, un SMS, un coup de fil… Je leur aurais tout de suite dit que je n’en voulais pas", explique-t-il au Monde.

Et malgré les réactions de ceux, comme Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, qui voient dans son refus un acte "politique" contre le gouvernement, et une désapprobation du cap économique et fiscal, Thomas Piketty assure qu'il n'en est rien. "Ce n’est pas le sujet. J’ai toujours trouvé que cette histoire de Légion d’honneur était complètement dépassée. Cette façon de décider qui est le petit groupe de citoyens honorables, dont les mérites éclatants doivent être reconnus, c’est une conception du rôle de l’Etat, du gouvernement, qui me semble totalement surannée."

Il reste néanmoins très critique de l'action menée par le gouvernement Ayrault, puis Valls. "L'action de ces deux dernières années a été catastrophique, mais je n'ai pas besoin d'une Légion d'honneur pour le dire ou pour l'écrire".

Signe de vanité ou d'humilité?

Aboutissement d'un processus de sélection, la nomination dans l'Ordre de la Légion d'honneur, validée par décret signé du président de la République, est suivie d'une cérémonie de remise d'insigne. Pour cette cérémonie, le futur décoré désigne une personne, elle-même déjà décorée d'un grade équivalent ou supérieur, pour lui remettre son insigne. Un brevet lui est ensuite adressé par la grande chancellerie qui atteste de son appartenance à l'Ordre.

Le cas du musicien Maurice Ravel, qui demanda l'annulation de sa nomination, reste unique à ce jour. "Nommé contre son gré par un décret de janvier 1920, Ravel avait demandé au grand chancelier de faire le nécessaire pour que cette nomination soit annulée, ce qui fut fait par décret en avril de la même année", raconte Bertrand Galimard-Flavigny. Ce refus avait provoqué ce commentaire acerbe de son confrère, le compositeur Erik Satie, avec qui il était en froid: "Monsieur Ravel refuse la Légion d'honneur, mais toute sa musique l'accepte".

Pour Bertrand Galimard-Flavigny, auteur de "La Légion d'honneur", le refus de la Légion d'honneur peut être perçu comme un acte de vanité mais être aussi "un signe d'humilité". Autre possibilité suggérée par l'écrivain: "recevoir la décoration en petit comité, mais la mettre dans un tiroir et ne pas en parler". Thomas Piketty, lui, a préféré une solution plus médiatique, comme d'autres, avant lui. Florilège de ces farouches nommés.

A. G. avec AFP