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Élysée

"Le pognon" des aides sociales: le coup de comm' d'Emmanuel Macron

La vidéo du président mise en ligne par sa conseillère presse témoigne d'une volonté de réaffirmer son autorité, mais aussi de préparer l'opinion aux annonces sur les aides sociales.

Dans la nuit de mardi à mercredi, la conseillère en communication d'Emmanuel Macron, Sibeth N'Diaye, a publié sur son compte Twitter une vidéo du chef de l'Etat. On l'y voit en bras de chemise, dans le salon vert de l'Elysée, s'adressant à ses conseillers chargés de rédiger son discours de mercredi portant sur la réforme du système social. Après avoir reçu la première version du discours, il exprime sa vision de la réforme devant ses proches collaborateurs pour que ceux-ci améliorent le texte. On l'entend alors prononcer à plusieurs reprises la phrase: "les aides sociales, ça coûte du pognon".

"On croirait entendre Nicolas Sarkozy"

Malgré l'aspect "pris sur le vif" de la vidéo, celle-ci n'a rien d'un document spontané. Tournée par un caméraman de l'Elysée, selon le Figaro, elle est montée - et constitue en réalité un pur instrument de communication. "Même s'il s'applique à ne pas la regarder, Emmanuel Macron a conscience d'être filmé", affirme Philippe Moreau-Chevrolet, de l'agence de communication MCBG Conseil. La vidéo a été mise en ligne à la veille du discours d'Emmanuel Macron sur la réforme du système social. "C'est un stratagème pour événementialiser le discours du président", analyse le communicant. A travers une pastille "choc", on prépare l'opinion: "La preuve, depuis la diffusion de la vidéo, on ne parle que de cela".

Et surtout du "pognon". Car si un élément frappe dans cette vidéo, c'est le langage du président, loin du registre soutenu qu'il utilise habituellement. "On croirait entendre Nicolas Sarkozy", remarque Philippe Moreau-Chevrolet. Pour lui, l'emploi du mot "pognon" aurait pour but de "créer un effet d'authenticité". On tente de faire entrer le spectateur dans le processus de décision. Objectif, montrer ce que le président pense vraiment: "il veut une politique de droite. De là, soit il cherche à répondre négativement à ceux qui lui réclament une politique plus sociale, soit il fait du 'en même temps': rassurer l'électeur de droite tout en annonçant des concessions le lendemain".

Une séquence internationale difficile

Autre but de cette vidéo: montrer un président en fonction, qui maitrise la situation. On le voit s'adresser à ses collaborateurs, le ton est direct et il n'hésite pas à tomber dans les reproches. Une façon de répondre à ses détracteurs: car dans sa propre majorité, Emmanuel Macron est contesté. Certains députés lui réclament une politique plus sociale, d'autres s'insurgent de la réaction française à l'affaire de l'Aquarius. Le chef de l'Etat se pose ainsi en garant de l'autorité.

Ces derniers jours, on l'a vu également être malmené sur la scène internationale, par Donald Trump. La vidéo lui permet donc aussi de revenir dans le jeu, en évoquant cette fois un sujet très français. "Le réinvestissement national détourne l'attention des commentateurs et observateurs, reconcentrant leur regard sur une nouvelle séquence, plus conformément à l'avantage du jeune Président", écrit Arnaud Benedetti, spécialiste de la communication politique, sur le site du Nouveau magazine littéraire.

Reste à voir si cette stratégie de "reconnexion avec les Français" est réellement payante. Pour Philippe Moreau-Chevrolet, elle témoigne de deux choses: d'une part, de "l'usure de la parole présidentielle". Et d'autre part, d'une séquence nouvelle qui s'ouvre: celle de la campagne électorale pour les européennes et municipales.

Ariane Kujawski