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Élysée

Heurts, sifflets, débat improvisé de Macron: les temps forts de l'ouverture du Salon de l'agriculture

La visite du président de la République a été émaillée de tensions, de sifflets, mais également de temps d'échanges, d'annonces.

Malgré la mobilisation de certains syndicats d'agriculteurs venus perturber l'ouverture de la 60e édition du Salon de l'agriculture ce samedi 24 février, Emmanuel Macron a maintenu sa visite à la Porte de Versailles, qui a duré 13 heures au total.

Cette première journée a été marquée par de nombreuses séquences d'échauffourés, de sifflets, mais également d'échanges et d'annonces. Dans un contexte de crise agricole qui dure depuis un mois, le temps était aux revendications sociales et aux questions économiques plutôt qu'à la dégustation de bons produits.

Pagaille et heurts

Des dizaines de manifestants ont forcé une grille et se sont opposés au service d'ordre à l'extérieur puis à l'intérieur du Salon de l'agriculture. Sur place, à l'étage, Emmanuel Macron rencontrait des syndicats.

Les manifestants sont entrés dans le Salon sans être fouillés avant l'ouverture officielle, comptant des agriculteurs exaspérés de la Coordination rurale, de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs, reconnaissables à leurs drapeaux et casquettes distinctives. Cherchant le président de la République dans les allées, ils en sont venus aux mains avec le service d'ordre qui tentait de les stopper, et des coups ont été échangés.

De son côté, Emmanuel Macron a affirmé ne pas être dupe au sujet d'une partie des fauteurs de trouble:

"Je ne suis pas un lapin de six semaines, je sais où ils habitent", a-t-il déclaré, interrogé sur la possibilité que le RN ait instrumentalisé la contestation.

Implicitement la Coordination rurale était visée.

"Vous avez des gens qui sont venus ici avec un projet politique, c'est de servir le Rassemblement national, de faire demain une haie d'honneur aux dirigeants du RN. Et de mener une campagne politique", a déclaré le chef de l'État un peu plus tard dans la journée.

Coup de sang sur Les Soulèvements de la Terre

À la sortie de sa rencontre avec les syndicats, Emmanuel Macron a pris un temps pour répondre aux questions de la presse. Le sujet sur l'invitation des Soulèvements de la Terre à venir débattre ce jour lors d'un grand débat finalement annulé, l'a particulièrement mis en colère. "Je démens totalement cette information", a-t-il déclaré.

"C'est n'importe quoi!", s'est agacé le président de la République. Tandis que la veille l'Élysée a publié un communiqué assurant que l'invitation avait été lancée "par erreur" par des membres de son cabinet.

"Je n’ai jamais songé initier une telle invitation. [...] Il y a eu une erreur qui a été faite quand ce groupement a été cité, mais c’est faux", a-t-il tonné face aux journalistes.

Il a jugé que "le message qu’on a laissé s’installer" sur sa personne "est inacceptable". "Vous parlez au président de la République qui a assumé de faire passer en Conseil des ministres leur dissolution", s'est-il défendu.

"Le Conseil d’État, je respecte les décisions de justice, a ensuite cassé cette décision", a ajouté Macron.

Un débat improvisé

Un débat au Salon de l'agriculture a finalement bien eu lieu malgré les vives tensions et l'annulation la veille du grand débat voulu par Emmanuel Macron.

Le chef de l'État a rencontré dans la matinée des agriculteurs et des représentants des différentes organisations syndicales en mettant en avant son envie de "dialogue".

"On est là pour se causer", a lancé le chef de l'État, entouré de ses ministres Marc Fesneau et Agnès Pannier-Runacher.

Pendant deux heures, accoudé sur une table mange-debout, veste de costume tombée, le président a recueilli les doléances des agriculteurs regroupés autour de lui, chacun portant un signe distinctif de son organisation syndicale: bonnets jaunes, casquettes vertes ou rouges.

Closes miroir qui "n'existent pas", revenus, concurrence ukrainienne, agriculture bio, bien-être agricole, simplifications des normes... De nombreux thèmes y ont été abordés.

L'un des moments les plus émouvants a probablement été lorsque que le taux de suicides dans la profession a été mis sur la table. Un agriculteur a alors confié au président avoir "failli passer à l'acte" au mois d'août.

"On fait beaucoup pour le bien-être animal, mais que fait-on pour le bien-être des agriculteurs?", a interpellé une agricultrice.

En 2010, l’élevage bovins-lait présentait une surmortalité par suicide de 52 % avait déjà observé dans son étude de 2016 Santé Publique France.

De nouvelles annonces

Lors de ces échanges avec les syndicats, Emmanuel Macron a donné rendez-vous aux représentants d'ici trois semaines, après le Salon, qui durera jusqu'au 3 mars.

Le président a répété que le gouvernement avait pris 62 engagements en réponse au mouvement qui a explosé le 18 janvier et a fait plusieurs annonces, dont la création d'un "prix plancher" pour mieux rémunérer les agriculteurs

Un recensement des exploitations nécessitant des aides de trésorerie d'urgence a également été annoncé ainsi que l'inscription dans la loi que l'agriculture et l'alimentation était "un intérêt général majeur de la nation française". Plusieurs propositions pour alléger les normes ont également été lancées.

Une ouverture sous les sifflets

Avec 4h30 de retard, Emmanuel Macron a finalement lancé le Salon. Après avoir exhorté les syndicats à calmer leurs bases, le chef de l'État a fait le choix de maintenir sa visite et d'inaugurer cette 60e édition.

Sous des sifflets stridants, les huées, des "Macron démission" et quelques doigts d'honneur, le président entouré de son ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, et de la ministre déléguée, Agnès Pannier-Runacher, a coupé le ruban.

Déambulation, prises de parole politiques et déversement de fumier

Malgré les sifflets et les heurts qui se sont poursuivis tout le temps de sa déambulation, le de l'État a décidé de maintenir sa déambulation dans les allées du Salon derrière un cordon de sécurité massif.

Emmanuel Macron a goûté du miel du pays d'Auge, du fromage de Haute-Savoie, a serré des mains et répondu aux interpellations, l'air quasi imperturbable, mais la voix régulièrement couverte par le vacarme. Le programme initial de cette promenade a été complètement bouleversée par une pagaille inédite.

Le président s'est fendu devant un stand d'une saillie sur le RN et son instrumentalisation de la contestation. Il a ensuite taclé leur programme agricole, dénonçant leur "mauvaise politique".

"L'agriculture mérite mieux que le projet de décroissance et de bêtise qui consiste à expliquer aux gens que la solution se serait de sortir de l'Europe", s'est insurgé le Président de la République face aux agriculteurs et à la presse.

Un peu plus loin, le stand de Lactalis, numéro un mondial des produits des laitiers accusé de mal payer le lait, a été visé par un déversement de fumier, d'où s'est échappé un liquide marron.

Inédite par son agitation, cette visite d'Emmanuel Macron au Salon de l'agriculture s'est poursuivie toute la fin d'après-midi. À l'extérieur, le face-à-face entre certains agriculteurs et les forces de l'ordre a continué. Pour de nombreux visiteurs, bloqués pendant plusieurs heures devant l'entrée, ce premier jour a été "une honte et une déception".

6 interpellations et 8 blessés

En début de soirée, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a annoncé 6 interpellations, dont 3 pour violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique, lors de cette première journée au Salon de l'agriculture.

Selon cette même source, 8 policiers ont été blessés dans ces violences, dont "deux un peu plus sérieusement". Emmanuel Macron a pour sa part quitté à 21h15 le Salon de l'agriculture, a indiqué son entourage, après plus de 13 heures de visite.

Hortense de Montalivet