BFMTV
Élysée

François Hollande peut-il être destitué?

Le président de la République François Hollande le 1er décembre 2016

Le président de la République François Hollande le 1er décembre 2016 - BFMTV

Le député LR Pierre Lellouche a présenté lundi à l'Assemblée nationale une proposition de résolution visant à destituer François Hollande. Il reproche au président de la République d'avoir divulgué "des informations secrètes" aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme. Si la procédure aboutissait, ce serait une première.

Il avait lancé l'idée à la fin du mois d'octobre. Ce lundi, Pierre Lellouche est passé à l'acte. Le député Les Républicains a diffusé à l'Assemblée nationale une proposition de résolution visant à destituer le président François Hollande, après ses révélations à deux journalistes du Monde, publiées dans le livre Un président ne devrait pas dire ça... Cette proposition est soumise à l'ensemble des députés.

Le destitution du président de la République est rendue possible par l'article 68 de la Constitution, qui précise:

"Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour."

Une sanction politique et non pénale

En clair, la destitution est une sanction politique, et non juridique, puisque le président est pénalement couvert par son immunité. Elle constitue un ultime recours, jamais utilisé jusqu'ici, dans le cas où le chef de l'Etat se rendrait coupable de "manquement à ses devoirs", par exemple s'il refuse de signer une loi votée par le Parlement ou s'il commet un crime.

Comme l'explique Didier Maus, professeur à l'Université d'Aix-Marseille et spécialiste de droit constitutionnel, joint par BFMTV.com, la formulation de l'article est volontairement floue, afin de n'avoir aucun lien avec une possible infraction pénale.

"Elle peut porter sur le comportement politique mais aussi privé du président, à condition que ses actes aient porté atteinte à la dignité de sa fonction", résume le site Vie publique, qui dépend de la Direction de l'information légale et administrative, placée sous l'autorité du Premier ministre. Ces infractions peuvent être de l'ordre public ou de l'ordre privé, et il faut que le fait reproché au chef de l'Etat soit suffisamment significatif pour le rendre indigne de sa fonction, précise Didier Maus, qui fut conseiller d'Etat.

"C'est intéressant, mais ça n'ira pas plus loin"

Pour Pierre Lellouche, "les confidences du président de la République, tout autant qu'un effondrement de la fonction présidentielle, relèvent d'un manquement caractérisé à ses devoirs (...) tel que prévu aux termes de l'article 68 de la Constitution", écrit le député dans sa proposition de résolution.

"C'est la première fois que cette résolution est tentée, et l'hypothèse de monsieur Lellouche n'est pas absurde", commente Didier Maus. "On est dans un cas intéressant, mais ça n'ira pas plus loin", précise-t-il aussi.

De nombreux députés Les Républicains reprochent en particulier à François Hollande d'avoir divulgué des informations classifiées aux deux journalistes du Monde, notamment à propos des assassinats ciblés de terroristes ordonnés par l'Elysée, et sur le projet avorté d'une attaque en Syrie.

Chez Les Républicains, Eric Ciotti a choisi lui d'attaquer le président de la République par voie judiciaire. Il s'appuie sur l'article 40 du code de procédure pénale, qui impose à tout responsable public de dénoncer au procureur tout délit dont il a connaissance. Il a saisi le procureur de la République, pour divulgation et reproduction de "documents secrets".

58 signatures nécessaires

Pour que la proposition de résolution de Pierre Lellouche prenne vie, il faut en premier lieu qu'elle soit signée par 58 députés, alors que l'opposition en compte 220. Un chiffre qui ne paraît pas inatteignable.

"Dès lors que la résolution sera signée par 58 députés, celle-ci sera transmise au Bureau de l'Assemblée nationale avant de poursuivre son examen en Commission des lois puis en séance publique", précise le député dans le communiqué qui présente sa démarche.

Si les 58 signatures sont atteintes, il y a cependant fort à parier que cela n'ira pas plus loin. Depuis 2014, la loi prévoit que la destitution soit prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour: celle-ci est présidée par le président de l'Assemblée nationale et constituée de 22 membres issus des deux chambres du Parlement.

Majorité des deux tiers

La procédure en elle-même peut être déclenchée par l'Assemblée nationale ou par le Sénat, qui doivent adopter à la majorité des deux tiers une proposition de réunion de la Haute Cour. Dans les quinze jours, la deuxième assemblée doit se prononcer. Si elle adopte la proposition, la destitution du président de la République est étudiée par la Haute Cour, qui doit se prononcer à son tour dans un délai d'un mois.

En résumé, si Didier Maus considère que cette résolution n'a aucune chance d'aboutir, c'est parce qu'il faut qu'elle soit votée à la majorité des deux tiers par l'Assemblée, puis de la même manière par le Sénat, avant que la Haute Cour puisse être convoquée.

"Même si les députés socialistes ne sont pas de bonne humeur (à l'égard du chef de leur majorité, Ndlr) il n'y a aucune probabilité" pour qu'ils se prononcent aux deux tiers pour une destitution de François Hollande, analyse-t-il. De plus, à six mois de l'élection présidentielle, par sûr que les députés, même de droite, soient convaincus de l'opportunité d'une telle démarche.
Charlie Vandekerkhove