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Élysée

Congrès de Versailles: que va dire Emmanuel Macron?

Le chef de l’État a convoqué le Parlement lundi à Versailles. Une initiative inédite pour un début de mandat. Loin de faire l’unanimité, ce Congrès devrait permettre au locataire de l’Élysée d’enfiler une nouvelle fois le costume d’hyper-président et de fixer le cap de son action pour les cinq années à venir.

L’annonce avait surpris tout le monde. Lundi, à 15 heures, Emmanuel Macron rejoindra l’Aile du Midi du château de Versailles pour s’adresser aux deux chambres du Parlement (Assemblée nationale et Sénat) et, à travers elles, aux Français. Au cours de son intervention, le chef de l’État devrait tracer les principales lignes de son quinquennat. Tant sur le fond que sur la forme, ce discours pourrait lui permettre d'asseoir son pouvoir. Mais il pourrait également se révéler à double tranchant.

Détailler la feuille de route de son action

L’intervention d’Emmanuel Macron devant le Parlement devrait prendre la forme d’un "discours sur l’état de l’Union", à l’instar de celui qui est présenté chaque année par le président américain, a expliqué le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner. Au président, "les grandes orientations", au Premier ministre, leur "mise en œuvre", a-t-il résumé. Objectif: fixer le cap. "Ce cap, il nous appartient à nous, membres du gouvernement de l’atteindre", avait notamment déclaré Édouard Philippe à l’issue du séminaire gouvernemental à Nancy.

"Dans l’entourage d’Emmanuel Macron, on explique qu’il veut mettre en perspective son action, donner du sens. On n’exclut pas non plus une surprise, peut-être des annonces sur des sujets institutionnels, une dose de proportionnelle au Parlement… Cela justifierait la convocation de ce Congrès", détaille Damien Fleurot, rédacteur en chef du service politique de BFMTV.

Le locataire de l’Élysée devrait également évoquer la réforme du marché du travail. Le discours pourrait faire écho à l’"Agenda 2010" présenté par l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder le 14 mars 2003, au "Jobs act" de l’Italien Matteo Renzi ou encore aux réformes libérales engagées par David Cameron en Grande-Bretagne. "La copie sera revue jusqu’à la dernière minute, notamment dans l’avion de retour quand (Emmanuel Macron) quittera le Mali (où il se trouve ce dimanche, ndlr) vers Paris", précise Damien Fleurot.

L’hyper-président

Cette intervention est en tout cas inédite: jamais un président ne s’est exprimé aussi tôt en cours de mandat face au Parlement. Une convocation précipitée au cours de laquelle Emmanuel Macron espère imposer l’image d’un président qu’il veut "jupitérien", quitte à passer pour un "monarque républicain" aux yeux de certains parlementaires. Le lieu du rassemblement en est la preuve. En choisissant le château de Versailles, le chef de l’État se pose une nouvelle fois en maître des symboles. Symboles qu'il n'a eu de cesse d'utiliser depuis son investiture pour soigner sa communication et son image.

La mise en scène est bien huilée. Emmanuel Macron veut tout maîtriser, au risque d’être perçu comme un hyper-président. En témoigne la date choisie pour la réunion du Congrès: un jour avant le discours de politique générale de son Premier ministre, Édouard Philippe. Une façon de montrer que c’est bien le chef de l’État qui mène l’action générale, quand son gouvernement se charge de la détailler et de l’appliquer.

Renouer avec la tradition

Gare toutefois à ce que la forme ne l’emporte pas sur le fond:

"Le lieu est exceptionnel: Versailles. Le moment est exceptionnel: la réunion du Congrès. Il ne faut pas trop en faire sur la mise en scène. Il faut être simple: une caméra qui filme le président de la République arrivant dans l’Hémicycle, il fait son discours, moment de recueillement, Marseillaise et on s’en va. Pas besoin d’inventer des choses trop compliquées du point de vue de l’image ou du protocole. La sobriété suffit dans ce genre de moment. Et surtout, il serait mal perçu de vouloir faire original pour faire original", explique sur notre antenne l’ancien chargé de communication de François Hollande, Gaspard Gantzer.

Le discours prononcé devant le Parlement marque enfin la volonté de renouer avec la tradition républicaine: "François Mitterrand l'avait fait dès juillet 1981, le général de Gaulle, Jacques Chirac, Georges Pompidou, tous l'ont fait, sauf François Hollande et Nicolas Sarkozy, a déclaré Christophe Castaner. Avant la réforme constitutionnelle de 2008, a rappelé le porte-parole du gouvernement, il était "d'usage" que le "président s'adresse à sa majorité" par un message lu par le Premier ministre devant le nouveau Parlement. Emmanuel Macron entend d'ailleurs renouveler l’exercice chaque année.

Une initiative critiquée 

La convocation du Congrès, moins de deux mois après l’investiture du président, n’est pas sans risques. L’initiative a été largement critiquée. Quelques groupes parlementaires tels que celui de la France Insoumise et des députés communistes ont déjà fait savoir qu’ils boycotteront le rendez-vous.

Pour la plupart, c’est le calendrier qui ne passe pas. En convoquant le Congrès un jour avant son discours de politique générale, le président de la République grille la politesse à son Premier ministre et affaiblit son gouvernement, estiment-ils. Jean-Christophe Lagarde (UDI) avait pris les devants en critiquant un chef de l'État qui "passe son temps à faire à la fois le travail de président de la République et de Premier ministre".

"Il n'y a plus de Premier ministre. Il est relégué dans un rôle totalement subalterne", a également affirmé Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, sur notre antenne. De son côté, Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise, estime qu’Emmanuel Macron "franchit un seuil dans la dimension pharaonique de la monarchie présidentielle" en ravalant son Premier ministre au rang de "collaborateur" en le devançant de 24 heures. 

Emmanuel Macron a-t-il alors beaucoup à perdre avec ce discours? "Oui et non, estime Jérémy Brossart, journaliste politique de BFMTV. Non, parce qu'il est fraîchement élu, il est encore populaire (...) il est en position de force et le contexte lui est favorable (...). Ceci dit, il faut que le président de la République réussisse, malgré tout, ce discours. Il faut qu'il fixe le cap, qu'il explique le sens de son action. Il faut qu'il soit à la hauteur à la fois du lieu et du moment et qu'il donne que ce discours était nécessaire, utile."

Paul Louis avec AFP