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Élysée

Comment les présidents de la Vème République ont dit "au revoir"

Valéry Giscard d'Estaing s'apprête à serrer la main du nouveau président François Mitterrand avant de quitter définitivement l'Elysée, le 21 mai 1981.

Valéry Giscard d'Estaing s'apprête à serrer la main du nouveau président François Mitterrand avant de quitter définitivement l'Elysée, le 21 mai 1981. - STF / AFP

Allocution solennelle en direct de l'Elysée, discours ému ou derniers voeux présidentiels... Avant l'annonce du renoncement de François Hollande jeudi soir, les présidents de la cinquième République ont fait leurs adieux à la fonction et aux Français chacun à leur manière.

Pour annoncer sa décision de ne pas briguer un second mandat, François Hollande a choisi de s'exprimer depuis l'Elysée. Il est apparu l'air sombre, les traits tendus, sur un simple fond bleu. Il a choisi ce lieu qui incarne la fonction présidentielle comme pour montrer qu'il n'entamerait pas de nouvelle campagne.

Avant lui, les présidents de la Vème République ont fait leurs adieux aux Français avec chacun leur style propre. Qu'ils s'adressent aux Français, à leur successeur, à leurs adversaires ou à leur famille politique. Ou même qu'ils expriment leurs voeux pour la nouvelle année, comme Georges Pompidou, quelques mois avant sa mort, lorsqu'il s'adressa aux Français avec des mots qui semblent aujourd'hui prémonitoires. Tour d'horizon de ces adieux présidentiels.

6 mai 2012, Sarkozy déclare son amour aux Français

Rompant avec une longue tradition d'allocutions depuis l'Elysée, Nicolas Sarkozy a choisi en 2012 de reconnaître sa défaite devant ses militants, encouragé par leurs hourras. Le 6 mai, le soir du second tour de la présidentielle, il réunit ses partisans sous l'égide de son slogan "La France forte", et monte à la tribune de la Mutualité pour faire son show d'adieu, avec un discours d'une dizaine de minutes.

Le public s'époumone et n'en finit plus de crier des "merci" au président sortant, battu par François Hollande. L'orateur est forcé à plusieurs reprises de demander le calme, invitant ses militants à "écouter ce qu'il a à dire". Au micro, il dit son "amour de la France", son "attachement pour le peuple français" et déclare porter toute la responsabilité de la défaite. L'ancien président redevient "un Français parmi les Français" et appelle ses ouailles à "respecter" son successeur. Il conclut, plein d'émotion: 

"Vous êtes la France éternelle, je vous aime."

15 mai 2007, Chirac appelle à l'unité de la nation

En 2007, l'ambiance est presque détendue, bucolique même, lorsque Jacques Chirac fait son allocution de départ à la télévision, sur fond des jardins de l'Elysée. Nous sommes le 15 mai 2007, la veille de la passation de pouvoir entre le président sortant et le président élu. Lors d'un discours qui se veut chaleureux, l'ancien président appelle à "l'unité', à la "solidarité" et au "respect de la diversité".

"Une nation c’est une famille, le seul lien qui nous unit et notre bien le plus précieux", déclare-t-il. 

  • Concorde, dialogue et égalité sont convoquées, tout comme le mot "confiance", qui revient plusieurs fois. Confiance dans l'avenir du pays, laissé aux mains de Nicolas Sarkozy, et en la France, "nation magnifique que nous avons en partage". 

17 mai 1995, Mitterrand évoque sa mort prochaine

Le 17 mai 1995, après la cérémonie officielle de passation de pouvoir entre François Mitterrand et Jacques Chirac, l'ancien président quitte l'Elysée pour le siège du PS, rue de Solférino, qui fut son QG de campagne en 1981. Comme il le fait remarquer lui-même, il fait ainsi le trajet inverse de celui emprunté le jour de son investiture. Nous sommes sept mois avant sa mort à 79 ans, le 8 janvier 1996. 

"C’est très agréable de vous retrouver ici, comme cela, aujourd’hui, je ne veux pas avoir l’air d’organiser une contre-manifestation...", lâche-t-il, avant de prononcer un discours qui prendra des allures d'adieux au monde et aux socialistes:

  • "Moi j’achève ma vie politique, je ne suis pas venu ici pour la recommencer, je l’achève, j’aborde la dernière étape de mon existence, dont j’ignore la durée, mais enfin elle ne peut pas être extrêmement longue, non pas forcément à cause de la maladie, mais parce que en même temps on vieillit et je connais les statistiques sur la durée de la vie humaine, mais malgré tout, il est des moments où un homme sent bien qu’il est des... comment dirais-je ... instants où la vie s’exalte ou s’accomplit, ce moment en fait partie".

 19 mai 1981, VGE, la Marseillaise et une chaise vide

Son "au revoir" est devenu mythique. Le 19 mai 1981, Valéry Giscard d'Estaing, battu par François Mitterrand, fait depuis l'Elysée des adieux très solennels aux Français. "Je viens vous dire très simplement au revoir", explique-t-il, avec beaucoup de retenue, assis à un bureau sur lequel trône un bouquet de fleurs. 

"Avant de vous quitter, je vous souhaite bonne chance, à chacune et à chacun d’entre vous. Bonne chance du fond du cœur, sans amertume pour les uns, et avec une chaude reconnaissance pour les autres", déclare l'ancien président. 

  • Mais si ce discours est resté légendaire, c'est pour sa séquence de fin: VGE conclut son discours par un "au revoir" précédé de longues secondes de silence. Puis il quitte la pièce, laissant devant la caméra, qui filme toujours, l'image d'une chaise vide, alors que retentit la Marseillaise.

31 décembre 1973, Pompidou annonce une année 74 "incertaine"

Le 31 décembre 1973, Georges Pompidou apparaît à la télévision, le visage bouffi par la maladie et les traitements, pour adresser ses voeux pour 1974 aux Français. Après une année 1973 plus difficile qu'annoncé, le président évoque une année à venir "incertaine", avec des "bourrasques". 

Il mourra quatre mois plus tard, en avril, en plein exercice de ses fonctions, et ses mots prononcés le 31 décembre laisseront l'image de paroles prémonitoires.

  • "Quant à moi, que vos suffrages ont placé à la tête de l'État, j'ai, sachez-le, conscience de mes responsabilités. Ces responsabilités, je les exercerai pleinement", promet-il. "Soyons résolus et le ciel s'éclaircira, soyons unis et l'avenir nous récompensera. Françaises, Français, du fond de mon cœur, je souhaite que l'année 1974, malgré quelques bourrasques, vous apporte à chacune et à chacun de la joie dans votre vie personnelle, familiale, dans vos projets."

25 avril 1969, De Gaulle place son destin dans les mains du peuple

"Françaises, Français, dans ce qu’il va advenir de la France, jamais la décision de chacune et de chacun de vous n’aura pesé aussi lourd", annonce le général De Gaulle lors d'un discours prononcé depuis l'Elysée, le 25 avril 1969. Deux jours plus tard, le 27, est organisé un référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat, avec lequel le président engage sa propre légitimité. 

"Si je suis désavoué par une majorité d’entre vous (...) ma tâche actuelle de chef de l’Etat deviendra évidemment impossible et je cesserai aussitôt d’exercer mes fonctions", annonce-t-il. "Au contraire si je reçois la preuve de votre confiance je poursuivrai mon mandat, j’achèverai grâce à vous l’œuvre entreprise il y a dix années", ajoute-t-il, précisant que s'il garde sa fonction jusqu'au bout, il la quittera "sans déchirement et sans bouleversement".

  • Le référendum est rejeté avec 52,4% des voix. Le général De Gaulle ne prendra plus la parole en public, se contentant d'annoncer son départ par le biais d'un communiqué. "Je cesse d'exercer mes fonctions de Président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à midi", écrit-il dans le document. 
Charlie Vandekerkhove