BFMTV
Élysée

Attentats: comment Hollande veut réviser la Constitution

François Hollande devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, lundi 16 novembre 2015.

François Hollande devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, lundi 16 novembre 2015. - Eric Feferberg - Pool - AFP

Le président estime que les armes juridiques que lui offrent la Constitution, notamment l'article 16 sur les pouvoirs du président et l'article 36 sur l'état de siège, ne sont pas adaptées pour agir contre "le terrorisme de guerre". Devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles, il a plaidé pour une révision de la Constitution.

Une réponse forte. Trois jours après les sanglants attentats du 13 novembre qui ont endeuillé Paris, le président François Hollande a exprimé lundi devant le Congrès réuni à Versailles son souhait de "faire évoluer (la) Constitution". L'idée? "Permettre aux pouvoirs publics d'agir, conformément à l'Etat de droit, contre le terrorisme de guerre", a-t-il expliqué. Selon le chef de l’Etat, certains articles ne sont en effet "pas adaptés à la situation que nous rencontrons".

"Cette guerre d'un autre type face à un adversaire nouveau appelle un régime constitutionnel permettant de gérer l'état de crise", a estimé François Hollande.

Pour faire face à une très grave crise, le pouvoir exécutif dispose actuellement de trois armes juridiques: l'attribution de pouvoirs exceptionnels au président (article 16 de la Constitution), l'état de siège (article 36 de la Constitution), l'état d'urgence (loi de 1955 révisée par l'ordonnance de 1960). C'est pour donner un statut constitutionnel à ce dernier régime que François Hollande entend réviser la Constitution. Explications.

Attribution de pouvoirs exceptionnels au Président

Arme massive, l'article 16 de la Constitution autorise le chef de l'Etat à prendre "toute mesure exigée par les circonstances". Circonstances qui sont détaillées: "lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu". Le Parlement se réunit de plein droit et l'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant la durée des pouvoirs exceptionnels.

  • La révision constitutionnelle de 2008 a prévu un contrôle, peu contraignant, de l'application de l'article 16: au bout de 60 jours -ou de 30 jours s'il est saisi par des parlementaires-, le Conseil constitutionnel indique, dans un avis public, si à son sens, les circonstances exceptionnelle ayant entraîné le recours à l'article 16 sont toujours réunies.

L'article n'a été mis en oeuvre qu'une fois, lors du putsch des généraux en 1961. Les pleins pouvoirs au général De Gaulle restèrent en vigueur cinq mois. Or, a souligné François Hollande lundi, ce régime "n'est pas adapté à la situation que nous rencontrons". "Le fonctionnement régulier des pouvoirs publics n'est pas interrompu", a-t-il fait remarquer.

Etat de siège

L'état de siège, fondé sur une législation du XIXe siècle (loi 9 août 1849), prévoit le transfert des pouvoirs de police à l'autorité militaire. La Constitution consacre cette disposition en prévoyant, dans son article 36, que l'état de siège est décrété en Conseil des ministres, et que sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par le Parlement.

L'état de siège a été activé en France au début des Première et Seconde guerres mondiales. En 1914, un certain nombre de pouvoirs dévolus aux préfets et sous-préfets dans les départements ont été transférés aux généraux commandants de régions militaires. En 1939, un décret-loi "réprimant la publication d'informations de nature à favoriser l'ennemi ou à exercer une influence fâcheuse sur l'esprit de l'armée et des populations" fait référence à l'état de siège.

Là aussi, François Hollande a jugé cet article inadapté par rapport au contexte de menace terroriste. "Il n'est pas concevable de transférer à l'autorité militaire des pouvoirs", a expliqué François Hollande.

Etat d'urgence

Estimant que ni l'article 16 ni l'article 36 ne permettent en l'état de répondre de façon adéquate à la situation actuelle en France, François Hollande souhaite donc, selon son entourage, réviser la Constitution pour donner un statut constitutionnel à l'état d'urgence.

D'un degré inférieur à l'état de siège, l'état d'urgence est en vigueur sur tout le territoire hexagonal depuis samedi. Utilisé durant la guerre d'Algérie, puis en 1984 en Nouvelle Calédonie, et en 2005 lors des émeutes dans les banlieues, n'est pas prévu par la Constitution mais par la loi du 5 avril 1955. Il comporte des mesures restrictives des libertés, également pour une période de 12 jours, sa prorogation devant ensuite être voté par le Parlement, comme pour l'état de siège.

Lundi devant le Congrès, François Hollande s'est référé aux propositions du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République présidé par Edouard Balladur en 2007. Celui-ci avait suggéré de modifier l'article 36 de la Constitution pour y faire figurer, outre l'état de siège, l'état d'urgence. Il proposait également qu'une loi organique définisse ces régimes et précise leurs conditions d'application.

Selon le constitutionnaliste Dominique Rousseau, interrogé par l'AFP, le président de la République souhaite "inscrire l'état d'urgence dans le marbre de la Constitution", de manière à "améliorer son intouchabilité".

"L'article 36 qui prévoit l'état de siège a un rang constitutionnel, le rang le plus élevé dans la hiérarchie des normes. L'état d'urgence dépend de la loi de 1955 et a un statut juridique plus fragile. Le président propose de faire monter l'état d'urgence en le mettant au même niveau que l'état de siège (...) Ce qu'une loi a fait, une loi peut le défaire, alors qu'une modification de la Constitution requiert une majorité des trois cinquièmes du Congrès".

V.R. avec AFP