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Législatives: pourquoi LR est en position de force, malgré la perte de nombreux députés?

Les Républicains, fragilisés par leur cuisante défaite à la présidentielle, ont réaffirmé mardi leur "indépendance" face à Emmanuel Macron que certains pourraient être tentés de rallierLe logo LR (illustration)

Les Républicains, fragilisés par leur cuisante défaite à la présidentielle, ont réaffirmé mardi leur "indépendance" face à Emmanuel Macron que certains pourraient être tentés de rallierLe logo LR (illustration) - BERTRAND GUAY © 2019 AFP

Les Républicains ont beau être passé de 100 députés à 61, la droite garde le sourire. Elle se maitient avec un groupe relativement puissant à l'Assemblée nationale et pourrait bien servir de force d'appoint pour la macronie qui n'est pas parvenue, et de loin, avoir la majorité absolue.

"C'est pas si pire." La syntaxe d'un lieutenant des LR a beau n'être qu'être qu'approximative, elle a le mérite d'être parlante et de résumer le sentiment sur les bancs de la droite à l'issue des élections législatives. Si le parti de Christian Jacob a perdu son statut de premier groupe d'opposition et doit se contenter de 61 députés, nombreux sont les ténors de la rue de Vaugirard à garder le moral. BFMTV.com vous explique pourquoi.

• Le score assure un groupe étoffé à l'Assemblée

Non seulement ces résultats apparaissent plutôt bons après la déroute subie par Valérie Pécresse à la présidentielle (4,7%), mais ils assurent surtout aux LR de garder un groupe relativement fourni à l'Assemblée nationale, derrière la majorité présidentielle Ensemble, le Rassemblement national et la Nupes (Nouvelle union écologique, populaire et sociale).

"La situation aurait été différente si beaucoup de députés LR avaient pris le chemin d'Emmanuel Macron. On nous en promettait 25, ils sont finalement 5. On voit que nous sommes solides et que nos députés croient dans leur travail tout comme les Français", vante pour BFMTV.com Olivier Marleix, réélu dans la 2e circonscription d'Eure-et-Loir, et très bon connaisseur de la carte électorale.

L'option retenue par choix de Christian Jacob de ne pas mener une campagne nationale, contraint par des ténors du parti peu désireux de s'exposer en dehors de leur territoire, a également payé.

"Quand on fait du local, qu'on parle des écoles et des routes, ça marche parce qu'on a une vraie crédibilité et ça nous permet d'être fort nationalement à la fin. Ça, on sait encore faire très bien. Pour le reste...", grince un cadre du parti.

Certains s'imaginent même garder encore des postes-clés à l'Assemblée nationale, garantie d'une belle exposition médiatique et d'un certain pouvoir.

• Emmanuel Macron ne pourra pas se passer d'eux

En l'absence de majorité absolue, Emmanuel Macron va être contraint d'aller chercher des renforts sur les bancs de la droite. Plusieurs options sont la table: soit des négocations au cas par cas soit un accord pour la nouvelle mandature.

"On peut être les utiles face aux inutiles. On sait d'avance ce que vont voter le RN et la Nupes qui vont vouloir être en opposition frontale. Nous saurons dire 'oui' quand les réformes sont nécessaires pour le pays", analyse Brice Hortefeux, ancien ministre de Nicolas Sarkozy et toujours proche de l'ancien président.

Sur la table des discussions qui pourraient aboutir entre Ensemble (Renaissance, Modem, Agir et Horizons) et LR, on trouve l'allongement de l'âge de départ à la retraite ou la poursuite des réformes sur le marché du travail et les allocations chômage. D'autres projets de loi semblent moins en mesure de faire consensus entre les deux forces politiques comme le versement des prestations sociales à la source.

"C'est certain que nous serons les seules personnes républicaines avec qui Emmanuel Macron pourra discuter", juge de son côté l'ancienne députée et actuelle sénatrice LR Valérie Boyer.

Ces différentes hypothèses ont en tout cas bien animé les débats parmi les figures de la droite. Peu après la proclamation des résultats, Jean-François Copé a ainsi appelé dimanche à un "pacte de gouvernement" avec le pouvoir en place, estimant qu'"il appartient à la droite républicaine de sauver le pays". Refus quasi immédiat de son chef de file, Christian Jacob, qui a assuré que son parti resterait "dans l'opposition". Avant de le répéter ce lundi.

• L'ancrage local du parti reste fort

Malgré l'échec de Valérie Pécresse, après celui de Nicolas Sarkozy et de François Fillon, la droite reste encore très présente dans les territoires. Elle détient ainsi 7 régions sur 17 et est arrivée largement en tête au second tour des régionales en 2021 en récoltant 5,8 millions de voix contre 5,3 millions pour la gauche, 2,9 millions pour le Rassemblement national et 1,08 million pour la majorité présidentielle.

Le constat est similaire dans les communes. Aux dernières élections municipales, les LR ont gagné ou sont restés élus dans la moitié des villes de plus de 9000 habitants, en engrangeant quelques victoires dans des villes symboliques comme à Lorient, malgré des défaites dans des bastions de droite comme Bordeaux.

"Le local, c'est notre joie et notre tourment. C'est ce qui nous permet d'avoir des élus et beaucoup de financements. Mais ça nous offre aussi l'illusion que tout va bien alors qu'on ne sait plus gagner de présidentielle", nuance cependant un sénateur LR.

Le diagnostic n'est pas partagé par l'un des ténors de la rue de Vaugirard qui croit au contraire aux multiples tremplins municipaux vers l'Élysée.

"Reconstruisons-nous dans les territoires, testons des choses sur le terrain qui peuvent se déployer au niveau national, faisons monter des nouveaux visages. On a la chance d'avoir des laboratoires de politique dans tout le pays. Si on voit notre implantation locale avec ce prisme-là, on peut vraiment être gagnant en 2017", s'enflamme ainsi un ancien député.

• Emmanuel Macron ne se représentera pas, ce qui ouvre des perspectives à la droite

Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter en 2027 pour un troisième quinquennat, conformément à la révision constitutionnelle de 2008. De quoi donner de l'appétit à la droite qui ne compte pas laisser passer son tour pour la prochaine présidentielle, après trois défaites consécutives.

"On voit bien que ce n'est pas la présence à l'Assemblée nationale qui conditionne vos chances de succès pour la présidence. Regardez, Marine Le Pen n'a fait élire que 7 députés plus elle-même en 2017 et Mélenchon n'en a pas une vingtaine à l'heure actuelle", se réjouit un ancien membre du gouvernement de François Fillon.

Le camp du président reste encore peu structuré après cinq ans au pouvoir et beaucoup peinent à voir l'avenir de Renaissance, au-delà des deux quinquennats d'Emmanuel Macron. De quoi laisser espérer que les Républicains et leur expérience politique parviennent à tirer leur épingle du jeu.

"L'attelage de la majorité va tenir et puis quand on va rentrer dans le dur et que chacun va sentir qu'Emmanuel Macron aura moins de pouvoir parce que l'échéance de la prochaine présidentielle va se rapprocher, les appétits vont grossir", analyse de son côté Brice Hortefeux.

Parmi les ambitieux qui pourraient vouloir se lancer, on compte notamment Laurent Wauquiez ou Xavier Bertrand qui y croit encore, malgré son élimination à la primaire de la droite dès le premier tour.

Marie-Pierre Bourgeois