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Depuis l'étranger, Macron fait son retour sur la scène politique française

Emmanuel Macron a parlé plusieurs fois des problématiques françaises lors de déplacements en Europe centrale, rompant ici son engagement de ne pas commenter la politique nationale depuis l'étranger. Ces entorses lui permettent de revenir sur le terrain de la politique française.

Ce n'est pas forcément le plus spectaculaire mais Emmanuel Macron a tourné le dos à l'un de ses engagements, lors de la tournée européenne en cours: il a, ce jeudi et la veille, parlé de la politique française lors d'un déplacement à l'étranger, pratique qu'il avait lui-même condamnée peu après son entrée en fonction.

C'était le 15 mai dernier, à Berlin, alors qu'il rendait une visite de courtoisie à la chancelière allemande, Angela Merkel. Interrogé sur son choix d'Edouard Philippe pour Premier ministre, il avait répliqué: "Nous prendrons dorénavant la discipline à l'étranger de ne pas parler de politique française".

Macron transgresse sa propre règle...

Trois mois plus tard, cette règle d'airain souffre déjà de quelques fléchissements visiblement. Ce jeudi, à Bucarest, il a abordé les sujets intérieurs, et sous l'angle économique:

"Le peuple français, c’est un peuple qui déteste les réformes. Quand il le peut, il ne les fait pas. Mais la France n’est elle-même que quand elle mène des combats qui sont plus grands qu’elle. Il faut expliquer au peuple français où on va, il faut lui proposer de se transformer en profondeur mais pour mener un projet plus grand que soi. Se réformer pour ressembler aux autres, pour répondre à un chiffre, à une contrainte… notre pays n’est pas fait ainsi"

On peut noter cependant que cette prise de parole, portant sur la France mais émise à l'étranger, était toutefois effectuée devant des expatriés hexagonaux.

La veille déjà, ce mercredi, lors d'un sommet à Salzbourg en Autriche avec plusieurs de ses partenaires européens, interrogé sur un possible hiatus entre la politique qu'il prône en Europe, offensive contre le dumping social, et son envie de libéraliser le marché du travail français, il avait aussi entrepris de défendre son programme économique.

"La transformation que nous opérons est celle de faire entrer la France dans le XXIe siècle et gagner la bataille du chômage de masse. Non pas de baisser d'un ou deux points le chômage mais de profondément changer les structures économiques et sociales françaises"

Après avoir demandé au chancelier autrichien quel était le taux de chômage de son pays (réponse: 5,4%), il a poursuivi: "Depuis 30 ans, la France est la seule grande nation européenne qui n'a pas gagné contre le chômage de masse."

...pour mieux faire sa rentrée sur la scène française

Ces deux entorses montrent tout de même une réorientation de la position présidentielle. Lors de ses cent premiers jours élyséens, Emmanuel Macron avait largement mis l'accent sur sa dimension internationale. En plus de son séjour berlinois, Emmanuel Macron avait rempli son mois de mai par un sommet du G7 à Taormina, et l'accueil de Vladimir Poutine sous les ors du Château de Versailles.

Les premières semaines de son mandat avaient aussi vu plusieurs rencontres avec Donald Trump, avec un double rendez-vous à Bruxelles puis Taormina, avant de le retrouver à Paris pour les 13 et 14 juillet. Le président français avait même entretenu un dialogue à distance avec son homologue américain lorsque celui-ci avait décidé d'annoncer sa volonté de retirer son pays des Accords de Paris. A la mi-juillet, plus largement, BFMTV.com avait calculé qu'Emmanuel Macron avait rencontré 48 dirigeants étrangers.

Soucieux de limiter ses interventions médiatiques, ce calendrier diplomatique chargé a jusqu'ici largement pris le pas sur son agenda domestique. La défense en règle de sa feuille de route économique ces jours-ci prend donc toute sa signification. Le chef de l'Etat réinvestit le champ de la politique française dont il s'était éloigné.

Le retour du programme économique

Mercredi, il a évoqué tour à tour de sujets comme la bascule des cotisations sociales salariales vers la CSG, la transformation de la prime d'activité, la situation des TPE/PME, et sa volonté de la réforme de l'ISF. Des thèmes techniques qui lui ont permis de répondre, en filigrane, aux critiques de François Hollande sur la politique sociale envisagée et de se montrer en train de remettre les mains dans le cambouis.

Mais avec Emmanuel Macron, le décor n'est jamais très loin. Le cadre de ses déclarations est en effet très important, en l'occurrence, il faut noter que le chef de l'Etat a choisi, précisément, de faire ses mises au point depuis l'étranger. Une façon sans doute de rester au-dessus de la mêlée alors que les dernières concertations avec les syndicats dans l'optique de la réforme du Code du travail se sont échelonnées au ministère du Travail, à Paris, tout au long cette semaine.

Robin Verner