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Comment François Fillon a retourné la situation à son profit

On le croyait en sursis, abandonné par de nombreux responsables politiques de son camp, et pourtant le candidat François Fillon a reçu lundi soir le soutien unanime du comité politique du parti Les Républicains. Il s'agit de l'aboutissement d'un retournement de situation de 48 heures.

"Après un large débat, le comité politique a renouvelé à l'unanimité son soutien et sa confiance à François Fillon". C'est par ses mots, identiques à ceux du communiqué de presse délivré peu après, que le président du Sénat Gérard Larcher a annoncé le réalignement de sa famille politique derrière François Fillon. 

Pourtant, ce week-end, on ne comptait plus les défections au sein de son équipe de campagne ou les prises de distance de ténors du parti Les Républicains. Annoncé mercredi dernier alors qu'on apprenait sa convocation devant la justice, le meeting place du Trocadéro à Paris, ce dimanche, avait agacé une large partie de la scène politique, jusque dans son camp. Certains, comme Christian Estrosi, avaient même critiqué tout haut les motivations de ce meeting et demandé son annulation. C'est pourtant au coeur de ce rendez-vous que se trouve l'origine d'un revirement de la situation en faveur de François Fillon. 

Si la photo est bonne

En ces temps de forte houle dans la campagne de François Fillon, au cours d'un week-end pluvieux, l'affluence dominicale sur l'esplanade des droits de l'Homme, au Trocadéro, était incertaine. Les chiffres le sont d'ailleurs restés: 200.000 participants selon François Fillon, plutôt 40.000 selon cet article. Mais qu'importe la photo était bonne, permettant même à François Fillon de railler à la tribune les procès en solitude qui lui avaient été fait par ses détracteurs: "Ils disent que je suis seul!" s'est-il ainsi exclamé. Ce succès médiatique et le contenu du discours ont servi sa cause, a expliqué l'éditorialiste de BFMTV Ruth Elkrief: 

"Hier, rassemblement au Trocadéro, un discours de François Fillon dont on note la modération. Il n’y a plus d’attaque contre la justice, contre le tribunal médiatique, plus d’ 'assassinat politique', toutes ces expressions. Il renvoie la balle à sa famille politique en disant: 'J’ai fait mon examen de conscience, je m’excuse pour certaines erreurs. A vous de voir si vous êtes capables de trouver une alternative.' "

Peu après, sur le plateau du journal de 20h de France 2, François Fillon a également placé son mouvement au pied du mur son parti, posant la question de la simple possibilité d'une alternative: "Et puis, il va au journal de France 2. Il dit: 'Je continue et après tout, qui peut-on proposer à ma place?'", développe Ruth Elkrief. Si ses adversaires avaient alors le nom d'Alain Juppé en tête, l'hypothèque a bientôt été levée. 

Le renoncement d'Alain Juppé

Deuxième temps ce lundi matin à Bordeaux: Alain Juppé réunit la presse, expliquant "une bonne fois pour toutes" qu'il ne serait "pas candidat". Comment comprendre cette déclaration dans la mesure où Alain Juppé fustigeait une stratégie de communication qui avait conduit François Fillon "dans une impasse"? Le choc des images du Trocadéro, a répondu Ruth Elkrief:

"A ce moment-là, Alain Juppé voit les images de Luc Chatel, Christian Jacob et surtout François Baroin, immédiatement derrière François Fillon, et il se dit: 'Même si j’y vais, je ne serai pas suffisamment soutenu par cette famille politique. Ce sera trop dur, ce sera douloureux. Certains me ressortiront mes affaires. On me dira que je ne suis pas le plus jeune et qu’au contraire je ne serai pas le symbole du renouvellement.'"

Faute d'alternative, à quelques heures de la réunion du comité politique, le combat tourne en faveur de François Fillon. 

"Unanimité" pour François Fillon

Un dernier point a consolidé le succès de François Fillon. Si les partisans d'Alain Juppé, notamment, avaient à peu près tous décidé de lâcher le candidat, tous les courants du parti n'ont pas affiché la même clarté.

Du très offensif Georges Fenech au fidèle Christian Jacob, les sarkozystes, eux, avançaient en ordre dispersé, comme le détaille notre éditorialiste Bruno Jeudy: "Les sarkozystes étaient divisés aujourd’hui et pendant ce week-end sur le cas Fillon. (...) Christian Estrosi et Brice Hortefeux, avec Nicolas Sarkozy, qui eux défendaient plutôt l’idée de débrancher François Fillon et promouvoir Alain Juppé. Eric Woerth est resté un peu entre deux." Mais ces partisans de la mise à l'écart ne l'ont pas emporté:

"De l'autre côté, il y a ceux qui étaient pour se ranger tout de suite derrière Fillon, comme Luc Chatel et Eric Ciotti, qui revenaient du meeting de Nîmes où ils avaient été impressionnés par la réunion disant que même Nicolas Sarkozy n’avait pas fait le plein, là où François Fillon avait amené 3.000 personnes."

Ces enthousiastes ont réussi une conversion de poids: celle de François Baroin, parfois présenté comme un plan B, ou C, en cas de recul du député parisien. "Ils ont rallié à eux François Baroin", a confirmé Bruno Jeudy. La succession de ces événements en l'espace de 48h a permis à François Fillon de retourner la situation. 

Robin Verner