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Cabinet noir: Fillon engage un bras de fer à hauts risques avec Hollande

François Fillon.

François Fillon. - Thomas Samson - AFP

Lors de l’"Émission politique" sur France 2, le candidat de la droite s'en est pris au chef de l’État l’accusant d’être à la tête d’un "cabinet noir". Il dit s'appuyer sur un livre mettant récemment en cause le chef de l'État, mais cette attaque controversée est même démentie par les auteurs de l'ouvrage en question...

Mis en examen dans l'affaire des soupçons d'emplois fictifs de sa famille, François Fillon a dénoncé jeudi soir à l’occasion de l’"Émission politique" sur France 2 un "scandale d'État". Il accuse notamment François Hollande d'être à la tête d'un "cabinet noir", qui livre à la presse des informations sur ses affaires judiciaires. Le président n'a pas tardé à lui répondre ce vendredi, mettant en cause le "manque de dignité" et de "responsabilité" de François Fillon. 

Le candidat Les Républicains a pourtant assuré pendant l'émission de France 2 s'appuyer sur le livre "Bienvenue Place Beauvau, Police: les secrets inavouables d'un quinquennat" écrit par Didier Hassoux, Christophe Labbé, et Olivia Recasens.

Mais cette attaque directe au président pose question et ne fait pas l'unanimité dans le camp Fillon, où beaucoup de ses soutiens bottent en touche dès lors qu'ils sont interrogés sur le sujet. 

"Je n'ai pas eu l'occasion de le lire, je suis mal positionné pour en parler" répondait ainsi Lionel Tardy, député LR de Haute-Savoie sur BFMTV.

"François Fillon a fait une lecture partielle du livre"

De son côté, Christophe Labbé co-auteur et journaliste au Canard enchaîné, le journal qui a révélé les affaires qui pèsent sur François Fillon, parle d'un "hold-up" de son livre. 

"François Fillon a manifestement fait une lecture rapide, partielle et partiale du livre" indique le journaliste sur BFMTV. 

Selon le co-auteur, l'idée du livre est partie d'une déclaration de François Hollande sur Sarkozy, indiquant que le président le "surveillait" et savait "tout sur lui". "On a commencé à enquêter sur la manière dont, pendant ce quinquennat, avait été instrumentalisé ou pas l'appareil policier" explique Christophe Labbé, qui assure que les journalistes n'ont pas découvert de "cabinet noir", mais des pratiques "déjà existantes" lors des précédents quinquennats. 

"C'est Le Canard enchaîné qui provoque les ennuis de Fillon"

Selon le journaliste, il y a en effet une remontée d'informations de l'appareil policier vers l'exécutif, comme cela s'est toujours fait. En revanche, les révélations sur les ennuis judiciaires du candidat à la présidentielle "c'est Le Canard enchaîné qui les provoque et quand François Fillon parle d'un cabinet noir, c'est totalement ridicule" affirme Christophe Labbé, qui rappelle que le Canard enchaîné sort souvent des affaires qui n'ont "pas encore été judiciarisées". 

"Il faut que les politiques se rendent compte que les journalistes font aussi un travail d'initiative" poursuit-il. 

"Ce n'est pas tout l'angle d'attaque qui correspond à la réalité"

Concernant les soupçons d'écoutes judiciaires illégales organisées entre Bercy et l'agence de renseignements Tracfin évoqués par François Fillon, Jean Garrigues, historien français et spécialiste d'histoire politique assure que les écoutes n'existent quasiment plus sous François Hollande.

"Le paradoxe, c'est que ça existe beaucoup moins aujourd'hui [...] François Hollande, c'est celui qui ne pratique plus ce type de contrôle, on est très loin des écoutes téléphoniques de François Mitterrand" souligne l'historien qui ajoute que "ce n'est pas tout l'angle d'attaque qui correspond à la réalité". 

Les écoutes de l'Élysée avaient été l'un des grands scandales sous Mitterrand, qui écouté et archivée secrètement près de 3.000 conversations dans les années 80.

Ce cabinet noir donne "une rationalité" aux affaires 

Néanmoins, pour Stéphane Wahnich, professeur de communication politique, cette stratégie consistant à pointer du doigt un "complot" organisé par le représentant de l'État lui-même était nécessaire pour le candidat. 

"Il faut qu'il donne une explication à ce qui lui arrive. [...] Il faut qu'il dise à ses électeurs pourquoi il est victime" explique Stéphane Wahnich sur BFMTV. 

Selon le professeur, ce cabinet noir donne "une rationalité" aux événements dans lesquels il est embourbé.
M.P