BFMTV
Police-Justice

Un détenu meurt d'un cancer détecté tardivement en prison, ses proches envisagent de porter plainte

La prison ouverte de Casabianda, en Corse

La prison ouverte de Casabianda, en Corse - STEPHAN AGOSTINI / AFP

L'homme s'était plaint de douleurs importantes dès le mois d'août l'an dernier. Il a fallu attendre le mois de décembre avant qu'on ne l'envoie à l'hôpital et qu'on lui diagnostique un cancer.

"Je me demande s'il y a une équité de soins, en prison. Clairement, là, ça n'a pas été le cas." Cela fait un mois que Catherine a perdu son compagnon, Thomas (les prénoms ont été changés). Ce dernier, incarcéré à la prison de Casabianda, sur le flanc est de la Corse, a été terrassé en moins d'un an par un cancer qui s'est étendu à de nombreuses parties du corps, jusqu'au cerveau.

Aujourd'hui, les proches de Thomas en sont convaincus: les difficultés qu'il a rencontrées pour recevoir des soins adaptés en prison ont précipité la dégradation de son état de santé.

"Mon ami a payé de sa vie une défaillance", déplore Catherine, la gorge serrée, auprès de BFMTV.com.

Des douleurs apparaissent en août 2021

La grosseur survient au mois d'août, l'an dernier, au niveau de son pectoral. À l'unité médicale de la prison de Casabianda, on estime qu'il s'agit d'un problème inflammatoire, raconte Catherine. "On lui avait dit que ça pouvait être lié au vaccin contre le Covid-19, parce qu'il venait de recevoir sa deuxième dose."

Mais au fil des semaines, la grosseur augmente, et la communication entre le détenu et l'unité médicale semble rompue. Mi-septembre, une échographie révèle plusieurs grosseurs tandis que des prises de sang montre que le souci n'est pas inflammatoire. Malgré ses plaintes, Thomas se voit seulement prescrire du Doliprane et du Tramadol, un médicament appartenant à la famille des opioïdes utilisé pour soulager la douleur.

"Il n'arrivait plus à écrire, à tenir son stylo correctement. Mais on lui rétorquait que les soins étaient compliqués à réaliser, là où il était", poursuit sa compagne.

Transféré à l'hôpital quatre mois plus tard

Auprès de l'Observatoire international des Prisons (OIP), qui a relayé le témoignage de Catherine, un médecin affirme que "l'absence de réponse au traitement et la taille des ganglions repérés à l’échographie auraient dû entraîner des examens complémentaires rapides, potentiellement une biopsie".

Or, Thomas ne se voit prescrire, encore une fois, que des anti-douleurs. Entre août et décembre, la grosseur passe de 6 à 20 centimètres. "Lorsque j'allais le voir, il expliquait la place que prenait sa douleur dans son quotidien. Quand je l'ai vu en décembre, j'ai halluciné sur son état", se souvient Catherine. Celle-ci évoque les notes que prenait son compagnon. "Il consignait tout, ses douleurs, ses angoisses, ses prescriptions."

Finalement, face à l'urgence de son état de santé, Thomas est transféré à l'Unité hospitalière sécurisée interrégionale de Marseille au début du mois de décembre, soit quatre mois après l'apparition de la première grosseur. Là, après une biopsie, on lui diagnostique un cancer métastatique de stade 4 qui progresse très rapidement.

"Il était malade et rien n'a été fait"

Catherine et la famille de Thomas, auquel il ne reste que quelques mois à vivre, se battent alors pour obtenir qu'il ait la possibilité de revenir auprès des siens. Le 30 décembre, le juge d'application des peines accède à leur demande. C'est donc chez lui qu'il a succombé, le 21 juillet dernier.

Aujourd'hui ne restent que la colère et l'incompréhension chez ses proches. "Il était malade, inquiet. Il l'a montré et pourtant rien n'a été fait", déplore sa compagne. "Il sort de détention et il entend qu'il ne lui reste que quelques mois à vivre. Il n'a même pas eu droit à du sursis."

"Est-ce que c'est une défaillance de l'Etat? Des médecins? Du centre de détention?", se questionne-t-elle encore.

Si "rien n'est formalisé", Catherine envisage d'engager des poursuites judiciaires: "On sait que ça ne le ramènera pas mais on aimerait que ce soit su, que ce soit entendu. Peut-être que ça permettra d'éveiller les consciences. On voudrait que personne n'ait à revivre ça." Contactée ce vendredi, la direction de la prison de Casabianda n'a pas donné suite à notre demande d'interview.

Elisa Fernandez