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Terrorisme

Kepel: l'Etat traite le problème de la radicalisation "avec de l'aspirine et du sparadrap"

Gilles Kepel sur le plateau de BFMTV, le 29 juin.

Gilles Kepel sur le plateau de BFMTV, le 29 juin. - BFMTV

Au micro de BFMTV et RMC, le politologue spécialiste de l'islam et du monde arabe contemporain, Gilles Kepel, est revenu sur les attentats de vendredi, perpétrés en France, en Tunisie et au Koweit.

Invité ce lundi de BFMTV et RMC, Gilles Kepel, spécialiste de l'islam et du monde arabe contemporain, est revenu sur les attaques sanglantes perpétrées vendredi 26 juin dans l'Isère, sur une plage de Sousse, en Tunisie, ainsi que dans une mosquée, au Koweit.

La "guerre de civilisations" de Valls, un terme "qui prête à la polémique"

Gilles Kepel a notamment rebondi sur la phrase polémique prononcée dimanche par le Premier ministre Manuel Valls, qui a évoqué pour la première fois, sur Europe 1, l'existence d'une "guerre de civilisation" face au terrorisme islamiste.

"Cela a fait couler beaucoup d'encre car ça évoque une autre expression qui est le 'clash des civilisations' de Samuel Huntington, entre l'islam et l'Occident. Je pense qu'on lui fait un mauvais procès, car ce n'est pas ce qu'il (Manuel Valls, ndlr) a dit. Il a parlé de la civilisation face à la barbarie d'une certaine manière. Or, effectivement, quand on voit un chef d'entreprise décapité, que l'image est postée sous forme de selfie envoyé à un copain qui se trouve à Raqqa, ville syrienne sous le contrôle de l'Etat islamique, on a effectivement l'impression que la civilisation est à défendre face à la barbarie", explique Gilles Kepel. "Il ne s'agit pas, Manuel Valls l'a dit par ailleurs, d'opposer l'islam en général à l'Occident en général. Mais évidemment, le terme est ambigu, prête à la polémique". 

Face au radicalisme, un manque de réponse adaptée de l'Etat

Pour Gilles Kepel, le problème vient surtout de la façon dont l'Etat répond au problème de la radication. "L'Etat traite ce type de phénomène, de drame, avec de l'aspirine et du sparadrap", estime-t-il. "Tout le monde ne parle que de 'déradicalisation', aujourd'hui, en France. Avant de faire la déradicalisation, il faut d'abord comprendre quels sont les mécanismes de la radicalisation", fait-il valoir.

"On a évoqué le fait que Yassin Salhi relevait peut-être en partie de la psychiatrie. Dans les études que je mène, on voit que beaucoup de jeunes qui partent en Syrie n'ont plus de père. Donc la psychologie, la psychiatrie, la psychanalyse, la sociologie, l'orientalisme, sont des études qu'il faut mobiliser. Or est-ce que l'Etat se donne les moyens d'analyser ce type de défi posé à la société française? La réponse est 'non'".

Et Gilles Kepel d'ajouter: "Il s'agit d'enjeux de notre société, il ne s'agit pas de gagner des élections ou de les perdre. Je crois qu'il y a une véritable prise en compte: quand on est un homme d'Etat, on doit pouvoir faire face à ce type de défis, en les analysant au fond, même si l'effet n'est pas à six mois".

Des attentats qui correspondent à l'anniversaire du califat

Le spécialiste estime que la concomitance des attaques de vendredi dernier est liée à l'anniversaire de la proclamation du califat, le 29 juin 2014, par Abu Bakr al-Baghdadi, à Mossoul, en Irak.

"Ces derniers jours, il y a eu des déclarations nombreuses d'agents de la propagande de l'Etat islamique, incitant les musulmans du monde entier à se manifester pour exprimer que l'EI pouvait frapper où il voulait, quand il voulait", rappelle Gilles Kepel. "D'une certaine façon, le Koweit, ce qui s'est passé en Tunisie, qui a été revendiqué, et ce qui s'est passé en France, participe de la même volonté. L'Etat islamique est aujourd'hui en compétition avec les Saoudiens, avec les Qataris et les Turcs, pour le premier qui fera tomber le régime de Damas, pour lutter contre l'Iran, et tout ce qui peut aller dans le sens de la propagande de l'un contre l'autre est bon à prendre, de leur point de vue".