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Terrorisme

Attentat à Saint-Etienne-du-Rouvray: un terreau jihadiste mais pas de "filière normande"

L'église de Saint-Etienne-du-Rouvray prise en photo mercredi 27 juillet 2016, au lendemain de l'attentat qui a coûté la vie à un prêtre.

L'église de Saint-Etienne-du-Rouvray prise en photo mercredi 27 juillet 2016, au lendemain de l'attentat qui a coûté la vie à un prêtre. - Charly Triballeau - AFP

Après l'attaque terroriste dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, la Normandie est une nouvelle fois nommée dans une affaire de jihadisme et de radicalisation. Pour autant, d'après les acteurs locaux, la région n'est pas plus concernée qu'ailleurs en France.

Maxime Hauchard. Ce nom résonne à nouveau depuis l'attentat dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, mardi en Seine-Maritime. Depuis qu'il est apparu en novembre 2014 comme bourreau dans une vidéo de décapitation, la Normandie s'est retrouvée en première ligne dans une affaire de jihadisme. Pour le moment, aucun lien n'a été établi avec la prise d'otages au cours de laquelle le père Jacques Hamel a été égorgé. Mais cette répétition de l'histoire pose la question d'un terreau propice à la radicalisation et à l'islamisme dans cette région.

L'un des auteurs de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray était né à Mont-Saint-Aignan, à quelques kilomètres des lieux du drame. A deux reprises il avait tenté de rallier la Syrie, sans succès. Intercepté et mis en examen, il avait été assigné à résidence et sous bracelet électronique chez ses parents, qui vivent dans la commune visée. Il est ainsi passé à l'acte pendant ses heures d'autorisation de sortie. Adel Kermiche n'est pourtant pas le seul jihadiste en Normandie: on pense à Maxime Hauchard et à Fabien Clain, la "voix" de Daesh lors des attentats du 13 novembre.

Une micro-filière démantelée

Né à Bosc-Roger-en-Roumois, dans l'Eure voisine, Maxime Hauchard est parti en août 2013 rejoindre les rangs de Daesh. Identifié comme l'un des bourreaux d'otages syriens dans une vidéo de propagande de l'organisation terroriste, le jeune homme de 24 ans, qui s'est converti à l'Islam sur Internet, figure désormais sur la liste des terroristes les plus recherchés. Autre affaire de jihadisme: celle de Frantz, 23 ans, Laëtitia, sa compagne, et sa belle-soeur. Ces trois jeunes ont été arrêtés en novembre à Saint-Pierre-lès-Elbeuf, à une trentaine de kilomètres au sud de Rouen, rapporte Le Parisien. Soupçonnés de vouloir partir en Syrie, ils fréquentaient une mosquée à tendance salafiste.

"Nous sommes face à des jeunes gens d'âge mûr qui se fréquentent par Internet au début. C'est l'occasion pour eux d'entrer en contact, de se rencontrer, de recruter de nouveaux membres et surtout de se repérer les uns les autres", déclarait alors le procureur de Rouen, Jean-François Bohnert. Internet, c'est d'ailleurs ce que redoute le président du conseil régional du culte musulman de Haute-Normandie. "Ces gens-là sont des délinquants, sans éducation et qui se forment avec des imams 'google'", insiste Mohammed Karabila, qui assure "n'avoir jamais vu" Adel Kermiche dans sa mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray. 

30 personnes sous surveillance

Selon le responsable de la mosquée, il existe bien "quelques individus qui se sont radicalisés". "Mais s'il y avait un réseau jihadiste dans la région, il serait démantelé depuis longtemps", estime Mohammed Karabila, qui préfère faire confiance à la police et à la justice. En Seine-Maritime, au lendemain des attentats du 13 novembre, quatre perquisitions administratives avaient été menées. Dans l'Eure, il y en a eu sept. Une assignation à résidence avait également été ordonnée. 

A la même période, le préfet de Seine-Maritime, Pierre-Henry Maccioni, indiquait que 140 individus présentaient des signes de radicalisation dans le département. Trente d'entre eux faisaient l'objet d'une "surveillance particulière". Des données qui n'ont pu être actualisées. Contactée, la préfecture juge cette information trop proche de l'enquête de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray. "Il y a un terreau (pour la radicalisation, Ndlr), un petit nid qui se forme", analyse Brahim Charifi, aumônier bénévole depuis trois ans à la prison de Rouen, qui rapporte la venue de "prédicateurs néo-salafistes" dans certaines mosquées du département. Il met également en garde contre "les bombes à retardement" qu'il assure rencontrer dans le milieu carcéral français. 

La Normandie, pas plus touchée

En définitive, la Normandie ne serait pas plus concernée par l'islamisme qu'une autre région. "Il existe une filière normande mais ce n'est pas une spécificité normande. Il en existe une en Corse, comme dans le Nord, en région parisienne ou à Strasbourg", explique à l'AFP Mathieu Guidère, professeur d'islamologie à l'Université Toulouse-Jean Jaurès. "La Normandie n'est pas plus touchée que les autres régions", poursuit-il. Selon lui, "si on se rapporte au nombre de personnes signalées comme étant en voie de radicalisation jihadiste, la Normandie est loin d'être particulièrement la plus touchée".

Cette analyse est confirmé par des sources judiciaires locales. "On a l'impression qu'il y a une concentration de jihadistes potentiels en Normandie mais on n'obéit pas à des règles statistiques. Chaque cas est particulier. C'est une problématique plus globale, nationale", affirment des sources judiciaires en Normandie. Et d'ajouter que les autorités locales n'ont jamais nié qu'une filière normande pouvait exister, tout en soulignant qu'il n'y avait pas plus de fichés "S" que dans les autres régions de taille comparable. 

Justine Chevalier