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Terrorisme

Alain Marsaud, fondateur du parquet anti-terroriste: "J'ai honte de nos échecs"

Fondateur il y a trente ans du parquet anti-terroriste, aujourd'hui député Les Républicains, Alain Marsaud a confié à BFMTV sa "honte", après les attentats de Paris. Selon lui, les parlementaires comme l'anti-terrorisme ont leur part de responsabilité dans ces attaques.

"Je prends ma part de responsabilité. J'ai honte. J'ai honte de nos échecs." Alain Marsaud ne mâche pas ses mots pour dire ce qu'il ressent, deux semaines après les attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis, faisant 130 morts et des centaines de blessés. Invité de BFMTV pour l'émission "L'histoire en direct", celui qui a fondé le Service central de la lutte antiterroriste au parquet de Paris, en 1986, pointe du doigt les ratés de la France dans la prévention de ce genre d'attaques.

Un cadre législatif inefficace

Alain Marsaud est aujourd'hui député Les Républicains de la dixième circonscription des Français établis hors de France, qui regroupe des pays du Moyen-Orient et d'une partie de l'Afrique, notamment l'Irak et la Syrie où le groupe Daesh ayant revendiqué les attentats de Paris est le plus présent. Et il accuse ses collègues parlementaires d'avoir été incapables de mettre en place un cadre législatif efficace contre le terrorisme.

"Je vous signale que je suis le seul à avoir refusé de voter les dernières lois anti-terroristes, ayant dit à la tribune de l'Assemblée nationale que je les trouvais totalement inefficaces, et que nous aurions de mauvaises surprises, rappelle-t-il. Hélas je regrette d'avoir dû me faire Cassandre ce jour-là."

Ancien magistrat, ce père de famille veut également prendre sa part de responsabilité. "J'ai été accusé par mes filles l'autre jour. Elles m'ont dit : "Est-ce que tu as vu le monde de sécurité que vous nous avez construit, toi et tes collègues députés?" Et d'ajouter: "Le député que je suis a sa part de responsabilité comme les 577 qui sont là, et comme les futurs et les anciens."

Les ratés de l'anti-terrorisme

Selon lui, il y a eu des ratés dans la détection des terroristes avant qu'ils ne passent à l'action, alors qu'ils vivaient sur le sol européen. "Dites-vous bien que ce sont sept salopards qui ont fait ce truc-là, sept salopards qui habitaient chez nous, qui allaient à l'école avec nous", s'indigne-t-il. L'enquête a révélé que dix hommes, répartis en trois commandos, avaient mené les attaques.

"C'est des gars qui vivaient à côté de chez nous, qu'on n'a pas vu passer", déplore l'ancien magistrat. Il rappelle également qu'Abdelhamid Abaaoud, suspecté d'avoir mené les opérations, était recherché par toutes les polices du continent, parlant de "celui qui se promenait à travers l'Europe, avec ses mandats d'arrêts, et qui a même failli aller dire bonjour à Monsieur Hollande le soir de l'attentat au Bataclan". Le belgo-marocain était en effet retourné sur les lieux de la prise d'otage de la salle de concert alors que la BRI y menait l'assaut, une heure avant la visite du président de la République sur place.

Interrogé sur les solutions à apporter pour corriger ces ratés, il s'avoue ainsi dépassé par la nature de ce terrorisme, désormais sur notre sol. "Je n'ai pas de solution", regrette-t-il, se permettant même une familiarité: "Marsaud, il est inquiet."

H. M.