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Terrorisme

13-Novembre: la mobilisation des Parisiens pour donner leur sang s'est essoufflée

Les dons du sang ont été multipliés par deux dans les semaines qui ont suivi les attentats de Paris.

Les dons du sang ont été multipliés par deux dans les semaines qui ont suivi les attentats de Paris. - Philippe Huguen - AFP

Dans les semaines qui ont suivi les attentats de Paris et de Saint-Denis, les dons du sang avaient augmenté de 55%. L'effort s'est particulièrement concentré en Ile-de-France, où de nombreux nouveaux donneurs se sont mobilisés. Un public plus jeune et féminin, également plus difficile à fidéliser.

"Toi, tes Parisiens, ce sont des bluffeurs, ils ne se mobilisent pas". Le docteur Djamel Benomar préfère s'en amuser. Le responsable des prélèvements en Ile-de-France pour l'Etablissement français du sang (EFS) se souvient encore un an après de ces files d'attente interminables devant les centres de collectes de la capitale et de la région, au lendemain des attentats du 13 novembre. Une mobilisation "historique" pour ce praticien, qui fait ce métier depuis près de 30 ans.

"Quand la communauté est attaquée, la communauté se mobilise et le don du sang fait partie de cette mobilisation", note François Toujas, le président de l'EFS.

Un an après, la mobilisation s'est essoufflée, avec un retour des dons à une moyenne habituelle à la mi-janvier. "L'afflux spontané, généreux, citoyen et exceptionnel s’est étiolé au fil des mois", consent le docteur Benomar. Et ce malgré une mobilisation sensible à celle du 13 novembre, huit mois plus tard, après l'attentat de Nice le 14 juillet. Aujourd'hui, l'EFS insiste: "Il ne faut pas attendre les crises pour donner", d'autant qu'un million de malades dépendent des transfusions sanguines.

Les dons multipliés par deux

Quelques heures après les attaques qui ont touché la capitale, des centaines de personnes affluaient déjà vers les centres de dons. "Le samedi 14, à 7h10, au site de l’hôpital Saint-Antoine dans le 12e arrondissement, il y avait déjà une cinquantaine de personnes qui attendaient", se rappelle le docteur Benomar. Au centre parisien de la rue Bichat, la mobilisation est renforcée par l'émotion suscitée par ces attentats commis à seulement quelques mètres de là, en dépit de l'appel des autorités à rester chez soi et à ne pas se rassembler dans les rues.

"C’était très touchant de voir ces files d’attentes très impressionnantes", se remémore François Toujas.

"Du 17 au 22 novembre, le nombre de prélèvements a été multiplié par deux", confirme le responsable des sites franciliens. "Le 14 novembre, la fréquentation a été multipliée par 10 dans les sites fixes de Paris". Sur le plan national, ce sont 77.000 dons qui ont été réalisés par semaine, contre 49.000 en période "normale". "L'effort s'est fait particulièrement sur l'Ile-de-France jusqu'à début janvier", abonde François Toujas. Lors de cette nuit d'horreur, 400 poches de sang ont été utilisées, les victimes ayant pour la plupart perdu la vie avant l'arrivée des secours.

"Cette nuit-là, nous avons distribué trois fois plus de produits sanguins, soit un peu plus de 10% du stock total", détaille le docteur Benomar.

Des nouveaux donneurs peu fidèles

Face à cet afflux exceptionnel de donneurs, l'ensemble du personnel a été rappelé. "Deux infirmières en vacances, que nous n'avions pas sollicitées, sont revenues d'elles-mêmes", s'émeut le docteur Djamel Benomar. La cellule de crise activée, les équipes de l'EFS avaient pour double ambition d'assurer les transfusions, mais aussi de ne pas prélever de produits sanguins pour qu'ils se périment. "Le risque était d’avoir trop de produits sanguins et d’accroître le risque de péremption", indique le président de l'EFS, précisant que les globules rouges peuvent être conservés 42 jours, 5 pour les plaquettes et un an pour le plasma.

Au soir du 13 novembre, et les jours qui ont suivi, les produits sanguins utilisés n'ont pas été ceux qui provenaient des "donneurs des attentats", pour beaucoup des nouveaux donneurs ou des personnes qui avaient déjà donné auparavant avant d'arrêter. "Avec 10 mois de recul, le taux de retour des nouveaux donneurs est plus faible pour ceux qui ont donné leur sang juste après le 13 novembre", analyse le président de l'EFS, donnant les chiffres de 60% pour les nouveaux venus, contre 67% pour les fidèles.

"Ce qui est très important pour nous, c’est de fidéliser les gens qui viennent et d'attirer un nouveau vivier de donneurs", poursuit François Toujas, appuyé par le responsable des prélèvements en Ile-de-France. "Le plus important c’est de revenir", surenchérit Djamel Benomar. "L’idéal est que les gens puissent donner leur sang régulièrement". Pour cela, l'Etablissement français du sang tente de s'adapter au style de vie des 25-35 ans, la tranche de vie qui donne le moins, ou en adoptant "un discours adapté", notamment en surfant sur Halloween avec la campagne "le don du sang, ce n'est pas sorcier" ou "vous gagnez une heure, prenez-la pour donner votre sang!"

Justine Chevalier