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Police-Justice

Professeure menacée à Rennes: que risque la collégienne de 12 ans qui portait un couteau en plein cours?

Une élève âgée de 12 ans s'est rendue en classe au collège Les Hautes-Ourmes à Rennes avec un couteau. Elle a été placée en retenue après avoir menacé sa professeure d'anglais.

Une mineure à l'origine d'un incident grave. Une collégienne a été "prise en charge" par la police ce mercredi 13 décembre après avoir menacé une enseignante avec un couteau pendant un cours au collège Les Hautes Ourmes à Rennes.

Âgée de seulement 12 ans, elle fait l'objet d'une "retenue" par les force de l'ordre et non d'une garde à vue, un dispositif qui permet à la police ou la gendarmerie de retenir "quelqu'un qui a plus de 10 ans et moins de 13 ans, pour une durée de 12 heures renouvelable une fois", explique pour BFMTV Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny (Seine-Saint-Denis).

"Elle a été visitée par un médecin légiste qui a jugé son état compatible avec la mesure de retenue que nous avions autorisé", a précisé le procureur de la République de Rennes Philippe Astruc.

"C'est rarissime qu'un enfant de 12 ans entre dans une école avec un couteau pour agresser quelqu'un", poursuit Jean-Pierre Rosenczveig, "tout est exceptionnel dans cette situation". Alors qu'une enquête criminelle pour "tentative d'homicide volontaire sur personne chargée d'une mission de service publique" a été ouverte, que risque la jeune élève sur le plan judiciaire?

Une présomption de "non-discernement"

Le Code de la justice pénale des mineurs, instauré le 30 septembre 2021, prévoit la présomption de non-discernement pour les mineurs âgés de moins de 13 ans. Autrement dit, la justice considère qu'en dessous de cet âge, on ne peut pas prendre conscience de ses actes et on ne peut donc pas être poursuivi pour cela.

En l'espèce, la collégienne est âgée de 12 ans, elle bénéficie donc de cette présomption de non-discernement et n'est donc pas responsable au sens pénal du terme, les poursuites ne pouvant être engagées contre elle. "En janvier, elle s'était déjà présentée à son ancien collège (d'où elle avait été exclue, NDLR) avec un couteau dans son cartable", explique Philippe Astruc, précisant que la jeune fille était déjà connue pour des troubles du comportement cette année.

"La dimension psychologique, voire psychiatrique, de ces faits me paraît dominante dans le passage à l'acte grave de cette mineure", poursuit le procureur de la République, "la question de son discernement est posée".

Mais cette présomption de non-discernement peut être levée si un médecin estime que la jeune fille avait pleinement conscience de ses actes. En l'espèce, un examen médical de nature psychiatrique est actuellement mené pour l'élève qui est prise en charge à l'hôpital psychiatrique Pontchaillou.

"Il ne peut pas y avoir des peines comme la peine de prison ou la peine d'amende pour quelqu'un qui a moins de 13 ans le jour des faits", explique toutefois l'ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, ajoutant que - lorsque la présomption de non-discernement est levée - des mesures de contrainte peuvent être exercées comme le fait de lui interdire de se rendre au collège, de la retirer à sa famille, de la confier à une institution relevant de la protection judiciaire de la jeunesse.

La question de la responsabilité des parents

L'élève mise en cause étant mineure, la question de la responsabilité des parents - "pas du tout connus des services de police" selon le procureur - peut se poser. Actuellement entendus au commissariat, peuvent-ils être visés par l'enquête criminelle ouverte?

En l'espèce, s'il n'y a pas eu de coups portés à l'enseignante menacée par l'élève, celle-ci a été évacuée en pleurs. Un préjudice moral pourrait donc être établi et viser indirectement les parents.

L'article L1242 du Code civil prévoit en effet que "le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux".

"Ils pourront voir la responsabilité civile de leur enfant être engagée et donc leur responsabilité engagée. Ils devront alors couvrir les dommages et intérêts auxquels l'enfant va être condamné", explique Jean-Pierre Rosenczveig.

En revanche, l'ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny ajoute que, s'agissant de la responsabilité pénale, celle des parents ne saurait être engagée "que des fautes qu'on a commises personnellement", et donc pas de la tentative d'attaque au couteau de leur enfant.

Vincent Vantighem et Hugues Garnier