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Procès

"Non oncle, ne me touche pas": 14 ans requis contre un Français accusé de pédocriminalité en Asie

Le tribunal judiciaire de Paris, en septembre 2020.

Le tribunal judiciaire de Paris, en septembre 2020. - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Un Français était jugé ce mardi au tribunal correctionnel de Paris pour l’agression sexuelle d’au moins 24 enfants asiatiques, sous couvert de voyages humanitaires. 14 ans de prison ont été requis à son encontre.

Des récits qui "donnent des haut-le-cœur." Il fallait avoir le cœur bien accroché ce mardi devant la 15e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Philippe G., 51 ans, était jugé pour de multiples agressions sexuelles sur mineurs, commises lors de voyages humanitaires en Asie, entre 2011 et 2015. Par la voix de la présidente, les témoignages de 24 enfants, âgés de 6 à 14 ans, ont décrit des violences sexuelles répétées, alors qu’il était seul avec eux. Une peine de 14 années de réclusion criminelle a été requise à son encontre.

"Il ne faut pas le dire à mes parents"

Ils s’appellent Raju, Kirian, Pich, Rajan et ont tous livré les mêmes souvenirs à l’ONG népalaise spécialisée Saathi, qui a enquêté en 2015 sur l’humanitaire français. "M. Philippe a mis sa main sous mon caleçon", raconte un enfant de 11 ans au moment des faits. "Oncle Philippe a joué avec mon sexe sous la douche. Après il nous passait de l’huile", explique un autre. "Il a touché trois fois mon pénis. Quand il a voulu me masturber encore j’ai dit non." Oui mais, "Oncle Philippe payait l'école et avait une grande piscine", précise un troisième. "Il ne faut pas le dire à mes parents", s’inquiète l’un d’eux.

Ces mots d’enfants ajoutent du sordide à cette affaire qui n’en manquait pas. Philippe G. a déjà été condamné en 2005 à trois ans de prison, dont la moitié avec sursis pour avoir agressé plusieurs petits garçons alors qu’il était éducateur dans une colonie de vacances en Haute-Savoie.

Cette condamnation, et son inscription au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infraction sexuelles ou violentes (Fijaisv), ne l’ont pas empêché d’ouvrir en Asie en 2009, l’association "Philmy voyageurs solidaires" pour venir en aide aux "populations les plus défavorisées". "Philmy" parce que les petits enfants asiatiques n’arrivaient pas à prononcer le prénom "Philippe."

Cheveux blonds en catogan, jean et basket de randonnée aux pieds, le prévenu assure que son association humanitaire n’a pas été créée pour répondre, à nouveau, à ses pulsions à l’égard des jeunes garçons:

- On peut s’interroger si votre désir d’aider les enfants était sincère ou s’il n’était pas destiné à assouvir votre désir de relation sexuelle avec eux, avance la présidente.
- L’idée était de retrouver l’assistance, l’aide que je portais lorsque j’étais dans l’animation, soutient Philippe G. Je n’ai pas créé l’association pour ça.
- Si vous essayez de vous faire passer pour un bienfaiteur de l’humanité, ça ne sera pas ici, rétorque la juge.

Nudist teen boy

À la barre, le quinquagénaire se montre presque insolent à l’égard du tribunal, en coupant et reprenant constamment la juge et les représentants des parties civiles. S’il ne nie pas la plupart des accusations portées au dossier, Philippe G. est volontiers tatillon sur les témoignages des enfants, lorsque le récit de l'un d'eux diffère dans les détails de celui qu'il présente.

"Ah donc c’est un enfant qui a beaucoup d’imagination, c’est ça?", ironise la présidente. Il tergiverse sur la définition même de masturbation, qu’il faut selon lui distinguer "d’attouchements" des parties intimes. "Vous pinaillez", se fatigue la juge.

Après avoir tenté d’échapper aux autorités, Philippe G. a été arrêté à l’automne 2015, en France, près du domicile de sa mère. Lors des perquisitions, des recherches "extrêmement nombreuses" pour du contenu pédopornographique ont été retrouvées sur son ordinateur. "Nudist teen boy" et autres mots-clés explicites sont fréquemment recherchés. "La nudité des jeunes garçons provoque chez moi une émotion sexuelle", avoue-t-il.

Un "chantage à l'argent"

Dès l’adolescence, le prévenu dit avoir été attiré par le corps des jeunes garçons, mais ne se perçoit pas comme homosexuel. "Je ne peux pas participer à un acte de pénétration, mais je ne me l’explique pas", affirme-t-il, évoquant de possibles attouchements alors qu’il était en internat. Les experts n’ont en tout cas descellé "aucun signe de culpabilité" dans son raisonnement, ainsi qu’une absence d’empathie.

"Je n’arrivais pas à concevoir que les enfants souffraient. (…) Insidieusement, je ne voyais que les signes qui me confortaient. J’étais dans une forme de déni." "Vous entreteniez votre propre aveuglement", confirme la juge.

"Voici un enième dossier qui montre la faillite de la protection de l’enfance", a soupiré l'avocat de La Voix de l'Enfance, tandis que sa consœur Noémie Saidi-Cottier a dénoncé "un chantage à l'argent" sur des enfants démunis. Finançant leur scolarité et s'occupant d'eux au quotidien, Philippe G. avait sur eux "une autorité de fait", a convenu la procureur, requérant 14 années de prison, ainsi qu'une interdiction de travailler avec des mineurs.

Tard dans la soirée, le tribunal a mis son jugement en délibéré au 5 juillet. Plus tôt, l'humanitaire avait certifié que "lorsque certains enfants lui montraient une réticence", il "n’insistait pas". Pourtant, l’un d’eux lui avait bien demandé: "non oncle, s’il te plaît, ne me touche pas."

Esther Paolini Journaliste BFMTV