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Procès

"J'avais pas de limites": au procès du "chauffard de Lorient", le principal accusé prend la parole

Le palais de justice de Lorient, le 10 février 2016.

Le palais de justice de Lorient, le 10 février 2016. - LOIC VENANCE

Deux enfants fauchés et une cavale de neuf jours: le jeune chauffard qui avait percuté en juin 2019 à Lorient deux enfants s'est exprimé ce lundi devant le tribunal de Lorient.

Kylian Le Reste, jugé pour avoir percuté avec son véhicule Bunyamin, 9 ans, et Samet, 7 ans, en 2019 à Lorient, tuant le premier et blessant grièvement le second, avait-il conscience de les avoir heurtés avant de s'enfuir? C'est sur ce point que les débats se sont concentrés ce lundi au tribunal.

Le 9 juin 2019, après un refus d'obtempérer, Kylian Le Reste percute une voiture sans faire de blessés, avant de faucher sur un trottoir les deux jeunes cousins, frôlant un troisième. Il redémarre avant de s'arrêter et de s'enfuir avec sa passagère et ex-compagne, Gaëlle Taugeron.

"Ça s'est passé tellement vite, entre le stress, l'adrénaline, je n'arrivais pas à contrôler tout ça. Je n'ai pas souvenir de les avoir vus", a déclaré le prévenu de 22 ans, cheveux courts et veste noire, tout en reconnaissant avoir vu, avant le choc, "des silhouettes".

"J'avais pas de limites"

Il comparaît notamment pour homicide involontaire aggravé, blessures involontaires, conduite sans permis avec récidive et non assistance à mineur en danger, encourant une peine de dix ans d'emprisonnement.

"J'avais pas de limites à ce moment là, c'était moi et moi seul. Je ne savais pas vraiment ce qui s'était passé. Inconsciemment je savais que c'était quelque chose de grave".

Au sujet de la course poursuite, Kylian Le Reste a expliqué avoir pris la fuite "affolé" pour échapper au contrôle, n'ayant pas le permis et étant déjà sous contrôle judiciaire. Quand il apprend par un ami qu'il a percuté deux enfants, le jeune homme dit avoir été "bouleversé", sans être "prêt à assumer". Il raconte avoir été aidé par deux amis pendant sa cavale, dont l'un a conduit les fugitifs "dans une maison abandonnée" et assurant le ravitaillement.

D'une voix faible, Gaëlle Taugeron, 22 ans, a reconnu avoir eu "conscience des chocs", pensant qu'il s'agissait du "trottoir".

"Je ne savais pas où je regardais, j'ai essayé de sortir du véhicule, j'étais apeurée", a décrit la jeune femme, jugée pour non-assistance à mineur en danger, encourant une peine de sept ans.

"Corps désarticulé"

Très ému, le conducteur du véhicule percuté décrit une "scène de guerre". "J'ai vu les corps des enfants rebondir sur la porte du garage (...) Quand je suis arrivé, le corps d'un des enfants semblait désarticulé. Quelques secondes après mon arrivée, il est décédé sous mes yeux", a déclaré Cédric Raverdy.

Samet, aujourd'hui âgé de 9 ans, souffre de graves séquelles physiques et cognitives. Il a notamment perdu l'usage d'un bras et doit être assisté pour tous les actes de la vie courante. Quasi mutique, il a simplement déclaré avoir envie de "retourner à l'école".

Diyar, 10 ans, qui souffre du "syndrome du survivant" et a été éclaboussé du sang de ses cousins, a expliqué être rentré chez lui sans rien dire "de peur d'être grondé". "Il n'est pas comme avant, il se réveille la nuit, ne mange pas, tremble. Toute la famille est morte", a lancé son père, en colère. Interrogée, la mère de Bunyamin s'est effondrée en larmes.

"Emprise amoureuse mâtinée de peur"

Le tribunal s'est longuement penché sur la relation entre les prévenus, Gaëlle Taugeron la décrivant comme "toxique", Kylian l'enfermant dans une pièce quand il ne voulait pas qu'elle sorte. Elle avait déposé plainte contre lui avant le drame pour harcèlement et violences.

"C'est votre première histoire d'amour importante, c'est 'l'amour total', vous projetiez d'habiter avec lui", a souligné la présidente du tribunal, citant l'expertise psychologique qui a relevé "une emprise amoureuse mâtinée de peur".

Kylian Le Reste a lui évoqué une relation "difficile", reconnaissant les violences, tout en expliquant avoir espéré renouer avec la jeune femme lorsqu'il l'a revue, la veille de l'accident, dans une discothèque.

Il a reconnu avoir été "un petit garçon tout puissant (...) Maintenant, j'en ai gros sur la conscience, je ne peux même pas demander pardon à la famille parce que ce serait un manque de respect", a déclaré celui qui suit "une formation de soudeur" et assure vouloir "une famille".

AL avec AFP