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En délit de fuite, il a percuté 3 enfants en 2019: le "chauffard de Lorient" jugé ce lundi

De nombreux hommages avaient été déposés sur les lieux de l'accident, rue du colonel Muller à Lorient.

De nombreux hommages avaient été déposés sur les lieux de l'accident, rue du colonel Muller à Lorient. - Damien Meyer

Kylian L. est jugé ce lundi pour avoir tué un enfant et blessé deux autres lors d'une course-poursuite avec des gendarmes en 2019 à Lorient. Il avait ensuite pris la fuite avant d'être arrêté au bout de 9 jours.

Il est peu avant 17h10 ce dimanche 9 juin 2019 quand le conducteur et le passager de la Renault Clio qui débouchait de la rue Eugène Pottier à Lorient sont violemment percuté à l'avant par un utilitaire blanc qui "circulait à grande vitesse" comme l'ont décrit plusieurs témoins de la scène. Dans sa course, le conducteur de l'utilitaire a perdu le contrôle, a fait une embardée montant sur le trottoir de la rue du Colonel Muller. Il a alors percuté les trois enfants qui s'y trouvaient avant de "rebondir" sur la porte d'un garage et prendre la fuite.

Un peu moins de deux ans après cet accident qui a coûté la vie à un enfant de 9 ans et a blessé ses deux cousins de 7 et 9 ans, Kylian L. comparaît ce lundi devant le tribunal correctionnel de Lorient pour homicide involontaire commis avec au moins deux circonstances aggravantes, blessures involontaires, conduite sans permis en récidive, défaut d'assurance, refus d'obtempérer. L'homme de 22 ans comme la passagère qui l'accompagnait ce jour-là sont aussi poursuivis pour non-assistance à personne en danger.

Graves séquelles

La course folle de celui qui a été surnommé "le chauffard de Lorient" avait débuté une dizaine de minutes plus tôt quand, à trois kilomètres du lieu de l'accident, le conducteur de l'utilitaire, acheté la veille du drame, s'est fait contrôler par deux gendarmes de la brigade motorisée, alertés par les larges cernes du conducteur. Ce dernier avait alors fait mine de s'arrêter avant de redémarrer en trombe. Sur sa route, suivi par les gendarmes, Kylian L. a roulé à vive allure, a grillé les différents stop avant de passer à 75 km/h le feu rouge à l'intersection entre la rue du Colonel Muller et la rue Eugène Pottier.

Le choc avec la Renault Clio a à peine fait ralentir l'utilitaire qui a percuté violemment les trois enfants. Les trois cousins, dont les trois mères sont soeurs, revenaient du McDonald's au moment du choc. Bunyamin et Samet marchaient côte à côte quand le véhicule est venu les frapper de plein fouet. Le premier est décédé quelques heures plus tard de ses blessures causées par la violence du choc. Le pronostic vital du second a été un temps engagé. Aujourd'hui, le petit garçon de 9 ans a perdu l'usage d'un bras et présente d'importants troubles cognitifs de la mémoire, l'empêchant de suivre un cursus scolaire. Diyar, l'aîné des cousins, marchait lui devant et a été touché légèrement aux mains.

"Ce petit garçon est moralement très touché, il vit désormais avec le syndrôme du survivant, ça aurait pu être lui", explique Me Philippe Courtois, l'avocat des familles des trois enfants.

Le choc "nécessairement audible"

Diyar a pu voir l'utilitaire s'arrêter quelques mètres plus loin et les deux occupants du véhicule en sortir. A l'inverse, Kylian L. et sa passagère Gaëlle T., avant de prendre la fuite, se sont-ils rendus compte qu'ils venaient de renverser des piétons? Si le fait d'avoir refusé le contrôle des gendarmes, d'avoir conduit sans permis ou sans assurance, c'est-à-dire les infractions pour lesquelles ils sont poursuivis, sont caractérisées et reconnues par les prévenus, la question de la non-assistance va être centrale au cours de cette audience qui durera un après-midi.

"Les différentes expertises automobiles (...) établissent que les trois enfants étaient visibles aussi bien de la passagère, que du conducteur, avant l'impact", a écrit la juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi que BFMTV a pu consulter. L'expert automobile estime également que "la particulière violence du choc" a "nécessairement été audible et ressentie par les deux occupants" de l'utilitaire.

Dans leur fuite, Kylian L. et Gaëlle T. disent avoir trouvé refuge dans une maison abandonnée où un ami du jeune homme venait les ravitailler. La jeune femme de 22 ans a elle été interpellée trois jours après l'accident après avoir sollicité des habitants pour qu'ils contactent les gendarmes. La trace de Kylian L. a été retrouvée le 18 juin dans un motel à Lanester, qui jouxte Lorient, après avoir été reconnu par une employée. Lors des différentes auditions, les deux occupants du véhicule ont affirmé ne pas s'être rendu compte qu'ils avaient percuté les enfants.

Le conducteur et la passagère n'ont "rien vu"

La jeune femme assure "avoir fermé les yeux" après le choc avec le premier véhicule, le jeune homme affirme avoir "donné quelques coups de volant" pour les éviter et n'avoir pas senti de choc. La bataille devrait se jouer sur les expertises alors que la défense souhaite démontrer qu'il était impossible pour le conducteur et la passagère, qui comparaissent libres, ne pouvaient pas savoir qu'ils avaient percuté des piétons alors que le choc a été causé par l'arrière d'un véhicule sans vitres sur le côté.

Dans les affaires de Kylian L., qui dit avoir appris 48 heures après le drame qu'il avait percuté les trois cousins, a été retrouvée une lettre destinée aux médias où il présente ses excuses aux familles des enfants, qui seront soutenus lors du procès par des représentants de la communauté turque. "Mes clients sont prêts à tout entendre sauf des excuses qui seraient des excuses de circonstance", estime Me Philippe Courtois, qui explique que les familles attendent ce procès "patiemment". "Ils attendent des sanctions assez fortes", poursuit l'avocat, alors que les deux prévenus encourent jusqu'à 10 et 7 ans de prison.

"Nous sommes face à un conducteur qui passe au dessus de la loi, cet accident aurait pu être évité, conclut Me Courtois. Pourquoi ne se sont-ils pas arrêtés, pourquoi ils ont fui, pourquoi ne se sont-ils pas rendus?"

Contactés, les avocats des deux prévenus n'ont pas souhaité s'exprimer.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV