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Procès

Affaire Griveaux: 6 mois de prison ferme requis contre Piotr Pavlenski qui a "refusé les règles du débat"

Piotr Pavlenski et Alexandra de Taddeo lors de leur procès le 26 juin 2023 pour avoir diffusé des vidéos intimes de Benjamin Griveaux

Piotr Pavlenski et Alexandra de Taddeo lors de leur procès le 26 juin 2023 pour avoir diffusé des vidéos intimes de Benjamin Griveaux - Alain JOCARD / AFP

Alexandra de Taddeo et Piotr Pavlenski sont jugés pour avoir diffusé des vidéos intimes de l'ex-secrétaire d'Etat Benjamin Griveaux. S'ils ont défendu un projet "artistique", le parquet a dénoncé 6 mois avec sursis pour la première et six mois ferme pour le second.

Malgré une heure de retard, Piotr Pavlenski et Alexandra de Taddeo ne se sont pas faits discrets. À peine arrivé à la barre, l'artiste russe scande être jugé ce mercredi par ce tribunal correctionnel de Paris pour avoir son art, pour avoir "mélangé le style élevé et le style du bas", à savoir les parties intimes, et appelant à "mettre fin à l'agonie des morts-vivants", ces "conservateurs sournois". Le tout sous les applaudissements du public nombreux dans la salle.

Passées ces revendications politico-artistiques, Piotr Pavlenski, à qui la présidente du tribunal a coupé le micro, ne dira plus un mot. "J'ai annoncé la règle du silence, moi je bouge pas, c'est tout", lance-t-il, mâchonnant son chewing-gum. À sa place, l'artiste a fait citer plusieurs témoins. Trois comédiens venus déclamer des extraits du Tartuffe de Molière, provoquant le courroux du tribunal. "Il ne s'agit pas d'un spectacle mais d'un procès", s'agace la présidente.

6 mois ferme requis

Piotr Pavlenski est jugé pour ce qu'il qualifie de "huitième événement d'art sujet-objet". Pour le parquet, il y a des "restrictions nécessaires dans une société démocratique" à la liberté d'expression afin de "respecter le droit des individus". "S’en prendre de cette manière aux élus, c’est faire en sorte qu’on ne débatte plus sur les idées, la commission des faits ne peut se justifier par la définition d’un mobile défini unilatéralement par un auteur qu’il soit politique ou artistique", martèle la procureure lors de ce réquisitoire à deux voix, déplorant que, même pendant l'audience, les prévenus ont "refusé les règles du débat".

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Jaugeant la balance entre "l'atteinte à la vie privée" et "la liberté artistique", le parquet a requis six mois de prison ferme à l'encontre de l'artiste russe. Six mois de prison avec sursis ont été demandés pour sa compagne Alexandra de Taddeo.

"Jamais voulu piéger" Benjamin Griveaux

Le travail de Piotr Pavlenski, c'est celui du site "Pornopolitique", ce site sur lequel le 12 février 2020, l'artiste russe réfugiée en France a publié des vidéos intimes de Benjamin Griveaux, alors en course pour l'élection municipale à Paris. Son but était, dit-il, de dénoncer "l'hypocrisie" du candidat qui, selon lui fait "la propagande des valeurs traditionnelles familiales". Ces vidéos avaient été envoyées à Alexandra de Taddeo, compagne de l'artiste, avec laquelle l'ex-secrétaire d'Etat a eu une brève relation adultérine en 2018.

"Cet engagement frontal et prémédité avec le pouvoir, le politique, l’État, le système judiciaire, fait que ce procès fait partie intégrale du travail de Piotr Pavlenski, c'est unique dans l’histoire de l’art et le temps jugera son importance", tente ensuite une historienne de l'art, elle-aussi appelée comme témoin par la défense.

Alexandra de Taddeo, étudiante éternelle de 32 ans, robe de soirée à sequins bleu clair, son livre L'Amour dans ses mains, bien en évidence, accepte de répondre aux questions du tribunal. Elle, assure n'avoir jamais cherché à "piéger" Benjamin Griveaux.

"Il y a beaucoup d’hommes qui m’ont emmerdée pendant plus de six mois et je ne leur en veux pas du tout", lance la jeune femme.

"Je n’ai jamais initié quelques contacts que se soient, les minuteurs (l'option pour que les messages s'effacent au bout de quelques secondes, NDLR) n’étaient pas pour le piéger mais pour me protéger face à ce que je voyais chez lui, l’irresponsabilité", dit-elle évoquant un premier appel téléphonique lors duquel il se masturbait "le jour de la Fête des Mères".

Pour se protéger de quoi insiste l'assesseuse, alors qu'Alexandra de Taddeo n'est qu'une jeune étudiante et Benjamin Griveaux, une personnalité publique? "La nuance c'est que ça n’avait pas vocation à être supprimé mais ça avait vocation à ne plus apparaître sur Messenger", explique-t-elle estimant que leur "relation était complètement déséquilibrée". "Ce n’était pas de la fausse paranoïa, poursuit-elle. Tous les réseaux d’État ont cherché à m’écraser d’une certaine façon."

"L'hypocrisie" des prévenus

Si elle reconnaît avoir eu peur lors de la diffusion des vidéos et avoir "crié" sur Piotr Pavlenski, elle avait le choix entre "privilégier le confort d’un ex que j’ai vu 3 heures dans ma vie, ou privilégier le projet de quelqu’un que j’aime". "C’est le choix du cœur", estime-t-elle. Alexandra de Taddeo a maintenu ne pas transmis les vidéos à Piotr Pavlenski, et d'avoir soutenu a posteriori "le projet artistique" de ce dernier. Elle qui aujourd'hui défend "la liberté d'expression".

Piotr Pavlenski "n'est pas un artiste, c'est un magicien", ironise l'avocate de Benjamin Griveaux. "Il a miraculeusement trouvé des vidéos dont il ne connaissait pas l’existence et au milieu de centaines d’autres fichiers dans votre ordinateur. Des vidéos d’un homme qu’il ne connaît pas", insiste Me Viegas, pour qui Alexandra de Taddeo a délibérément fourni les vidéos.

"Cette affaire n’est pas celle de la chute d’un homme politique, encore moins celle de l’œuvre artistique, c'est celle de l’hypocrisie, la leur, surtout celle de vous, Mme de Taddeo", plaide-t-elle.

Pour Me Malka, les "puritains", ce sont les prévenus. Piotr Pavlenski, c'est "Christine Boutin saupoudré d’un peu de marxisme", ironise-t-il à son tour.

"Jamais Benjamin Griveaux n’a donné son consentement pour que des vidéos intimes prévues pour s’effacer sur son téléphone mais aussi sur celui de son destinataire soient finalement copiées et conservées", rappelle Me Viegas, dénonçant l'atteinte à la vie privée de son client.

"Ce sont nos jardins secrets dont ne doivent pas pouvoir s’emparer des commissaires politiques avec des motivations loufoques", abonde l'autre avocat de Benjamin Griveaux Me Richard Malka. Dénonçant le "mépris d'autrui" d'Alexandra de Taddeo et de Piotr Pavlenski et s'en prenant à cette "terreur 2.0 aux mains des plus violents", l'avocat a rappelé que "si on n'a pas le cuir assez épais d’un politique, on arrive à des drames".

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV