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Police-Justice

Procès de l’attentat déjoué avant l’Euro 2016: les longs silences de Reda Kriket, le principal accusé

Croquis du procès de Réda Kriket (les trois à gauche Reda Kriket; les deux à droite Abderrahmane Ameuroud) le 8 mars 2021, Paris.

Croquis du procès de Réda Kriket (les trois à gauche Reda Kriket; les deux à droite Abderrahmane Ameuroud) le 8 mars 2021, Paris. - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP

Le procès de l'attentat déjoué avant l'Euro 2016 était consacré ce lundi à l'interrogatoire de Reda Kriket. Après un retour sur son passé de délinquant, le principal accusé a balayé les accusations de projet terroriste, préférant se murer dans le silence.

La cour d’assises spécialement composée s’est armée de patience ce lundi à Paris, pour tenter d’arracher des réponses au principal accusé, Reda Kriket. Cet ancien délinquant multirécidiviste de 39 ans est jugé avec six hommes pour avoir fomenté une attaque d’une grande ampleur dans la capitale juste avant l’Euro de football. À son domicile avait été retrouvé un véritable arsenal de guerre, en mars 2016. Dans le box, celui qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité s’est assumé comme un voyou guidé par l'appât du gain. Il a en revanche contesté tout projet terroriste, préférant se murer dans le silence.

Un lourd passif dans la "voyoucratie"

Vol par effraction, recel de vol, outrage, mise en danger de la vie d’autrui, transport et détention de fausse monnaie, enlèvement et séquestration... Durant une partie de la matinée, le président a déroulé l'imposant casier judiciaire de l’accusé, tombé dans la délinquance encore mineur. Reda Kriket ne montre aucun trouble à l’évocation de son passé aux côtés de la "voyoucratie", expliquant que "le rêve de tout voyou, c’est le casse du siècle."

Il prend le temps de choisir ses mots mais se fait difficilement comprendre par la cour tant il tient à se tenir à distance du micro. "On ne vous entend pas monsieur Kriket", répète le président, tandis que l’auditeur n’a d’autre choix que de tendre l’oreille pour déchiffrer ses propos. Le niveau sonore baisse encore d’un cran lorsque l’accusé revient sur "la contradiction" pointée par l’avocate générale, entre sa conversion à l’islam et la poursuite de ses activités illégales:

"Le plus dur est d’arrêter les activités comme ça... Celles qui rapportent de l’argent. On reste des êtres humains."

Les "vaillants" combattants jihadistes

C’est d’ailleurs aussi et seulement pour des "rapports de business" qu’il dit connaître les autres accusés. Et qu’importe que lui et les deux hommes assis à ses côtés dans le box, Anis Bahri, 37 ans et Abderrahmane Ameuroud 43 ans, soient présentés par les juges d’instruction comme "le cœur idéologique et opérationnel de la cellule". Celui qui, au premier jour de son procès a déclaré reconnaître "uniquement les lois du tout puissant" revient plus longuement sur son rapport au prophète.

"Je voulais découvrir ce que c’était l’islam, c’est-à-dire se soumettre à Dieu, croire en lui, ce qu'est la vérité absolue. (...) C’est la meilleure chose qui me soit arrivée, mieux que ma mère, mieux que mon père, mieux que mon enfant, c’est indescriptible."

À en croire ses dires, il a bien eu une "révélation" en détention en 2011 sur la religion, mais il s’agissait avant tout de "comprendre pourquoi nous avons été créés", non de commettre une action violente. Alors que la justice le soupçonne d’avoir à plusieurs reprises tenté de gagner la Syrie, lui assure que ce sont "des vaillants, les gens qui sont partis combattre Bachar al-Assad", mais que lui "n’aurait pas eu le courage d’aller aider."

En Turquie pour "profiter de la plage"

A propos d’un voyage de plusieurs mois effectué en Turquie en 2014, il soutient que ce n’était que pour "soigner ses dents" et "profiter de la plage"... En plein mois de décembre. Concernant un séjour cette fois en Thaïlande, où sont proposés des entraînements au maniement des armes, Reda Kriket réagit par un long moment de silence. "Vous ne voulez pas répondre à cette question?", insiste le président. L’accusé refuse d’un signe de la tête.

A une série d’interrogations relatives aux nombreuses armes découvertes à son domicile, il maintient qu’elles ne devaient servir qu’à des braquages, puis n’hésite plus à montrer son agacement: "pour être sincère, j’arrive presque à saturation des questions."

Sur la présence de dynamique? Reda Kriket ne donnera "pas plus de détails." Sur un possible "go fast" effectué pour transporter des armes entre la Belgique et Roubaix? L’accusé "ne préfère pas répondre." Sur la présence d’Anis Bahri dans l’appartement conspiratif? Il n'entend pas "répondre à ces questions." Lassé, le juge lui rappelle: "C’est votre procès, monsieur Kriket." Un nouveau moment de silence gagne la cour. "Bien, on se passera de vos explications."

Esther Paolini Journaliste BFMTV