Mouvement du Nid: "L'interdit de l'achat d'un acte sexuel va dissuader des clients"

Grégoire Théry, le secrétaire général du Mouvement du Nid, accueille très favorablement la proposition de loi sur la prostitution adoptée ce mercredi à l'Assemblée nationale. Le représentant de l'association qui s'occupe de personnes qui sont dans la prostitution a expliqué pourquoi sur BFMTV.

C'est une révolution dans la lutte contre la prostitution. L'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi PS qui fait de la France le cinquième pays européen à sanctionner les clients. Grégoire Théry, du Mouvement du Nid, a détaillé sur BFMTV les différentes mesures soutenues par son association qui s'occupe de prostituées.

Un loi globale

La répression s'inverse. "Pendant 76 ans, la loi française a pénalisé les personnes prostituées", désormais elle s'attaquera à "ceux qui exploitaient leur précarité pour leur imposer un acte sexuel par l'argent", se réjouit Grégoire Théry. Il est persuadé que "l'interdit de l'achat d'un acte sexuel va dissuader des clients". "On est dans le cadre d'une loi globale qui dépénalise les personnes prostituées", poursuit-il.

Hier, les personnes prostituées étaient harcelées dans la rue au titre du racolage même s'il y avait peu de poursuites en justice. De même, des personnes prostituées étrangères étaient interpellées et on les expulsait. "Aujourd'hui, on ne les pénalise plus et on offre un titre de séjour de protection aux victimes étrangères de la prostitution", explique le représentant.

Réseaux sur écoutes policières

Désormais, tout est fait pour protéger les personnes prostituées "au moment même où on interpelle ceux qui exploitent leur précarité". Grégoire Théry est convaincu que le seul moyen pour lutter contre le proxénétisme et la traite des humains, "c'est de s'attaquer à leurs intérêts financiers. Si on s'attaque à la demande, on va détourner les réseaux de proxénétisme". Il cite d'ailleurs le cas de la Suède où "les réseaux sur écoute policière disent que le marché est mort". A ceux qui s'interrogent sur la difficulté d'obtenir des flagrants délits, le secrétaire général du Mouvement du Nid rappelle que la caractérisation du délit n'est pas la consommation de l'acte tarifé mais la sollicitation.

"Hier, on condamnait la sollicitation des personnes prostituées, je ne vois mal pourquoi ce serait plus compliqué, à part idéologiquement, de qualifier la sollicitation des clients. La police parvenait tout à fait à identifier un comportement qu'on qualifiait de racolage. Pourquoi la même police, sur les mêmes lieux de prostitution, aurait plus de mal à identifier le racolage que le client fait lui-même?", assure-t-il.

Internet, le nouveau défi

Le militant estime que la nouvelle loi permettra d'obtenir des résultats, comme après l'interdiction des maisons closes. Cette mesure avait permis de limiter le phénomène et compare les chiffres de deux pays ayant adopté des stratégies différentes. En France, il y a 37.000 personnes prostituées et 500 réseaux condamnés chaque année. En Allemagne, il y a 300.000 personnes prostituées et 3.500 "bordels légaux".

La prostitution sur Internet reste cependant l'un des plus grands défis, alors que depuis 15 ans, la prostitution de rue est en déclin. La législation va fournir une nouvelle mesure en interdisant aux fournisseurs d'accès d'héberger des offres de nature proxénète. Mais l'association sait très bien que les réseaux hébergent leurs sites à l'étranger dans des pays où on ne peut plus les poursuivre. "Ce n'est pas spécifiquement la pénalisation des clients qui entraîne le déplacement des clients sur Internet, ce sont les nouvelles technologies", estime Grégoire Théry, rappelant qu'aujourd'hui, deux tiers des contacts en vue d'un acte de prostitution se font sur Internet. Le Mouvement du Nid n'a donc pas fini son combat.

Elise Maillard