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Parlement

Prostitution: la pénalisation des clients en passe d'être définitivement adoptée

Les députés s'apprêtent à adopter définitivement, ce mercredi, la pénalisation des clients de prostituées, au terme d'une longue procédure parlementaire à rebondissements.

Après deux ans et demi de parcours parlementaire, la pénalisation des clients de prostituées, mesure phare de la proposition de loi socialiste renforçant la lutte contre la prostitution, sera adoptée définitivement ce mercredi par les députés, après un ultime débat sur le texte. Une manifestation de prostituées opposées au texte est prévue au même moment aux abords de l'Assemblée nationale. 

Une amende de 1.500 euros pour les clients

Depuis le premier examen de cette proposition de loi en décembre 2013, ce mercredi sera marquée par le quatrième et dernier passage du texte devant l'Assemblée nationale, qui a "le dernier mot".

Députés et sénateurs n'ont jamais réussi à se mettre d'accord sur la principale mesure du texte, l'interdiction de l'achat d'actes sexuels, qui sera sanctionné par une contravention de 1.500 euros (jusqu'à 3.500 euros en cas de récidive).

Les députés se sont toujours prononcés en majorité pour une telle sanction, inspirée de la Suède qui pénalise les clients de prostituées depuis 1999, mais les sénateurs l'ont toujours rejetée. Après deux examens par les deux chambres, députés et sénateurs avaient échoué mi-novembre à trouver une version commune à l'occasion d'une commission mixte paritaire. Un nouveau passage devant chaque chambre en début d'année a une nouvelle fois acté l'impossibilité d'un accord, le Sénat, à majorité de droite, refusant pour la troisième fois cette pénalisation, contre l'avis du gouvernement.

"Faire évoluer les mentalités"

Le sujet a fait l'objet de vifs débats dans l'opinion, avec notamment la publication d'un "manifeste des 343 salauds", où des personnalités ont défendu leur droit à recourir à une prostituée. Il a divisé même au sein des partis politiques, dans des proportions variables.

Pour les partisans de la pénalisation, il s'agit de dissuader la demande et de considérer les prostituées "comme des victimes et non plus comme des délinquantes", a répété la députée socialiste Maud Olivier, à l'origine du texte. "Je suis fière que notre pays vote cette loi", a expliqué cette élue PS, y voyant un "événement".

"Cette loi est indispensable pour qu'on ne puisse plus considérer comme normal d'acheter le corps d'une personne. On va arriver à faire évoluer les mentalités, mais il faudra encore faire de la pédagogie, et former les policiers, gendarmes et magistrats", a-t-elle prévenu.

Un danger pour les prostituées?

Pour ses détracteurs, pénaliser les clients "va mettre en danger les travailleuses du sexe", qui seront plus isolées, insiste Sarah-Marie Maffesoli, de Médecins du Monde.

Le sujet a aussi été farouchement combattu par des associations de prostituées, qui défendent leur activité comme volontaire et s'inquiètent d'une perte de revenus. "Les conséquences, on les voit déjà. Celles qui peuvent se le permettre partent travailler dans des pays frontaliers, les autres cherchent des agences, des salons, des intermédiaires, qui vont jouer le rôle de proxénètes, afin de les mettre en contact avec des clients", explique Morgane Merteuil, du Syndicat du travail sexuel (Strass).

Outre l'interdiction de l'achat d'actes sexuels, le texte crée une peine complémentaire, sous la forme d'un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution. Il supprime en outre le délit de racolage passif, institué en 2003 par le ministre de l'Intérieur d'alors, Nicolas Sarkozy, et dénoncé par toutes les associations sur le terrain. La France compte entre 30 et 40.000 prostituées, selon les estimations officielles.

A.S. avec AFP