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Police-Justice

La défense de Jonathann Daval fait bondir jusqu'au gouvernement

Randall Schwerdorffer, l'avocat de Jonathann Schwerdorffer.

Randall Schwerdorffer, l'avocat de Jonathann Schwerdorffer. - Sébastien Bozon - AFP

La stratégie de l'avocat de Jonathann Daval, qui consiste à mettre en lumière les "violences" d'Alexia Daval vis-à-vis de son conjoint, soulève la question du "victim-blaming".

"Une personnalité écrasante", "une relation dominant/dominé", "des reproches"… Depuis que leur client est passé aux aveux sur le meurtre de son épouse, les avocats de Jonathann Daval s'emploient à brosser le portrait d'une jeune femme à la personnalité sombre.

"C’est un couple dont malheureusement l’un des conjoints était violent mais ce n’est pas celui auquel on pense. C’est-à-dire qu’Alexia, en période de crise, pouvait avoir des accès de violence extrêmement importants à l’encontre de son compagnon", affirme Randall Schwerdorffer. Son associée, Ornella Spatafora, évoque elle "une dispute de trop". "Des reproches lui ont été faits (…) Un seuil de tolérance de la part de ce dernier a été atteint ce soir-là".

Le souci des victimes de violences conjugales

Des propos relevés aussitôt par Marlène Schiappa. Sur Twitter, la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre hommes et femmes s'indigne des termes employés. "On fait du victim-blaming", affirme-t-elle encore sur BFMTV mercredi matin, en relevant notamment l'expression "personnalité écrasante". Le concept anglo-saxon de "victim-blaming", apparu dans les années 70, entend dénoncer la présentation d'une victime comme une coupable, comme si elle avait cherché ce qui lui est arrivé. "En disant ça, on légitime les féminicides, le fait que tous les trois jours une femme est tuée sous les coups de son conjoint", s'indigne Marlène Schiappa.

Sur BFMTV, la psychiatre Muriel Salmona évoque elle aussi le "victim blaming": "Evoquer ainsi la personnalité de la victime me paraît totalement indécent, alors qu'elle a été tuée par strangulation dans des circonstances extrêmement violentes".

Marie Cervetti, du Haut conseil à l'égalité entre hommes et femmes, dénonce de son côté "un discours idéologique" de la part de Randall Schwerdorffer.

"Qu'il défende son client, c'est normal. Ce qui est complexe c'est son discours idéologique: il présente cette dame, Alexia Daval, comme une femme qui l'aurait cherché, alors qu'il pourrait dire des millions d'autres choses pour défendre son client".
Sa crainte: "que les victimes de violences conjugales qui n'ont pas encore porté plainte se disent: si je le fais, c'est moi qui vais me retrouver sur le banc des accusés".

"La réalité humaine est complexe"

L'avocat des parents d'Alexia, Jean-Marc Florand, a voulu de son côté nuancer le débat. Lors d'une conférence de presse, il a décrit en Alexia "une fille énergique, battante, engagée, certainement dominante dans son couple", face à son mari "plus effacé". "Il y avait forcément une tension plus forte que celle qu'on connaissait, sinon ce 'gendre idéal' n'aurait pas pété les plombs et commis l'irréparable."

Puis il a soutenu son collègue Randall Schwerdorffer, qu'il dit "réaliste": 

"S'il dit ça [qu'Alexia avait une personnalité écrasante et pouvait faire preuve de violence], ce n'est pas un effet de manche pour scandaliser la ministre. S'il le dit, c'est non seulement qu'il le pense, mais aussi qu'il le sait".

Puis il ajoute, fataliste: "La réalité humaine est complexe".

Ariane Kujawski