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Police-Justice

Jugés pour "diffusion de message violent", Marine Le Pen et Gilbert Collard dénoncent une "persécution politique"

Marine Le Pen et Gilbert Collard, le 16 juin 2011.

Marine Le Pen et Gilbert Collard, le 16 juin 2011. - LIONEL BONAVENTURE

Mis en cause pour la publication de photos d'exactions de Daesh, Marine Le Pen et Gilbert Collard ont fait valoir leur droit à la liberté d'expression et ont dénoncé des poursuites liées à leurs positions politiques.

C’est un procès plus politique que pénal qui a occupé la 14e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Nanterre ce mercredi. Marine Le Pen et Gilbert Collard ont comparu pour "diffusion de message violent accessible à un mineur" à la suite de tweets publiés le 16 décembre 2015. Ceux-ci étaient agrémentés de photos d’exactions de Daesh en réponse aux propos du journaliste Jean-Jacques Bourdin, qui avait fait "un parallèle" entre l’organisation terroriste et le Rassemblement national.

"Cette comparaison m’a heurtée au plus haut point. C’est une minoration inadmissible des tortures qui sont le fait de ce gang d’assassins", a expliqué à la barre Marine Le Pen, tandis que Gilbert Collard s’est dit "choqué" par cette analogie.

Pour "rappeler M.Bourdin à la raison", comme le dit la présidente du Rassemblement national, cette dernière a donc décidé de publier des photographies sur lesquelles un soldat syrien est écrasé vivant sous les chenilles d'un char, un pilote jordanien est brûlé vif dans une cage et le journaliste américain James Foley est décapité, sa tête posée sur son dos, en commentant: "Daesh, c’est ça". Gilbert Collard a quant à lui accompagné son tweet de l’image d’une victime de Daesh, allongée au sol, le crâne enfoncé et les mains liées derrière le dos.

"Je n’ai incité personne à la violence"

"Considérez-vous que la publication de ces photos était indispensable à la réponse que vous vouliez apporter?", les interroge la juge. "On doit avoir la liberté de choisir la manière dont on use de notre liberté d’expression", lui oppose Marine Le Pen.

"Moi, je n’ai pas banalisé les crimes de Daesh, j’ai rappelé que c’était une structure terroriste. On ne peut pas faire un parallèle entre les Français qui votent RN et Daesh", insiste-t-elle.

De son côté, Gilbert Collard estime que la diffusion de ces photos "n’est pas attentatoire à la dignité humaine. Si demain je me retrouve face à un idiot qui nie l’existence de la Shoah, je ne peux pas lui montrer de photo de camp de concentration?", compare-t-il.

Mais alors, n’ont-ils pas "eu peur que ces photos aient un caractère prosélyte", pouvant donner l’idée à des mineurs de rejoindre les rangs de l’organisation terroriste, les questionne la juge. Car l'article de loi qui leur est opposé (227-24 du Code pénal, créé en 1992 pour lutter contre l'expansion du minitel rose) condamne la diffusion d'un message violent "susceptible d'être vu par un mineur". Là encore, leur réponse est non.

"Je ne vois pas quel plaisir des gamins auraient à aller sur mon compte. Il n’est pas ludique", répond Gilbert Collard, ajoutant: "On ne peut pas dire que j’aie perverti la jeunesse ce jour-là. Si j’avais commis une infraction, honnêtement, je vous le dirais. Mais là, je n’ai incité personne à la violence", persiste-t-il.

Règlement de comptes politiques?

"Je pense que ceux qui ont envie de rejoindre Daesh ne vont pas sur le compte de Marine Le Pen", commente la leader du mouvement d’extrême droite, affirmant - passablement agacée - que si cette procédure a été engagée, ce n'est pas pour la protection des mineurs mais "c’est à la demande du ministre de l’Intérieur [à l’époque, Bernard Cazeneuve, ndlr] parce que je suis une opposante politique".

"Persécution politique"? En tout cas, pour Me Rodolphe Bosselut, l'un des avocats de Marine Le Pen, "c'est la poursuite quoiqu’il en coûte ou encore 'Marine à tout prix': il fallait la poursuivre coûte que coûte" avec un texte de loi, tiré du livre sur la protection des mineurs, qu'il estime "inapproprié", argue-t-il sous les hochements de tête des mis en cause.

Pas de quoi convaincre le procureur de la République, qui réclame de les reconnaître coupables et de les condamner, à ce titre, à une amende 5000 euros chacun. Reste à savoir si la juge suivra ces réquisitions, jugées "indigentes" par Marine Le Pen à la sortie de l'audience. Le jugement est mis en délibéré au 4 mai 2021.

Ambre Lepoivre Journaliste BFMTV