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Police-Justice

Diffusion de photos de Daesh sur Twitter: Marine Le Pen et Gilbert Collard en procès ce mercredi

Gilbert Collard et Marine Le Pen sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Nanterre.

Gilbert Collard et Marine Le Pen sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Nanterre. - AFP

La justice reproche à la présidente du Rassemblement national et à l'eurodéputé RN d'avoir diffusé, en 2015, des photos d'exactions de Daesh. Tous deux contestent toute volonté d'outrager.

"C’est un gag, c’est une farce!" La contestation est vive du côté de la défense de Gilbert Collard et Marine Le Pen. La présidente du Rassemblement national (RN) et le député européen d’extrême droite comparaissent ce mercredi après-midi devant le tribunal judiciaire de Nanterre pour "diffusion de message violent accessible à un mineur", un texte de loi créé en 1992 pour lutter contre l’expansion du minitel rose et depuis, peu utilisé.

A l’origine de ces démêlés avec la justice, des tweets. Le 16 décembre 2015, quelques semaines après les attentats islamistes aux abords du Stade de France, au Bataclan et sur des terrasses parisiennes, Marine Le Pen publie trois photos d'exactions du groupe jihadiste. Sur les images, un soldat syrien est écrasé vivant sous les chenilles d'un char; un pilote jordanien est brûlé vif dans une cage; le journaliste américain James Foley est décapité, sa tête posée sur son dos.

Un rapprochement "invraisemblable"

La leader d’extrême droite ponctue son message avec les mots: "Daesh, c'est ça!". Elle répond ainsi au journaliste Jean-Jacques Bourdin qu'elle accuse d'avoir "fait un parallèle" entre le groupement terroriste et le RN (encore nommé, à l’époque, Front national). Le même jour, Gilbert Collard monte lui aussi au créneau pour défendre son parti et publie, sur ses comptes Twitter et Facebook, la photographie d’un homme victime de Daesh, allongé au sol, le crâne enfoncé et les mains liées derrière le dos. En légende: "Le poids des mots, le choc des bobos", parodiant un slogan de Paris-Match ("Le poids des mots, le choc des photos").

Dès le lendemain, le député européen s’exprime sur Canal+, indiquant ne pas accepter "qu’on établisse des liens indirects entre moi, mon mouvement, nos électeurs et cette bande de salauds, d'assassins".

Mais, signalés à la justice par Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, les tweets entraînent l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Nanterre en décembre 2015. S’ensuivent des convocations devant le juge d’instruction auxquelles ni Marine Le Pen ni Gilbert Collard ne se présentent. Pas plus qu'aux expertises psychiatriques ordonnées par la justice.

"A l’époque, et encore aujourd’hui, M.Collard estimait que les faits relevaient de sa liberté d’expression. Il considère que son tweet n’est pas infractionnel, il a trouvé invraisemblable le rapprochement fait par M.Bourdin, il a fait un tweet explicatif", explique à BFMTV.com son avocat, Me Jean-Marc Descoubes.

Levée de l'immunité parlementaire

Face à ces comportements récalcitrants, la justice demande la levée de l’immunité parlementaire des deux députés, qu’elle obtient le 27 septembre 2017 pour Gilbert Collard et le 8 novembre 2017 pour Marine Le Pen, permettant ainsi qu’un mandat d’amener soit délivré et qu’ils se rendent aux convocations du juge.

Les deux partisans de l'extrême droite poursuivent dans la voie de la contestation. Selon l’avocat de Gilbert Collard, son client a d’abord voulu railler la "légèreté de langage de Jean-Jacques Bourdin et dénoncer le caractère irresponsable de ses propos". Par ailleurs, il conteste le fait que ces messages aient été susceptibles d’être vus par des mineurs (une condition prévue par l’article de loi retenu contre eux).

"On veut nous faire croire que des mineurs vont consulter le compte Twitter de Gilbert Collard. C’est un gag?", ironise-t-il.

"Le sourire jusqu'aux oreilles"

De son côté, l’avocat de Marine Le Pen, Me David Dassa-Le Deist, affirme à l’AFP que sa cliente "n'a jamais eu l'intention, ni même la conscience, de mettre en péril quelque mineur que ce soit. Elle a répondu à une attaque, une provocation d'un journaliste". Toutefois, les juges ont estimé durant l’instruction que ces arguments n’avaient pas "pour effet de retirer à la photographie, et donc au message diffusé, son caractère gravement attentatoire à la dignité humaine", justifiant ainsi leur renvoi devant le tribunal judiciaire.

Une "farce" pour le conseil de Gilbert Collard qui nous glisse, narquois: "Il m’a dit qu’il allait au tribunal avec le sourire jusqu’aux oreilles." Tous deux risquent pourtant trois ans de prison et 75 000 euros d'amende.

Ambre Lepoivre Journaliste BFMTV