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Police-Justice

"Je n’ai aucune addiction au sexe": le "violeur de Tinder" se défend au premier jour de son procès

Au premier jour du procès de Salim Berrada, jugé pour treize viols et quatre agressions sexuelles, le tribunal est revenu longuement sur la personnalité de cet homme de 38 ans, surnommé "le violeur de Tinder".

Il a fallu rajouter des chaises, ce lundi 18 mars, dans l’enceinte de la salle Diderot du palais de justice de Paris, pour accueillir l’ensemble des femmes qui ont porté plainte contre Salim Berrada, et leurs proches. Pourtant, toutes ne sont pas venues. Certaines n’ont pas eu la force de faire face à celui qui a été surnommé "le violeur de Tinder" dans les médias.

Neuf ans après la première plainte déposée contre lui, l’homme de 38 ans, qui se présente comme photographe, est jugé jusqu’au 29 mars devant la Cour criminelle départementale de Paris pour treize viols et quatre agressions sexuelles, survenus entre 2014 et 2016. Au total, 17 femmes ont déposé plainte contre lui.

Et il a fallu près de quatre heures, ce lundi matin, au président pour lire les quatre-vingts pages d'ordonnance de mise en accusation. Quatre heures durant lesquelles Salim Berrada, assis dans le box vitré, a écouté attentivement le résumé des faits qui lui sont reprochés. Sans quitter le président des yeux, l'accusé a secoué la tête de temps à autre en signe de contestation.

"Je suis extrêmement épuisé"

Car depuis sa mise en examen en octobre 2016, l’homme a toujours maintenu la même version. Il nie formellement les accusations de viols, d’agressions sexuelles et de soumission chimique. Tout juste a-t-il accepté à consentir des rapports de séduction avec ces jeunes femmes et un "petit côté manipulateur".

Au cours de l'instruction, il a admis que les séances photos constituaient un prétexte pour obtenir des relations sexuelles avec des jeunes femmes. Mais selon lui,ces femmes étaient toutes consentantes. Si elles ont fait "volte-face", c'est qu'elles se sont "senties manipulées ou utilisée". D'ailleurs, il estime qu'elles se seraient "concertées" pour les plaintes.

Pourtant, ces 17 femmes ont livré, à quelques détails près, des récits quasiment identiques. Toutes décrivent un "modus operandi" très bien rodé, qui débute par une prise de contacts sur une application de rencontre ou sur un réseau social, une séance photo, payante ou offerte, dans son studio du XXe arrondissement de Paris, un ou plusieurs verres d’alcool consommés, une suspicion de soumission chimique et un rapport sexuel non consenti, souvent d’une très grande violence.

Certaines affirment avoir été traînées au sol par les bras ou les cheveux, d'autres avoir subi des fellations forcées ou des cunnilingus imposés. Puis, pour la quasi-totalité de ces jeunes femmes, des pénétrations digitales et péniennes, décrites comme soudaines, brutales et douloureuses. À la lecture de ses récits difficiles, plusieurs d'entre elles ont quitté la salle, parfois en étouffant des sanglots.

Il est 14 heures, au terme de la lecture des faits, quand le président demande à l'accusé s'il veut ajouter quelque chose, avant la suspension d'audience. Salim Berrada indique qu’il fera des déclarations au fur et à mesure du procès, avant d'ajouter d'une toute petite voix: "À cet instant précis, je suis extrêmement épuisé par ce que je viens d’entendre".

"Je n’ai aucune addiction au sexe"

C'est avec l'interrogatoire de personnalité de l'accusé que l'audience a ensuite repris, en commençant par l'enfance de Salim Berrada. Le jeune homme, né en 1985 à Casablanca au Maroc, n'est arrivé en France qu'en 2005. Il a alors vingt ans et il vient d'être pris dans une école d'ingénieur à Bordeaux. "J'ai passé uniquement les concours des écoles françaises. Je voulais absolument venir en France", raconte-t-il, notamment dans le but de "s'émanciper".

Après son diplôme, et jusqu'en 2013, il travaille à Paris, dans plusieurs entreprises comme ingénieur informatique. Mais Salim Berrada ne veut pas faire carrière dans l'informatique.

Son rêve, c'est "d'écrire des films". En 2013, il négocie une rupture conventionnelle avec son entreprise, quitte son travail et se lance en autodidacte dans la photographie. "La photo, c’était pour moi une façon de mettre un pied dans l’univers de la réalisation", explique-t-il, debout derrière la vitre de son box.

Puis le président l'interroge sur sa vie amoureuse. L'accusé évoque "cinq ou six relations sérieuses" au cours de sa vie. Il y a Laetitia, son amie d'école d'ingénieur, avec laquelle il s'est pacsé; puis Natalia, qui est tombée enceinte et qui a avorté; Clara, qui a quitté son compagnon pour lui; Sarah, rencontrée trois mois avant son incarcération, avec qui il est resté deux ans.

"Vous êtes un grand sentimental ?", l’interroge le président. "Je ne me suis jamais défini comme tel, mais j’ai été un grand sentimental", assure Salim Berrada.

Un "grand sentimental" qui comptabilise pourtant 600 partenaires sexuelles au cours de sa vie, selon ses dires. Mais surtout, un "grand sentimental" aux besoins sexuels "quotidiens" voire "pluri-quotidiens", y compris quand il est en couple. Lors des expertises, un des psychiatres a mentionné une "hypersexualité".

"Je n’ai aucune addiction au sexe, j’ai une addiction au fait de susciter du désir", justifie l'intéressé à l'audience.

Des rires éclatent sur les bancs des parties civiles. "J’ai l’impression que vos propos ne suscitent pas l’adhésion", réagit le président. "On a plutôt l’impression vous êtes dans l’industrialisation", ajoute le président, faisant référence au fichier Excel retrouvé dans son ordinateur, avec des phrases d'accroche toutes prêtes, envoyées à un très grand nombre de jeunes femmes sur les applications de rencontres.

"Je suis quelqu’un de déterminé, de rêveur, de passionné, de désorganisé et de paradoxal. Je suis capable d’aimer et en même temps d’être profondément égoïste", répond Salim Berrada quand le président lui demande de se décrire.

"Mon nom, il est foutu, il est sali"

En 2019, après trois ans de détention provisoire, Salim Berrada est libéré et placé sous contrôle judiciaire. Il décide de quitter Paris et s'installe à Marseille. "C’était devenu très difficile pour moi de vivre à Paris, je me faisais mettre dehors des bars, je recevais des menaces de mort (…) mon nom était écrit partout sur les réseaux sociaux", enchaîne le photographe. Une réponse qui étonne le président: "Les réseaux sociaux ne fonctionnent pas à Marseille?".

Car c'est dans le sud de la France que des nouvelles plaintes ont été déposées contre Salim Berrada. Six nouvelles jeunes femmes l'accusent de viols et d'agressions sexuelles entre 2021 et 2023. Des faits qui se seraient donc déroulés sur la période de son contrôle judiciaire.

Une seconde enquête a conduit, en juillet 2023, à sa mise en examen pour quatre de ces plaintes et son placement sous le statut de témoin assisté pour les deux dernières, rappelle le président. L'instruction est toujours en cours. "Je n’ai pas commis ces faits", a-t-il martelé, affirmant là aussi qu’il s’agissait de relations sexuelles consenties.

"Il y a 17 plaignantes dans ce dossier et on voit ce nouveau dossier dans lequel de nouvelles plaignantes disent qu'elles ont été droguées et violées. Vous ne pensez pas qu'avec votre contrôle judiciaire il fallait éviter de vous retrouver dans toute situation à risque", l'interroge l'avocat général.

"Avec cette audience qui se profilait, vous n'aviez pas envie de vous dire :'Je lâche Adopte et Tinder et je me tiens à carreau'? Tout ce qu'il s'est passé avant ne vous a pas échaudé?", poursuit l'avocat général. "Vous partez sur une présomption de culpabilité, je pars sur une présomption d'innocence", clame Salim Berrada.

Comment l'homme voit-il son avenir? "Difficile à dire. Pour le moment je suis devant vous (…). De toute façon, quoique je veuille, mon nom, il est foutu, il est sali", répond Salim Berrada.

Mardi, la deuxième journée du procès de Salim Berrada sera consacrée à la question de la soumission chimique, avec l'audition d'une experte qui a réalisée les analyses toxicologiques des plaignantes. Le procès doit s'achever le vendredi 29 mars. L'homme de 38 ans encourt jusqu'à vingt ans de réclusion criminelle.

Manon Aublanc