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Police-Justice

Henda Ayari, une des victimes présumées de Tariq Ramadan: "J'ai vraiment cru mourir"

Henda Ayari, l'une des victimes présumées de Tariq Ramadan, accusé de viol par plusieurs femmes, était ce lundi matin l'invitée d'Apolline de Malherbe sur BFMTV et RMC. Elle accepte de témoigner pour la première fois à la télévision.

Invitée ce lundi matin sur BFMTV et RMC, Henda Ayari est la première à avoir porté plainte contre Tariq Ramadan, penseur et prédicateur musulman, pour viol, agression sexuelle, harcèlement et intimidation. Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris. Tariq Ramadan, lui, récuse les faits et a porté plainte en retour pour dénonciation calomnieuse.

"J'ai été victime d'une grave agression sexuelle, d'un viol, dans une chambre d'hôtel en 2012 par cette personne", témoigne Henda Ayari, qui s'exprime pour la première fois à la télévision, et confie avoir du mal à prononcer le nom de Tariq Ramadan.

"J'ai été traumatisée par cette personne, j'ai reçu des menaces, et jusqu'à aujourd'hui, ce n'est pas facile de parler".

"Vous suscitez le désir des hommes"

Henda Ayari s'est d'abord trouvée en contact avec Tariq Ramadan sur sa page Facebook: "J'avais des questions à lui poser au niveau religieux". Jusqu'alors, la jeune femme était intégralement voilée mais, pour trouver du travail, une assistante sociale lui conseille d'ôter son voile islamique.

Pendant "plusieurs mois", Tariq Ramadan répond à ses questions sur Facebook, jusqu'à un changement de comportement brutal de sa part. "J'ai posté une photo de moi sans le voile sur Facebook, donc une photo de profil. J'avais les cheveux libres, et j'étais maquillée". Tariq Ramadan la contacte aussitôt:

"Ce n'est pas bien ce que vous faites, cette photo. (...) Vous suscitez le désir des hommes. Non seulement vous ne portez pas le voile, mais en plus vous rajoutez du maquillage", raconte-t-elle.

"Pour moi c'était comme un grand frère"

Henda Ayari est d'autant plus déstabilisée qu'elle voue alors une grande admiration à Tariq Ramadan, qu'elle voit comme "un grand savant".

"J'étais salafiste", confie-t-elle, "et après avoir retiré mon voile, je me suis dit 'je vais pouvoir être une femme musulmane tout en travaillant et en étant modérée', et pour moi Tariq Ramadan, c'était l'image de l'islam modéré en France, c'est pour ça que j'avais besoin d'être en contact avec lui, pour être rassurée".

La conversation devient dès lors plus intime. "L'homme que je voyais comme un savant était devenu un homme, un homme qui s'intéressait à moi".

Après un premier contact sur Skype, Tariq Ramadan prend son numéro de portable et lui propose une rencontre.

"Pour moi, c'était un rendez-vous important, je voulais lui poser des questions sur la religion. (...) J'idéalisais beaucoup Tariq Ramadan".

Le jour du rendez-vous, l'islamologue lui demande, selon elle, de la rejoindre directement dans sa chambre d'hôtel, alors qu'il est de passage à Paris.

"Ca sera plus confortable de discuter tranquillement, parce qu'il y a trop de gens dans le hall de l'hôtel", lui explique-t-il. A ce moment-là, Henda Ayari n'éprouve "aucune méfiance": "Pour moi c'était comme un grand frère".

"Il s'est jeté sur moi comme une bête sauvage"

Lorsqu'elle entre dans la chambre, Tariq Ramadan va se laver les mains puis revient vers elle:

"Quelques secondes après, il m'embrasse très fort, directement. Ca a été l'horreur. Il s'est littéralement jeté sur moi comme une bête sauvage. Je n'ai pas eu le temps de respirer, je me suis retrouvée sous lui".

Henda Ayari tente "tout de suite" de le repousser. "Je disais 'non', il s'est mis en colère. Il m'a frappée très violemment, il m'a giflée très fort, ensuite il m'a étranglée pendant plusieurs secondes, j'avais le souffle coupé, j'ai vraiment cru mourir", témoigne-t-elle. "Là, il m'a violée. J'étais certaine que si je continuais à le repousser, il me tuerait. Il a fait ce qu'il avait à faire. Le lendemain matin, il est parti avant moi en me disant de partir discrètement".

"C'est ce que méritent les femmes comme toi"

Henda Ayari évoque aussi les insultes: "Tu es venue pour ça, c'est ce que tu voulais, c'est ce que méritent les femmes comme toi. Tu l'as cherché", lui aurait asséné Tariq Ramadan.

"Il me faisait comprendre", poursuit-elle, "que le fait que je retire le voile voulait dire que j'avais provoqué son désir, que c'était de ma faute. Il m'a aussi reproché de ne pas être expérimentée sexuellement. C'était moi la responsable, je l'avais mis en colère, parce que je n'étais qu'une petite fille".

"Sous emprise mentale", Henda Ayari n'ose pas porter plainte immédiatement, envahie par un sentiment de honte et de culpabilité.

"De toute façon, quand je lui ai dit à un moment donné que j'allais le dénoncer, il m'a menacée de mort, il a menacé mes enfants. Je lui ai dit que d'autres femmes avaient vécu ce que j'avais vécu, et que j'allais retrouver ces autres femmes, et qu'on allait faire ensemble quelque chose contre lui (...) Il m'a dit 'Henda, je sais tout de toi. Je ne suis pas seul, on sait où tu habites, on sait exactement ce que tu fais, chaque jour qui passe. Je te conseille de fermer ta bouche, tu ne voudrais pas qu'il arrive malheur à tes enfants, n'est-ce pas?' ". Henda Ayari se résout alors à garder le silence.

Finalement, l'affaire Harvey Weinstein la convainc de porter haut et fort son témoignage: "Quand j'ai vu ces actrices de cinéma qui portaient plainte contre le producteur qui, pourtant, était quelqu'un de puissant, et toutes ces femmes qui disent qu'il faut dénoncer son agresseur, je me suis dit 'moi aussi j'ai envie de donner le nom de mon agresseur'".
A.L.M.