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Double meurtre de Montigny-lès-Metz: l'intrigant Henri Leclaire

Henri Leclaire (deuxième à droite), cité comme témoin au procès Heaulme, à son arrivée au palais de justice de Metz ce mardi matin.

Henri Leclaire (deuxième à droite), cité comme témoin au procès Heaulme, à son arrivée au palais de justice de Metz ce mardi matin. - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE

Le procès de Francis Heaulme pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz a été reporté à une date ultérieure, après la mise en cause d'un autre homme, Henri Leclaire.

Vingt-huit ans après les faits, le double meurtre de Montigny-lès-Metz reste toujours sans coupable. Dans cette douloureuse affaire, un innocent, Patrick Dils, a été condamné puis blanchi après 15 ans de prison; un tueur en série, Francis Heaulme, a été renvoyé devant les assises et désormais un troisième homme, Henri Leclaire, pourrait à son tour être mis en examen.

Mardi, au deuxième jour du procès de Francis Heaulme pour le meurtre de Cyril Beining et d'Alexandre Beckrich, deux enfants de 8 ans tués à coups de pierres, la Cour s'est vue contrainte de renvoyer le procès après l'audition d'un nouveau témoin incriminant Henri Leclaire. Qui est cet homme, et que lui reproche-t-on? BFMTV.com fait le point.

>> A voir: Montigny-lès-Metz, l'affaire en visuel animé

Le premier à passer aux aveux

Le nom d'Henri Leclaire n'est pas nouveau dans le dossier. Agé de 38 ans au moment du crime de Cyril Beining et d'Alexandre Beckrich, le 28 septembre 1986, cet homme travaillait comme manutentionnaire aux entreprises Le Lorrain, à Montigny-lès-Metz, à proximité immédiate du talus SNCF où les corps des deux garçons ont été retrouvés. Et il a été le premier à avouer les meurtres, à deux reprises, deux mois après le crime, avant de se retracter.

Rapidement, il a été écarté par les enquêteurs du fait de sa corpulence: lors d'une reconstitution, il semblait incapable de monter sur le talus. Pendant ce temps, un autre jeune homme du village, Patrick Dils, était mis en cause. Il sera condamné à perpétuité pour le double meurtre sur la base de ses seuls aveux et de son absence d'alibi. Avant d'être blanchi et libéré après 15 ans de prison...

Irrité par les enfants du quartier

Aux imprimeries Le Lorrain, Henri Leclaire était notamment chargé de vider les poubelles. Or, une chose l'irritait: les enfants qui venaient chercher du papier dans les bennes pour s'amuser. Plusieurs témoins l'affirment: il se fâchait tout rouge, et lui-même le reconnaît aujourd'hui. Car "quand les papiers traînaient, c'est moi qui me faisait engueuler", a-t-il lâché mardi, lors de son audition au procès Heaulme.

Ainsi, il avait pris l'habitude d'effectuer des rondes pour surveiller le périmètre. Le jour du double meurtre, la grand-mère d'Alexandre Beckrich indique l'avoir vu depuis sa fenêtre juché sur sa Vespa le long de la voie ferrée. Réentendu en 2002, Henri Leclaire a lui-même admis être passé à deux reprises, cet après-midi-là, dans la rue Venizélos qui longeait le talus.

C'est également la grand-mière d'Alexandre Beckrich qui a mis les enquêteurs sur la piste Henri Leclaire, en 1986. Mais pas pour cette raison. Deux mois après le meurtre, elle avait été choquée par sa réaction alors qu'elle faisait part de la nouvelle au père du manutentionnaire. En juillet 2004, elle indique au journaliste Emmanuel Charlot, auteur de L'Affaire Dils-Heaulme (Flammarion), qu'Henri Leclaire s'était alors "hyper-énervé". "'J’en ai marre', disait-il. Il bavait. Il était tellement excité de savoir que les gamins fichaient de la saleté que ça m'a choquée", affirme-t-elle.

Il nie les avoir tués

Cet état, c'est un peu celui qu'a décrit Marie-Christine Blindauer, le témoin qui a fait basculer le procès de Francis Heaulme et a poussé la Cour d'assises de Metz à renvoyer le procès, mardi. Clerc d'avocat, elle affirme avoir recueilli le témoignage d'Henri Leclaire il y a environ un an et demi, alors que cet homme venait lui livrer des courses.

L'homme, a-t-elle relaté mardi à l'audience, avait besoin de parler, et s'est confié à elle sur l'affaire de Montigny. Il lui aurait répété à plusieurs reprises: "je m'en suis pris aux gamins" et "ils ont compris à qui ils avaient affaire". A la barre, elle a reproduit les gestes que Leclaire mimait lui-même, agitant les poings près du visage comme si elle secouait quelqu'un. Pour elle, en parlant, il "revivait la scène".

Toutefois, a-t-elle souligné, Henri Leclaire ne lui a jamais confessé "avoir tué les enfants". Et, selon elle, "il n'a jamais cité le nom de Heaulme". Un homme que Henri Leclaire a toujours nié connaître.

Heaulme charge Leclaire

Francis Heaulme, de son côté, a cité le nom d'Henri Leclaire dans une audition le 30 janvier 2002: il estime l'avoir vu "descendre affolé du talus à Montigny-lès-Metz (…) avec du sang sur le tee-shirt", à 17h40 le jour du crime. Une déclaration que le tueur en série a réitérée un mois plus tard.

Henri Leclaire se défend en indiquant que Francis Heaulme l'a aperçu à la télévision, puisque le tueur en série a fait, dans cette même déposition, référence à un reportage d’Envoyé spécial où Leclaire avait été interrogé l'année précédente.

Les deux hommes pouvaient-ils se connaître? Les deux entreprises où ils travaillaient au moment du double meurtre, Le Lorrain et la CTBE, étaient distantes de 300 mètres. Mais aucun élément, à l'heure actuelle, ne permet d'affirmer qu'ils se fréquentaient.

Heaulme toujours mis en cause

L'enquête devrait désormais s'attacher à répondre à cette question. Car si une information judiciaire devrait vraisemblablement être ouverte contre Henri Leclaire, cela ne signifie par l'abandon des poursuites contre le "routard du crime".

Car des éléments troublants pèsent dans cette affaire contre Francis Heaulme, outre sa présence avérée près des lieux du crime le jour du double meurtre. Mardi, celui-ci a réitéré avoir aperçu les deux petits garçons vivants, puis morts. Et deux témoins disent l'avoir vu le visage ensanglanté, peu de temps après le meurtre, à quelques kilomètres du lieu du crime.

Mathilde Tournier