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Paris: une exposition immersive pour visiter Tokyo à travers le cinéma et le manga

Le film Akira

Le film Akira - Dybex

Proposée au public jusqu’au 30 décembre, Manga Tokyo est une visite immersive de la mégalopole à travers les âges et les arts.

Les mangas, les jeux vidéo et le cinéma sont aussi précieux que le journal télévisé pour comprendre notre époque. Telle est la thèse de Manga Tokyo, une exposition réalisée dans le cadre de Japonismes 2018, une série d’événements célébrant la richesse de la culture japonaise à l’occasion du 160e anniversaire des relations diplomatiques de la France et du Japon.

Proposée au public jusqu’au 30 décembre, Manga Tokyo est une visite immersive de la mégalopole à travers les âges et les arts. Son commissaire, le chercheur Kaichiro Morikawa, a voulu "faire vivre aux visiteurs la réalité hybride des mangas, des animes et des jeux vidéo qui se déroulent à Tokyo" en les confrontant aux extraits de Godzilla, Akira, Your Name, Sailor Moon, raconte-t-il à BFMTV.com.

Pour faciliter cette immersion, le public découvre d’emblée, en pénétrant dans la grande halle de la Villette, une immense maquette de Tokyo. Reliée à un écran géant diffusant des scènes de destruction de la ville dans des œuvres comme Akira, Godzilla ou Neon Genesis Evangelion, elle permet aux visiteurs de comprendre comment la fiction s’est nourrie de la réalité, et inversement, pour permettre une forme de catharsis face à une histoire souvent traumatique.

"Les histoires et les personnages alimentent une ‘mémoire fictionnelle’ de Tokyo", analyse Kaichiro Morikawa. Initiée en 1954, la série Godzilla suit par exemple les politiques de réaménagement de la ville. Comme un rite de passage, la créature détruit à chaque épisode les bâtiments construits entre-temps, comme ce fut le cas dans les années 1980 avec les hautes tours du quartier de Shinjuku.

Exposition Manga Tokyo à la Grande halle de la Villette
Exposition Manga Tokyo à la Grande halle de la Villette © Nicolas Krief

Cycles de destruction

Akira comme Evangelion mettent en scène un nouveau Tokyo après un cataclysme. Une manière d’évoquer à travers la fiction comment chaque reconstruction permet de repenser le développement urbain. Evangelion métaphorise cette alternance entre destruction et reconstruction en montrant des bâtiments qui se rétractent sous terre lors des combats avant de ressortir une fois ceux-ci terminés. La série offre ainsi un condensé de l’histoire de Tokyo, marquée par de nombreux incendies et tremblements de terre destructeurs.

Kaichiro Morikawa concède avoir un peu forcé le trait sur ces images de destruction: "Le but de cette exposition est de montrer qu’il y a une vraie relation entre l’histoire de la ville et les créations de mangas, jeux vidéo et d’animes. Lorsque l’on créé une histoire fictive, celle-ci est liée au contexte historique de la ville de Tokyo." Il précise: "La sensation de la réalité des lecteurs et des spectateurs reflète ce qui se passe réellement, les faits réels. Dans la description de la destruction de la ville, la grande question est de savoir qui détruit et quelles formes ont les destructeurs."

La vie quotidienne

Les œuvres qui mettent en scène l’anéantissement de Tokyo, comme Akira, n’expliquent pourtant pas forcément le geste du destructeur, qu’il soit un jeune garçon silencieux ou un lézard préhistorique géant. Au lecteur/spectateur de trouver la réponse. L’exposition en apporte une. Elle n’est d’ailleurs pas forcément très réconfortante: souvent symbole des catastrophes naturelles, le destructeur n’a pas de mobile. Terrible explication pour une ville aussi régulièrement confrontée à la destruction (dans la fiction comme dans la réalité).

Akira d'Otomo
Akira d'Otomo © Nicolas Krief

A côté de la violence, l’exposition met aussi en avant la représentation du quotidien: les flâneries dans les rues, les échoppes ambulantes de nouilles soba, les maisons de thé, les librairies de livres illustrés.... Dans la deuxième partie des années 1990, le Japon entre en récession.

"Pendant cette période, la manière de représenter la ville change complètement", souligne Kaichiro Morikawa. "Pendant les années de croissance, tout était montré de manière glorieuse. Désormais, les gens vivent des vies modestes et l’accent est mis sur les petits bonheurs de la vie quotidienne."

Des planches de Jiro Taniguchi et Taiyo Matsumoto viennent appuyer son propos. Cette exploration du quotidien, déjà bien présente depuis les années 1950 dans le manga, y était jusqu’alors représentée d’une manière plus pathétique (notamment chez Yoshihiro Tatsumi et Kazuo Kamimura, qui brillent par leur absence).

Vivre une expérience

L’exposition n’est pas linéaire. À partir de la maquette, le visiteur peut explorer les différents recoins de la Grande Halle comme il souhaite, comme on peut se perdre dans les rues d’une métropole. Il pourra admirer des reproductions de planches originales d’Osamu Tezuka ou encore Shōtarō Ishinomori. Il pourra aussi visiter l’intérieur du Shinkansen, déposer des vœux dans une reproduction de temple, admirer les détails de la gigantesque maquette de Tokyo depuis un poste d’observation inspiré par Neon Genesis Evangelion....

Manga Tokyo
Manga Tokyo © Nicolas Krief

À Tokyo, comme partout au Japon, les personnages de manga sont sortis des livres pour investir l’espace public. Comme l’exposition, la capitale japonaise a été conçue pour favoriser les rencontrer avec ces créatures de papier. Cette irruption de la fiction dans la réalité n’est pas récente et remonte à l’ère d’Edo (1603-1868). Des Konbini (supérettes) aux pachinko en passant par les métros et les temples, ces personnages sont partout.

"Les établissements religieux ont essayé de profiter de ce phénomène", raconte Kaichiro Morikawa. "Dans les sanctuaires shintoïstes, on trouve un endroit où les gens écrivent des vœux sur des petites plaquettes. Dans certains sanctuaires shintoïstes au Japon, qui sont très fréquentés par les amateurs de mangas, les gens laissent souvent des dessins des personnages préférés au lieu d’écrire des vœux. J’ai créé un espace dans l’exposition pour que les visiteurs puissent écrire ce qu’ils ont pensé de cette exposition ou dessiner leurs personnages favoris. Pour qu’ils puissent vivre cette expérience." Et dire qu’ils ont (presque) visité Tokyo.

Manga Tokyo. Jusqu'au 30 décembre. La Grande halle de la Villette. Ouverture du dimanche au jeudi de 10h à 19h, les vendredis et samedis de 10h à 20h. 

pour prolonger la visite

Les éditions Ynnis et le magazine Animeland publient un livre retraçant l'histoire du cinéma d'animation japonais à travers 100 films (de Mon Voisin Totoro à Your Name en passant par Akira et Perfect Blue) décryptés par des passionnés (100 films d'animation japonais, 29,90 euros). Sort également un passionnant mook consacré au cinéaste Mamoru Hosoda (Le Garçon et la bête) en attendant la sortie en décembre de son nouveau film Miraï ma petite sœur (Mamoru Hosoda, réalité augmentée, 12,50 euros).

Jérôme Lachasse