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Bienveillante, inclusive, réaliste, "Sex Education", la série qui a décomplexé les jeunes spectateurs

Extrait de la saison 3 de "Sex Education".

Extrait de la saison 3 de "Sex Education". - Sam Taylor / Netflix

La dernière saison de la série Sex Education est en ligne depuis quelques jours sur Netflix. Depuis ses débuts en 2019, le programme britannique révolutionne la représentation de la sexualité sur le petit écran.

Alors que Netflix a dévoilé ce jeudi 21 septembre la quatrième et dernière saison de Sex Education, Arthur a déjà marqué cette date depuis plusieurs mois dans son calendrier.

Depuis plus d'un an et demi, le jeune homme de 17 ans suit assidûment aux côtés de sa mère, Alice, chaque saison de cette série britannique qui met en scène Otis Milburn (Asa Butterfield), un jeune lycéen cis, blanc, hétéro, puceau et fils de la sexologue reconnue, Jean Milburn (Gillian Anderson).

Aidé par les connaissances de sa mère, Otis décide de monter une consultation de sexologie dans le lycée de Moordale avec son amie Maeve (Emma Mackey) afin de conseiller ses camarades dans leurs questionnements sur leur sexualité en échange d'un peu d'argent.

"Ma manière de lui annoncer que j’aimais les garçons"

Au départ simple moment de détente entre mère et fils, Sex Education est rapidement devenu au fil des épisodes un moyen pour Arthur de parler plus ouvertement de ses propres expériences, et notamment d'aborder son homosexualité avec sa mère.

"Au début quand la série mettait en scène des personnages gays ou se questionnant sur des sujets LGBT, je n'étais pas forcément hyper à l'aise. J'avais 15 ans et je n'avais pas encore véritablement fait de coming out à ma mère", confie Arthur.

"Mais en voyant des personnages ouvertement gays comme Éric (Ncuti Gatwa) ou Rahim (Sami Outalbali), ça m’a permis de dédramatiser l'annonce de mon homosexualité à ma mère", assure le jeune homme.

"Un jour, elle m'a montré le personnage de Jackson (Kedar Williams-Stirling) et m'a dit qu'il était mignon, en attendant une réponse de ma part. Et je lui ai dit: 'Ouais je le trouve très mignon, c'est totalement mon type'. Ça a été ma manière de lui annoncer que j’aimais les garçons", détaille Arthur.

Une série "proche de la réalité"

Imaginée par Laurie Nunn en 2019, Sex Education aborde avec humour, bienveillance et réalisme de nombreuses problématiques autour des premiers pas de lycéens dans leur découverte de la sexualité à travers les "cas" traités par Otis.

Ainsi, les trois premières saisons abordent notamment la masturbation, le plaisir féminin, le consentement, les MST, l'orientation sexuelle (homosexualité, bisexualité, asexualité, pansexualité...), la communication entre partenaires ou encore les agressions sexuelles.

Sans oublier des problématiques assez récurrentes dans les teen-show, comme la pression scolaire, le harcèlement, les triangles amoureux, les relations parents-ados, ou les canons de beauté.

Si la forme de Sex Education peut être un peu "caricaturale", selon la psychologue et sexologue clinicienne Floriane Meyer, "sur le fond des messages ou des problématiques rencontrées par les personnages la série est très proche de la réalité".

"La série mentionne de manière inclusive et bienveillante de nombreux sujets qui questionnent les adolescents, les jeunes adultes et même les parents d'aujourd'hui. Que ce soit la question du sentiment amoureux, l’expérimentation de la sexualité, des premières amours, le consentement, les questionnements d'identité liés à l'orientation sexuelle...", souligne la sexologue.

Pour rendre la série plus réaliste tout en restant respectueuse des acteurs, Netflix a par exemple fait appel à Ita O'Brien. Cette coordinatrice d’intimité britannique a préparé, supervisé, conseillé et apporté un soutien aux comédiens ainsi qu’à l’équipe technique lors des scènes de sexe et de nudité.

"L'une des séries qui parle le mieux de sexualité"

Selon Frédérick Stassart, spécialiste séries et auteur du podcast Monsieur Séries, la force de Sex Education réside aussi dans le ton pédagogique et humoristique employé pour aborder ces différentes thématiques.

"'Sex Education' parle de façon ouverte, crue et sans détour de problématiques qui vont au-delà de la sexualité, on y parle d'identité, de l'âge et de la place qu'on a dans la société, mais toujours avec légèreté et humour. C'est sans doute l'une des séries grand public qui parle le mieux de sexualité", assure Frédérick Stassart.

Sex Education doit également son succès à sa palette très large et inclusive de personnages inspirés de l'entourage de Laurie Nunn, la créatrice du programme. Si on retrouve les codes assez classiques de la série, avec la fille populaire, le sportif, l'intellectuel, le geek, Sex Education fait le choix de montrer qu'ils sont bien plus que l'étiquette qu'on leur attribue.

"La plupart des personnages viennent des gens que je connais et cette représentation dans la série était logique pour moi. Quand les gens regardent la télévision, ils veulent se voir représentés. Je pense que c’est très important, surtout pour les publics jeunes", confiait Laurie Nunn en 2020 à 20 Minutes.

"J'ai compris que je n’étais pas anormale"

C'est notamment grâce au personnage de Lily, une jeune femme lesbienne qui cherche par tous les moyens à perdre sa virginité, que Léa, 23 ans, a réussi à mettre des mots sur une maladie dont elle souffrait depuis plusieurs années: le vaginisme.

Dans le huitième épisode de la saison 2 de Sex Education, Lily annonce à sa partenaire, Ola qu'elle est atteinte de ce trouble qui provoque des contractions involontaires au niveau du vagin et empêche ou rend la pénétration très douloureuse.

"Ça m’a permis de comprendre que je n’étais pas seule à vivre ça et que je n’étais pas anormale. [...] Je suis allée chez le gynécologue et il m’a en effet diagnostiqué ce vaginisme mais aussi d’autres problèmes plus grave (maladie auto-immune, malformation etc) qui ont pu être traités à temps", précise la jeune femme.

"Même si elle n’est pas complète à 100% sur certains sujet 'Sex Education' éduque mieux sur la sexualité que la majorité des séries et peut-être même mieux qu’à l’école", assure Léa.

Un postulat que partage, en partie, la sexologue Floriane Meyer. Selon, la spécialiste ce type de séries et les cours d'éducation sexuelle sont complémentaires. "Les spectateurs peuvent apprendre beaucoup et se projeter par rapport à certains personnages ou à certaines problématiques qu'ils peuvent rencontrer", indique la spécialiste.

"Mais le spectateur est seul face à son écran et donc ça ne remplace pas les séances d'éducation à la sexualité où le but est de pouvoir échanger avec des professionnels et poser des questions pour se rendre compte que l'on n'est pas seul face à certains questionnements ou certaines difficultés", ajoute Floriane Meyer.

Le planning familial profite, lui du retour de "Sex Education", pour lancer une campagne de sensibilisation auprès de la jeunesse, en lien avec la série.

"Les jeunes se posent tellement de questions et n’ont que trop peu de réponses. Selon nous, il est clair que la pop culture peut permettre d’aborder ces sujets avec justesse, en étant au plus proche des problématiques de la jeunesse", écrit le Planning Familial sur Twitter.

"Pour en parler avec mes amis c'est beaucoup plus simple"

Ainsi, Arthur a pu aborder avec sa mère, des sujets délicats, grâce à un épisode de la saison 2. Dans une scène, le personnage d'Anwar, ouvertement gay mais encore puceau, doit passer à l'acte avec son copain Nick mais ignore ce qu'est un lavement.

"Au début j’étais mal à l’aise car les lavements et la sodomie, ce ne sont pas des sujets que j’aurais abordés avec ma mère comme ça. Mais au final 'Sex Education' a libéré pas mal de choses et ça a été beaucoup plus fluide après pour lui parler de ma vie amoureuse et sexuelle", explique-t-il.

Dans cette même saison, un autre passage a aussi fortement marqué les spectateurs. Alors qu'Aimee, l'une des camarades d'Otis prend le bus pour apporter un gâteau d'anniversaire à son amie Maeve, la lycéenne est victime d'une agression sexuelle. Un homme, debout derrière elle, se met à se masturber et éjacule sur les vêtements de la jeune fille. Traumatisée, Aimee n'arrive plus à prendre le bus par crainte de recroiser son agresseur. Mais Maeve et d'autres lycéennes de Moordale décident alors de l'accompagner dans ces trajets quotidiens pour qu'elle ne soit plus seule.

Une scène poignante qui a beaucoup aidé Rythoe De Brito, elle-même victime d'agressions sexuelles. "Quand j'ai vu Aimee, je me suis toujours dit que c’était absolument pas sa faute. Ça m'a beaucoup aidée pour arrêter de culpabiliser. [...] Pour en parler avec mes amis c'est beaucoup plus simple. J'ai juste à dire que je me sentais comme elle. J’aime Aimee de tout mon cœur", confie-t-elle sur Twitter.

"Dans la série, on passe finalement assez rapidement sur le sujet mais je trouve que c'est assez révélateur de ce qui peut se passer au niveau psychologique quand on subit une agression: on va un peu minimiser les faits, on va vite passer à autre chose", analyse Floriane Meyer.

"Finalement on se rend compte dans la saison suivante que cet épisode a eu des répercussions sur Aimee. Et c'est ce qui se passe régulièrement dans la vraie vie quand on est confronté à ce type d'agressions. C'est souvent dans l'après-coup qu'on réalise qu'on a vécu quelque chose de violent", ajoute la psychologue et sexologue.

"Une fierté"

Dans la saison deux, toujours, Sex Education met en lumière le personnage de Florence, une jeune lycéenne, qui, contrairement à ses camarades, n'éprouve de l'attirance pour personne. En consultation avec la sexologue Jean Milburn, Florence apprend alors qu'elle est asexuelle, c'est à dire qu'elle ne ressent aucune attirance sexuelle dans une relation.

"Certaines personnes veulent des relations amoureuses mais sans le côté sexuel. Et certaines ne veulent rien du tout. La sexualité est fluide", lui explique alors Jean Milburn.

Cette courte séquence a permis à Romain, 21 ans, d'assumer sa propre asexualité. Si la représentation des personnes homosexuelles et bisexuelles sur les écrans s'améliore ces dernières années, "c'est rare de voir une série oser parler de ce sujet", estime le jeune homme.

"C'est vraiment une fierté quand on voit une série comme ça parler d'un sujet aussi important que l'asexualité et plus que jamais d'actualité", ajoute-t-il.

Un public plus large

Si Sex Education est aujourd'hui l'une des séries les plus populaires sur le sujet de la sexualité et des questions de genre, le programme de Laurie Nunn n'est toutefois pas parmi les premiers à traiter de ces thématiques.

D'après le spécialiste séries, Frédérick Stassart, de nombreux programmes tels que Skins, The L World, Girls ou encore Degrassi - qui a révélé le rappeur Drake - mettent en lumière ces problématiques depuis plusieurs années.

"Dans les années 90, Degrassi abordait déjà des sujets importants autant sur la sexualité que sur l’adolescence et sur qui est on est dans la société. On y parlait aussi de consentement avec des épisodes qui abordaient la question du viol, et même de la pédophilie" indique Frédérick Stassart.

"Mais 'Sex Education' a un côté pionnier parce qu'elle est sur Netflix et donc elle touche un public plus large que les séries du même genre qui sont arrivées avant elle. Et aujourd'hui, elle a ouvert la voie à de plus en plus de programmes sur le sujet de la sexualité diffusés sur les plateformes: Euphoria, Normal People...", poursuit-il.

Sex Education se différencie cependant des autres séries par sa représentation "sincère" et "réaliste" des relations sexuelles, selon Romain, fan du programme. "Dans beaucoup de séries les relations sont montrées comme parfaites, comme un moment merveilleux mais dans 'Sex Education' on voit des relations qui ne se passent pas toujours très bien, on découvre que la sexualité c'est parfois compliqué quand on ne sait plus vraiment qui on est...", confie-il.

Et d'ajouter: "Sex Education montre que c'est normal que tout ne soit pas toujours parfait et heureusement. On avait besoin d'une série comme ça."

Carla Loridan