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Eurovision Junior 2023: pourquoi la France y réalise de bien meilleurs scores qu'au concours adulte

L'Eurovision Junior a lieu ce dimanche à Nice, après la victoire de Lissandro l'an dernier. La France y réalise toujours de bons scores, bien meilleurs qu'à l'Eurovision.

L'Hexagone va-t-il réaliser un doublé? C'est ce dimanche, au Palais Nikaïa de Nice, que se déroule la 21e édition de l'Eurovision Junior. La France est représentée par la jeune Zoé Clauzure, 13 ans, avec sa chanson Cœur. Tout comme les 15 autres candidats, elle espère succéder au jeune Mosellan Lissandro, gagnant l'an dernier. La jeune chanteuse viendrait compléter une série de succès français à cette version jeunesse du télécrochet international créé en 2004, alors que le pays peine à briller au concours d'origine.

Car le parcours de la France à l'Eurovision Junior est une réussite sans fausse note. Depuis son retour en 2018, elle n'a jamais quitté le Top 5 et a remporté la victoire à deux reprises (en 2020 avec J'imagine de Valentina, puis l'année dernière). À l'inverse, la dernière victoire de la France lors de la version adulte remonte à 1977 et, exception faite de la 2e place de Barbara Pravi en 2021, la France n'a pas réussi à se hisser dans le Top 15 depuis 2019.

"J'ai fait le calcul: on remporte l'Eurovision Junior une fois sur trois", détaille pour BFMTV.com Benoît Blaszczyk, secrétaire d'Eurofans, l'association des fans français de l'Eurovision. "Pour la version Senior, c'est une fois sur treize."

Sans parler de certains échecs cuisants comme l'avant-dernière place d'Alvan & Ahez en 2022 et même la queue du classement pour Twin Twin en 2014. Un déséquilibre que le spécialiste attribue en premier lieu à un système de scrutin.

La possibilité de voter pour son propre pays

Comme dans la version adulte, l'attribution des points est divisée à parts égales entre le public et des jurés internationaux professionnels. Mais contrairement au programme d'origine, cette émission ouverte aux 9-14 ans autorise ses téléspectateurs à voter pour leur propre pays.

"Il n'y a pas de vote par téléphone, tout se joue sur internet. Et tous les votants doivent voter pour trois candidats."

De fait, la France et ses 68 millions d'habitants partent avec un avantage démographique certain par rapport à certains pays rivaux, comme l'Arménie (3 millions d'habitants), la Macédoine du Nord (1,3 million) ou l'Estonie (1,3 million).

Une première fenêtre de vote est ouverte du vendredi soir, 20 heures, au dimanche, 16 heures, au moment où commence la compétition. Après le passage du dernier candidat, les fans disposent de 15 minutes pour voter à nouveau. En outre, chacun peut voter à deux reprises pour son propre pays.

Compétition à taille d'enfant

Benoît Blaszczyk souligne également que la concurrence est bien moins rude lors de cette version jeunesse: cette année, comme l'an dernier, 16 pays s'affronteront sur la scène de l'Eurovsion Junior. Ils étaient 37 lors de la dernière édition de l'Eurovision, et il en restait 26 le soir de la finale (pour laquelle la France est toujours qualifiée d'office, faisant partie des cinq plus gros contributeurs financiers).

Outre ce système plus favorable au vote patriotique et cette compétition allégée, les chiffres d'audience rebattent les cartes: l'édition 2022 de l'Eurovision a rassemblé 161 millions de personnes devant leur téléviseur à travers le monde. Ils étaient 33 millions pour l'Eurovision Junior, soit près de cinq fois moins.

Pour Quentin Mauduit, co-animateur du podcast français 12 points consacré à l'Eurovision, c'est un avantage pour développer une stratégie gagnante:

"C'est bien plus difficile de sonder un public massif qu'un public plus restreint, avec une cible socio-démographique plus spécifique - les enfants."

Une recette qui fonctionne

Il évoque de récents gagnants de l'Eurovision: "Quand on voit qu’on enchaîne Conchita Wurst (Rise Like a Phoenix, 2014), une chanson pop suédoise classique qui passe très en radio (Måns Zelmerlöw avec Heroes, en 2015) et ensuite une chanson sur les Tatars de Crimée (Jamala, avec 1944, en 2016) on se rend bien compte qu’il n’y a pas de recette dans les chansons de vainqueurs à l’Eurovision Senior."

À l'inverse, à l'Eurovision Junior, la pop prime incontestablement. Et plus elle est acidulée, plus elle aura de chances de trouver son jeune public. On se souvient des entêtants Bim Bam Toi de Carla (arrivée 5e en 2019), J'imagine de Valentina (1ère, en 2020) et Tic Tac d'Enzo (3e en 2021).

"Pour le moment chez les juniors, il n'y a pas eu de vainqueurs avec une chanson sérieuse, une ballade, un titre dramatique. Ce qu'on a eu chez les Seniors", décrypte-t-il.

"L’Eurovision Junior semble vouloir rester dans les chansons pop très grand public, accessibles aux enfants."

Et la délégation française, emmenée par la directrice des divertissements et jeux de France Télévisions Alexandra Redde-Amiel, semble l'avoir bien compris. "Depuis 2018, on renvoie la même formule à chaque fois", poursuit le spécialiste. "Quelque chose de très pop, très enfantin."

Sans pour autant négliger l'importance de bien s'entourer: les derniers candidats français de l'Eurovision Junior ont interprété des chansons écrites et composées par des musiciens en vue de la scène populaire française, qui ont travaillé avec les plus grands.

La chanson de Lissandro était co-signée par Frédéric Château, musicien qui a collaboré avec Florent Pagny, Yannick Noah ou encore Pascal Obispo. Celles de Carla et Valentina ont été réalisées par Igit et Barbara Pravi, la chanteuse qui a sauvé l'honneur de la France à l'Eurovision en 2021:

"Une fois, je lui avais demandé comment elle faisait pour écrire ces chansons si différentes de sa propre musique", se souvient Benoît Blaszczyk. "Elle m'avait simplement répondu: 'Je m'amuse'."

Mini-stars

Les enfants, eux non plus, ne sont pas choisis au hasard. Tous viennent du télécrochet The Voice Kids, sur TF1, et certains ont enchaîné en rejoignant le groupe Kids United. De véritables écoles scéniques qui servent aussi de vitrines, et font d'eux des mini-stars avant même leur arrivée sur la scène de l'Eurovision Junior.

De quoi assurer une certaine mobilisation des jeunes téléspectateurs au moment des votes: "Ils sont habitués à ces ambiances et ils sont connus du jeune public, ils ont des dizaines de milliers d'abonnés sur les réseaux sociaux", indique Benoît Blaszczyk. Valentina en compte ainsi près d'un demi-million sur Instagram, à 14 ans.

Leur jeune âge les rend aussi sans doute plus adaptables aux attentes du concours. C'est la théorie de Quentin Mauduit: "Il n'y a pas d'ego trip, pas de desiderata de leur part. France Télévisions peut arriver en proposant une idée; c'est forcément plus facile que chez les adultes, où l'artiste arrive avec sa propre équipe de management et sa propre identité artistique."

Moins de politique

Peut-être, aussi, que les accointances géopolitiques sont moins prégnantes à l'Eurovision Junior. Car le concours d'origine a beau mettre un point d'honneur à refuser toute politisation, les liens entre certains pays s'y font souvent ressentir.

"Les pays scandinaves qui s'échangent des points, le binôme Chypre-Grèce, le duo Espagne-Portugal...", énumère Benoît Blaszczyk. "On n'a pas tout ça chez les Junior."

"C'est pour les enfants, alors je pense que les gens qui regardent et qui votent ne vont pas chercher à soutenir leur pays d'origine, leur voisin ou leur diaspora. Il y a moins d'intensité politique."

De quoi s'attendre de nouveau à une belle performance de la France... même si cette fois, les bookmakers ne peuvent donner aucune piste. Comme l'explique le site Eurovision Odds, la plupart des pays interdisent de parier sur des événements impliquant des mineurs. Alors contrairement à l'Eurovision, qui voit les pronostics s'affoler des mois à l'avance, c'est sans le moindre indice sur le palmarès final que les électeurs distribueront leurs voix.

https://twitter.com/b_pierret Benjamin Pierret Journaliste culture et people BFMTV