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Chaînes, diamants, pendentifs XXL... Aux origines du bling-bling dans le hip-hop américain

Le rappeur américain A$AP Ferg dans l'ouvrage "Ice Cold: A Hip-Hop Jewelry History" de Vikki Tobak (Taschen).

Le rappeur américain A$AP Ferg dans l'ouvrage "Ice Cold: A Hip-Hop Jewelry History" de Vikki Tobak (Taschen). - Cam Roberts / Vikki Tobak

Dans son livre, Ice Cold: A Hip-Hop Jewelry History, paru début octobre, la journaliste américaine Vikki Tobak retrace l'histoire et la symbolique des bijoux dans le hip hop, photos et archives inédites à l'appui.

De la chaîne en diamant jaune de Rick Ross à son effigie au pendentif en or de la taille d'une assiette de Slick Rick en passant par le diamant rose à 24 millions de dollars incrusté dans le front de Lil Uzi Vert, depuis les débuts du hip-hop, les bijoux occupent une place prépondérante dans le look des stars du rap aux États-Unis.

Dans son ouvrage Ice Cold: A Hip-Hop Jewelry History, Vikki Tobak explore cette passion des rappeurs pour tout ce qui brille. Grâce à son expérience dans l'industrie de la musique, cette journaliste américaine qui a côtoyé les plus grands (Mos Def, Jay-Z...) retrace l'importance et la symbolique de ces pièces, souvent extravagantes, dans l'histoire et la culture du hip-hop américain.

L'ouvrage "Ice Cold: A Hip-Hop Jewelry History" retrace l'évolution des bijoux dans le hip-hop aux États-Unis.
L'ouvrage "Ice Cold: A Hip-Hop Jewelry History" retrace l'évolution des bijoux dans le hip-hop aux États-Unis. © Vikki Tobak - Taschen

Pour BFMTV.com, Vikki Tobak revient sur l'histoire de la culture bling-bling, documentée notamment grâce à des photos d'archives inédites et des témoignages de rappeurs tels que Slick Rick ou A$AP Ferg.

Dans les années 80, le hip-hop se démocratise aux États-Unis. Certains rappeurs propulsés sur le devant de la scène gagnent des auditeurs et amassent des billets verts. Ils n'hésitent pas à investir dans des pièces pour mettre en avant leur richesse.

Inspirés par des figures représentatives de la réussite de leur quartier tels que les dealers ou mafieux, ces artistes, souvent issus de milieux modestes, voient alors en l'achat de bijoux, un moyen d'exposer aux yeux de tous leur succès et leur ascension sociale, à la manière d'un trophée.

"Si la communauté hip-hop se passionne pour les bijoux c'est parce qu'ils ont toujours servi à afficher un statut social et à exprimer son identité sur son corps. Et la rue c'est le podium des rappeurs, c'est l'endroit où ils doivent montrer qui ils sont à leur quartier et à leur communauté", explique Vikki Tobak.

C'est ainsi que les rappeurs les plus influents de l'époque tels que LL Cool J, Kurtis Blow (premier rappeur à signer en maison de disque et à décrocher un disque d'or), Slick Rick, Eric B. & Rakim ou encore Run DMC commencent à sortir avec des chaînes en or et lancent un véritable effet de mode. Désormais, lorsqu'un artiste réussit dans le hip-hop, les bijoux doivent suivre.

Eric B and Rakim.
Eric B and Rakim. © Vikki Tobak

Au début des années 90, le rap s'installe comme un genre culturel majeur aux États-Unis et les rappeurs, qui génèrent de plus en plus d'argent, commencent à se structurer commercialement en collectifs et labels.

La signification des bijoux évolue également. Exit l'expression d'un statut social, les chaînes en or deviennent un moyen d'afficher son appartenance à un groupe.

"Labels et collectifs commencent à faire réaliser leurs propres bijoux personnalisés à l'instar de Death Rown, No-Limit, Young Money, G-Unit, ou le plus connu d'entre tous, Roc-A-Fella", précise Vikki Tobak.

Pour chaque nouvel artiste signé sur le label Roc-A-Fella Records, son co-fondateur, le rappeur Jay-Z, lui offrait une chaîne et un pendentif d'une valeur de 100.000 dollars en forme de vinyle et de bouteille de champagne avec un R gravé dessus.

Damon Dash, co-fondateur de Roc-A-Fella Records en février 2004, à New York, portant la chaîne mythique de son label.
Damon Dash, co-fondateur de Roc-A-Fella Records en février 2004, à New York, portant la chaîne mythique de son label. © Bryan Bedder - AFP

Devenu un instrument marketing, ces nouveaux bijoux bling-bling font la part belle aux diamantaires, orfèvres et sertisseurs, tels que le fameux créateur Dapper Dan, souvent immigrés et basés dans le Diamond District à New York.

Dans les années 2000, les rappeurs sont désormais élevés aux mêmes rangs que les grandes stars de la pop ou du rock. Leurs bijoux, toujours plus extravagants et insolites reflètent leur popularité et leur richesse.

Embarqués dans une course à l’ostentation, les artistes troquent alors leurs chaînes en or pour des énormes colliers et médaillons sertis de diamants colorés et autres pierres précieuses.

En témoigne le collier "Crunk Ain't Dead" de Lil John, dont le pendentif a été répertorié au livre Guiness World Record comme étant le plus lourd du monde. Et pour cause, cette pièce composée de 3756 diamants de 73 carats et estimée à plus de 500.000 dollars pèse 2,3 kilos.

John Rich (à gauche), le rappeur Lil' Jon (au centre) and Cowboy Troy (à droite) le 15 mai 2007 à Las Vegas.
John Rich (à gauche), le rappeur Lil' Jon (au centre) and Cowboy Troy (à droite) le 15 mai 2007 à Las Vegas. © Frazer Harrison - AFP

Apparaissent également des médaillons en référence à la pop culture. Soulja Boy arbore un collier à l'effigie de Mario dans son titre Triple Chain Gang, Gucci Mane apparaît avec un pendentif Bart Simpson, Tyga s'affiche avec une chaîne Garfield...

Mais à trop vouloir mettre en avant son extravagance, certains rappeurs font des envieux. Comme le souligne Vikki Tobak: "le milieu du hip-hop est très concurrentiel. On observe alors de nombreuses tentatives de vols à l’arrachée et des artistes vont même jusqu’à y perdre la vie."

Dans son ouvrage, la journaliste américaine mentionne notamment le cas de Pop Smoke, tué par balles en février 2020 alors que des individus auraient tenté de lui voler des bijoux, ou encore PnB Rock, mort dans une fusillade en septembre dernier, auquel, selon les premiers éléments de l'enquête, on aurait également tenté de voler ses bijoux, exhibés sur Instagram quelques heures plus tôt.

Objet de publicité

Si la mode bling-bling s'est depuis essouflée dans le rap, malgré une tentative de retour en force en 2010, porté notamment par le trio Migos, les bijoux conservent tout de même une importance fondamentale au sein de la culture hip-hop.

Mais aujourd'hui, tout a changé. Les marques prestigieuses, qui faisaient autrefois rêver les plus grand artistes, ont compris le potentiel commercial du rap - genre musical le plus écouté aux États-Unis - et envisagent des partenariats avec les rappeurs.

En 2018, A$AP Ferg est ainsi devenu le premier rappeur ambassadeur d’une marque de joaillerie de luxe, Tiffany & Co.

"Le monde de la joaillerie commence vraiment à comprendre de manière significative le pouvoir du hip hop. Ainsi on voit des artistes tels que Jay-Z et Beyoncé ou A$AP Ferg travailler avec des marques comme Tiffany & Co. Et c'est d'autant plus intéressant lorsque l'on sait que dans les années 80, 90, aucune de ces marques ne voulait être associée avec le mouvement hip-hop", conclut Vikki Tobak.
Carla Loridan