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Les règles ont changé, pas les candidates: pourquoi Miss France n'a pas fait sa révolution

Miss Guyane, Miss Guadeloupe, Miss Nord-Pas-de-Calais et Miss Languedoc

Miss Guyane, Miss Guadeloupe, Miss Nord-Pas-de-Calais et Miss Languedoc - Bertrand Noël - TF1

Tatouage, statut marital, enfants, âge... Les règles pour participer au concours Miss France ont été assouplies cette année. Pourtant, hormis deux candidates (un peu) tatouées, les concurrentes ont peu changé.

Tatouage, statut marital, enfants, âge... Sous la houlette d'Alexia Laroche-Joubert, la présidente de la société Miss France, les règles de sélection des candidates au concours se sont assouplies. Ne reste qu'un critère principal, celui de la taille. "Tout simplement parce que les candidates portent des robes de créateurs, uniques, qu’il est impossible de retoucher", explique la productrice dans Sud Ouest.

Il suffit donc en théorie de mesurer 1,70m pour pouvoir concourir - et de ne pas consommer publiquement de l'alcool ou du tabac, "autant pour des questions d'exemple que de législation", précise Alexia Laroche-Joubert.

"Pour le reste, une femme mariée, divorcée et même éventuellement tatouée de la tête aux pieds, peut désormais se présenter", résume-t-elle.

"Avec ces nouvelles règles, j’ai hâte de voir quel profil sera élu. Les Français vont-ils aller chercher la nouveauté?", s'est enthousiasmée Diane Leyre, actuelle Miss France dans un communiqué de presse, le 29 novembre dernier.

Pourtant, hormis deux discrets tatouages pour Miss Languedoc et Miss Nord-pas-de-Calais, et trois candidates de 26 ans, alors qu'auparavant, elles ne pouvaient dépasser les 24 ans, il y a peu de nouveautés à aller chercher. Les candidates ont des profils très similaires à celui des candidates des années précédentes.

Maintenant que c'est possible, pourquoi ne voit-on pas cette année parmi les 30 candidates régionales plus de trentenaires ou de mères de famille? "Nous ne sommes pas dans une révolution mais dans une évolution", répond Alexia Laroche-Joubert dans une interview à TV Magazine, le 11 novembre dernier.

"Le changement de règlement est récent, ce n'est que la première année", prévient-elle alors.

Trop tard pour les castings

Les castings des candidates, opérés par les comités régionaux de Miss France, se déroulent en effet en début d'année ou au printemps selon les régions - avant l'officialisation des nouvelles règles, annoncées en juin. "On avait déjà fait tous nos castings en janvier", explique ainsi Anne-Marie Marinelli, déléguée du comité Miss Bourgogne.

"L'assouplissement des règles n'a été officialisé que très tard, alors que les castings étaient déjà passés ou en cours", souligne Victoire Rousselot. À 28 ans, cette participante à Miss Alsace a pourtant pu devenir la toute première candidate de l'histoire du concours à être mère de famille.

"Tous les comités n'ont pas adopté les nouvelles règles", précise Daniel Mattioli, membre du comité Miss Île-de-France. "Nous avons eu deux candidates transgenres", se félicite-t-il, précisant que l'une d'elles n'a pas passé le cap du premier casting. La région a en effet accueilli la première candidate transgenre du concours, Andréa Furet, finalement recalée.

Pour Alexia Laroche-Joubert, il s'agit de "montrer cette évolution par petites touches, mais "l'imposer, ce n'est pas dans notre philosophie", comme elle l'a déclaré à TV Magazine.

"Le comité m'a pris pour le buzz"

Les potentielles candidates s'autocensurent-elles? Eddy Vingataramin, délégué du comité Miss Alsace, affirme n'avoir vu se présenter qu'une "petite minorité" de candidates plus âgées.

"Clairement on a beaucoup communiqué au niveau national" sur ces nouvelles règles, souligne-t-il, mais le concours, "très chronophage", n'intéresse selon lui que les jeunes femmes qui ne sont pas encore très installées dans la vie active.

"Passé 23 ans, elles n'ont pas envie de s'investir dans ce type d'aventure", estime-t-il.

C'est pourtant en Alsace que Victoire Rousselot a pu se présenter. "J'ai 28 ans, je suis tatouée, j'ai un enfant, je ne correspondais à aucun des critères, sauf la taille", plaisante-t-elle. Elle n'est cependant pas dupe.

"Le comité m'a pris pour le buzz, pour faire parler de l'Alsace", assure la jeune assistante dentaire, qui s'est présentée dans le but de montrer que c'était possible de le faire en étant mère.

Elle voulait que d'autres jeunes femmes, qui comme elle n'arrivaient pas à s'identifier aux Miss France, puissent "se voir dans (son) histoire". Mais "s'ils changent les règles, il faut qu'ils changent ce qu'il y a après", estime Victoire Rousselot, "qu'ils soient plus 'soft' sur l'organisation". La mère de famille suggère par exemple que la Miss élue ne soit plus obligée de passer autant de temps à Paris.

De fait, à l'heure actuelle, de nombreuses candidates sont étudiantes. "Beaucoup de jeunes femmes n'osent pas se lancer", regrette Anne-Marie Marinelli, qui rêve de voir "une Miss France charcutière ou routière".

"Quelques jeunes femmes pensaient que du fait de l'assouplissement des règles, le concours s'était rapproché de ce qu'est aujourd'hui le concours en Allemagne", évoque Eddy Vingataramin.

Outre-Rhin, le concours, dont le seul critère est d'avoir moins de 39 ans, a depuis trois ans totalement changé d'esprit: il se veut désormais plus une tribune pour les femmes, ouvert à tous les profils physiques. Pour Eddy Vingataramin, le concours allemand est un "projet social", qui ne correspond pas aux critères de "beauté naturelle et d'élégance", que conserve le concours français.

Alexia Laroche-Joubert parle elle aussi d'élégance, rappelant, dans TV Mag: "Nos critères ont changé mais pas nos valeurs qui restent l'élégance, la repartie, la culture générale, le naturel, la photogénie, le charisme et enfin l'empathie".

"On n'a jamais demandé les mensurations", mais...

Car si, comme le précisait encore Sylvie Tellier sur Europe 1 mardi, "on n'a jamais demandé les mensurations des candidates", le concours reste le territoire des tailles mannequin. Miss France comporte un "gros volet mannequinat" et travaille "avec les maisons de couture", précise Eddy Vingataramin.

"Il n'y a jamais eu de critère de poids ni de mensuration", confirme Daniel Mattioli, membre du comité Miss Île de France.

"Mais entre une jeune femme de 55 kilos et une de 75 kilos, la silhouette n'est pas la même", commente-t-il.

Le changement qui s'amorce va prendre du temps - d'autant que d'anciennes Miss régionales, qui ont connu les anciennes règles, font souvent partie des comités.

Et si Miss France 2024 était la première Miss un peu différente? "Nous avons déjà une jeune femme de 34 ans qui a demandé des renseignements", se réjouit Anne-Marie Marinelli.

Pas de quoi convaincre les féministes, qui dénoncent toujours le principe même du concours. Pour Fabienne El Khoury, porte-parole de l'association "Osez le féminisme!" interrogée par l'AFP, les évolutions du règlement "sont juste un coup de peinture blanche sur un mur moisi" et relèvent "de la pure stratégie de communication".

Magali Rangin
https://twitter.com/Radegonde Magali Rangin Cheffe de service culture et people BFMTV