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"Euphoria", "Nightmare Alley", "Pam & Tommy"... comment le nu masculin intégral s’impose à Hollywood

Lily James et Sebastian Stan dans "Pam & Tommy"

Lily James et Sebastian Stan dans "Pam & Tommy" - Capture d'écran YouTube - Hulu

Des films en compétition aux Oscars aux séries dans le vent, le pénis est aujourd’hui très présent dans les productions contemporaines. La fin d'un tabou?

En animatronique, en silicone ou en chair et en os… Les pénis sont aujourd’hui de plus en plus présents à l'écran. Omniprésent dans les séries comme Euphoria, et dans de nombreuses productions hollywoodiennes, le nu masculin s'invite même depuis quelques semaines dans la course aux Oscars.

Benedict Cumberbatch apparaît nu dans The Power of the Dog, tout comme Bradley Cooper dans Nightmare Alley (en salle depuis le 19 janvier) et Simon Rex dans Red Rocket (au cinéma le 2 février). Trois films qui espèrent briller dans les cérémonies de prix d'ici les Oscars, et qui misent (en partie) sur le "courage" de leur star masculine pour s'imposer dans la compétition.

Bradley Cooper prête ainsi de grandes intentions à sa scène de nu, comme il l’a évoqué dans le podcast The Business. "En raison de ce que raconte le film, afin d'être le plus réaliste possible, je devais me mettre à nu", y assure le comédien, avant de préciser que jouer ainsi pendant six heures était "dur". Un discours bien rôdé, pour permettre à cet acteur, qui vient de recevoir les meilleures critiques de sa carrière, de décrocher la précieuse statuette après huit tentatives infructueuses.

Mais se déshabiller ne garantit pas un Oscar, au contraire. Selon Variety, l​​es acteurs osant le nu intégral n'ont jusqu'ici jamais été récompensés lors de la cérémonie. Bien qu'il livre deux de ses meilleures prestations dans Bad Lieutenant (1992) et dans La Leçon de Piano (1993), Harvey Keitel a été boudé par l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences. Idem pour Michael Fassbender, pourtant devenu une star grâce à Hunger (2008) et Shame (2011).

Pour autant, un acteur osant la nudité est davantage acclamé qu'une actrice (à l'exception de Kate Winslet, oscarisée en 2009 pour The Reader, où elle apparaît entièrement nue).

"Lorsqu'un mec a une scène de sexe ou montre son corps, il reçoit des prix et il est porté aux nues. Mais lorsqu'une fille le fait, ce n'est pas ce qui se passe", a résumé cette semaine dans The Independent Sydney Sweeney, alias Cassie dans la série Euphoria.

Cette actrice réputée pour son intensité dramatique estime ne pas être prise au sérieux en raison de ses nombreuses scènes dénudées.

Depuis le mouvement #MeToo et l'arrivée des coordinateurs d'intimité sur les plateaux, pour superviser les scènes d'amour et de sexualité, les créateurs de contenus semblent davantage attentifs aux questions d'équité et s’efforcent de déshabiller les hommes autant que les femmes. Et des stars se sont improvisées porte-parole de la cause.

Emilia Clarke, l'une des stars de Game of Thrones, a ainsi appelé à "libérer le pénis". "Je crois que le conseil d'administration de Game of Thrones a décidé qu'il nous fallait plus de bites!", avait-elle déclaré dans les colonnes de Time Out. Critiquée pour sa nudité féminine souvent gratuite, la série Game of Thrones a attendu sa sixième saison pour montrer son premier pénis.

L’acteur Kevin Bacon a, lui, participé à une vidéo parodique, y implorant ses pairs de "libérer leur nouille". "Et par nouille, je veux dire votre bite, vos couilles et votre cul", avait précisé le comédien, qui s'était dénudé pour les besoins de SexCrimes, un thriller érotique sorti en 1998.

Il reste cependant rare de voir des stars installées dévoiler leur intimité. Certaines l'ont fait, mais au début de leur carrière: Ewan McGregor (Velvet Goldmine), Cillian Murphy (28 jours plus tard), Mark Ruffalo (In the Cut), Tom Hardy (Bronson)... D'autres s'y sont risqués au sommet de leur gloire, comme Viggo Mortensen (Les Promesses de l'ombre), Ben Affleck (Gone Girl) ou Chris Pine (Outlaw King). Sans oublier Robert de Niro et Gérard Depardieu dans 1900, Vincent Gallo dans The Brown Bunny et Mark Rylance dans Intimité. Trois films mettant en scène des actes sexuels non-simulés.

La nudité masculine au cinéma remonte à loin. Ce tabou a volé en éclat dans les années 1970, sous l'impulsion de cinéastes indépendants américains (Flesh de Paul Morrissey, Pink Narcissus de James Bidgood) et italiens (Le Decameron de Pasolini, La Dernière femme de Marco Ferreri). L’émergence du féminisme et des luttes pour les droits de la communauté gay ont permis à la même époque à certains cinéastes de questionner la représentation traditionnelle de la masculinité.

Richard Gere est devenu en 1980 la première star hollywoodienne à montrer son sexe dans un film non-pornographique, American Gigolo. Malgré l'immense succès du film de Paul Schrader, le nu masculin est fréquemment censuré à Hollywood. Le système de classification des films l'autorise dans des contextes bien précis et non sexuels, comme les scènes des camps de concentration de La Liste de Schindler (1993). Dans le thriller érotique La Couleur de la Nuit (1994), un plan de quelques secondes dévoilant le pénis de Bruce Willis a été coupé (il a été réintégré dans la version DVD).

Dans les années 2000, le pape de la comédie Judd Apatow (40 ans, toujours puceau) a fait du nu masculin son cheval de bataille. "Le pénis effraie les États-Unis et je vais essayer de l'aider à dépasser sa peur", avait-il expliqué en 2007, avant de promettre de montrer un pénis dans chacun de ses films. Promesse en partie respectée. Après la mémorable scène de rupture de Sans Sarah rien ne va (2007), les productions Apatow se sont révélées assez pauvres en pénis, à l'exception de Walk Hard: The Dewey Cox Story (2008) et de Popstar: Célèbre à tout prix (2016).

Sur le petit écran, la chaîne câblée américaine HBO a joué un rôle déterminant dans la représentation du pénis à l’écran. La série carcérale Oz (1997-2003), célèbre pour ses nombreuses scènes de nudité et de sexualité masculine, a beaucoup contribué à faire avancer le débat. Puis il y a eu Rome, Watchmen et WestWorld. L'été dernier, Oscar Isaac a dévoilé ses parties intimes dans la mini-série Scenes From a Marriage. Une scène qui a enflammé Twitter.

Dans Euphoria, le "teen drama" phare de la chaîne, les hommes apparaissent désormais aussi souvent nus que les femmes. Un épisode de la première saison a battu le record de pénis montrés à la télévision (une trentaine!). Et l'apparition d'un acteur dénudé dans une scène choc a donné lieu à des centaines de messages sur les réseaux sociaux.

"Oui, c’est moi dans la salle de bain. Pas une prothèse", avait réagi le comédien concerné, Ansel Pierce. "Vous avez beaucoup de questions… et vous êtes tous hilarants. La quantité de TikToks, de tweets, de messages sur les forums analysant chaque petit morceau de la scène est époustouflante. Je meurs de rire..."

Mais Hollywood n’est pas prêt à complètement libérer le pénis. Le Britannique James Ivory, scénariste oscarisé de Call Me By Your Name, a vivement critiqué dans le Guardian le réalisateur Luca Guadagnino d’avoir cédé aux exigences des agents de Timothée Chalamet et d'Armie Hammer de ne pas les dénuder à l’écran. Il a aussi déploré une certaine pudibonderie dans la réalisation des scènes d’amour (la caméra se détourne lorsque les personnages s'apprêtent à coucher ensemble), mettant en cause à demi-mot l'homophobie encore latente des producteurs hollywoodiens.

La majorité des stars préfèrent se cacher derrière des prothèses. C’est le cas de Mark Wahlberg dans Boogie Nights (1997), où il incarne une star fictive du porno connue pour la taille généreuse de sa verge, ou plus récemment de Steve Zahn, qui montre en gros plan ses testicules dans la mini-série satirique The White Lotus. La presse américaine a fait ses choux gras de cette scène, et a demandé à l’acteur de raconter comment il avait choisi sa prothèse.

La revanche du pénis animatronique

De nos jours, les pénis qui apparaissent à l'écran sont principalement des prothèses, et dans Nymphomaniac, ils ont été remplacés numériquement par des sexes d'acteurs porno. "Utiliser une prothèse fait partie du protocole", a expliqué à Entertainment Weekly Eric Dane. L'ex-star de Grey's Anatomy apparaît nu dans une scène choc de la première saison d'Euphoria. "C’est aussi une manière de respecter votre partenaire de jeu. Mais je suis prêt à ne pas utiliser de prothèse si cela est plus cohérent pour la scène."

"[La prothèse] témoigne de l'importance inhabituelle que l'on continue d'apporter au pénis, et de notre besoin en tant que société de contrôler sa représentation", analyse l'universitaire Peter Lehman, de l'Arizona State University. "Cela permet de conserver une certaine mystique autour de la masculinité et de préserver la puissance du phallus."

Une mystique particulièrement à l'œuvre dans la mini-série Pam & Tommy, évocation du vol de la sextape de Pamela Anderson et Tommy Lee. L'interprète du batteur de Mötley Crüe, Sebastian Stan, qui a déjà tourné nu dans Monday (2020), a joué avec une prothèse particulièrement réaliste, qu'il considère comme l'un des personnages principaux de ce programme diffusé à partir du 2 février sur Disney+.

Dans le deuxième épisode, Tommy Lee confie à son pénis son amour pour Pamela Anderson. Une discussion complètement surréaliste (le pénis est doublé en V.O. par l'humoriste Jason Mantzoukas) et inspirée de faits réels. "J'adorerais avoir eu l'idée, mais nous avons juste adapté l'autobiographie de Lee", a confié à Variety le scénariste Robert Siegel. "Je pense que c'est une première à la télévision. C'est une manière de repousser gentiment les limites. Hulu [qui distribue la mini-série aux Etats-Unis] nous a beaucoup soutenus."

French Touch

Hollywood n’a pas l’apanage du nu intégral masculin. En France, Gaspard Ulliel l’a osé dans Saint Laurent (2014), tout comme Florent Pagny dans Tom est tout seul (1995) et Arnaud Ducret dans Divorce Club (2020). L'humoriste, qui a souvent fini en tenue d'Adam au cinéma, refuse désormais de se plier à l'exercice, a-t-il confié à Femme Actuelle: "On me demande tout le temps dans les films, effectivement, de poser nu. J’en ai marre qu’on me foute à poil dans les films. On m’en a encore proposé un!"

Didier Bourdon a lui aussi tout dévoilé dans la comédie noire Garde Alternée (2017). Une improvisation qui rend le film mémorable. "C’est merveilleux que Didier le fasse", s’était enthousiasmée la réalisatrice du film Alexandra Leclère sur BFMTV. "Depardieu pourrait le faire et on trouverait ça normal. Avec Didier, c'est beaucoup plus inattendu."

En septembre dernier, Laurent Lafitte et Vincent Macaigne ne laissaient rien à l'imagination dans L'Origine du monde, comédie transgressive inspirée d'une pièce de Sébastien Thierry. Et ce n’est pas fini. Pascal Demolon s'essayera à l’exercice le 25 mai prochain dans Hommes au bord de la crise de nerfs, la nouvelle comédie réalisée par Audrey Dana. En France, comme aux Etats-Unis, l’avenir du pénis à l’écran s’annonce radieux.

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV