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Suicide d’un ado à Poissy: dans une lettre, le rectorat menaçait les parents d'une plainte

DOCUMENT BFMTV - Un adolescent de 15 ans s'est suicidé début septembre à son domicile de Poissy, dans les Yvelines. Les parents avaient alerté son établissement sur des faits de harcèlement scolaire. Le rectorat avait répondu en mai en leur demandant "d'adopter une attitude constructive et respectueuse", leur rappelant les risques en cas de dénonciation calomnieuse.

Après l'alerte des parents, une réponse à peine croyable du rectorat. Un adolescent de 15 ans s'est suicidé le 5 septembre à son domicile de Poissy, dans les Yvelines. Le jeune homme était scolarisé jusqu'à l'année dernière dans un lycée professionnel de Poissy, et venait de faire sa rentrée dans un nouveau lycée professionnel du 14e arrondissement de Paris.

Selon ses proches, le jeune avait été harcelé ces derniers mois par deux camarades. L'adolescent était à ce moment-là élève de troisième en prépa professionnelle au lycée Adrienne-Bolland de Poissy.

Le rectorat évoque un "supposé harcèlement"

Ses parents avaient alerté le proviseur de l'établissement. Dans un courrier daté d'avril et consulté par BFMTV, les parents de l'adolescent indiquent qu'une main courante a été déposée au commissariat de Poissy, puisqu'ils ne voyaient pas arriver "la réponse" promise par la communauté éducative.

"Il est incompréhensible que vous puissiez laisser un adolescent subir une telle violence verbale et psychologique dans votre établissement sans réagir d'une quelque manière, aussi allons-nous déposer plainte et vous considérer comme responsable si une catastrophe devait arriver à notre fils", prévenaient les parents.

La lettre des parents dont l'enfant s'est suicidé à Poissy, adressé en avril 2023 au proviseur de son établissement.
La lettre des parents dont l'enfant s'est suicidé à Poissy, adressé en avril 2023 au proviseur de son établissement. © DOCUMENT BFMTV

Le proviseur s'est défendu dans un courrier daté du 20 avril et consulté par BFMTV. Il explique que des entretiens ont eu lieu avec les élèves concernés et que le jeune Nicolas a été consulté à de nombreuses reprises sur la situation. "Aucun fait de classe significatif en lien avec Nicolas, n'a été remonté par l'équipe pédagogique depuis le 10 mars", indiquait le proviseur de l'établissement.

Ce dernier répondait aux parents qu'ils n'avaient pas "contacté les services compétents de l'établissement (professeur principal, CPE...) comme cela avait été acté" lors d'un rendez-vous. Il expliquait que le corps enseignant pouvait "considérer que la situation était en phase de résolution".

"Quoi qu'il en soit, l'établissement continuera à suivre et à traiter cette situation pour que la scolarité de votre fils se déroule au mieux et qu'il puisse s'épanouir", concluait-il.

La lettre du proviseur, datée de mai 2023, aux parents de l'élève qui s'est suicidé à Poissy (Yvelines) début septembre 2023.
La lettre du proviseur, datée de mai 2023, aux parents de l'élève qui s'est suicidé à Poissy (Yvelines) début septembre 2023. © DOCUMENT BFMTV

Deux semaines plus tard, le rectorat de Versailles leur a également répondu dans un courrier, qu'a pu consulter BFMTV, dans lequel il reprochait aux parents leur réaction. "Vous avez remis en cause les fonctions et menacé de dépôt de plainte le personnel de direction du lycée professionnel (...) Vous avez reproché à ce dernier sa passivité face à un supposé harcèlement subi par votre enfant."

Une lettre menaçante

Le rectorat allait même plus loin dans sa réponse, en mentionnant dans son courrier l'article du Code pénal qui punit les dénonciations calomnieuses, leur rappelant qu'elles sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Il enjoignait alors les parents "d'adopter désormais une attitude constructive et respectueuse envers les membres de la communauté éducative".

La réponse du rectorat de Versailles, datée de mai 2023, aux parents dont l'enfant s'est suicidé à Poissy.
La réponse du rectorat de Versailles, datée de mai 2023, aux parents dont l'enfant s'est suicidé à Poissy. © DOCUMENT BFMTV

"Je serais contrainte, le cas échéant, de prendre toutes les mesures nécessaires tant au bon fonctionnement du service public de l'Éducation nationale qu'à la protection et la sécurité des personnels qui y concourent."

Deux numéros dédiés au harcèlement

Tout élève victime de harcèlement scolaire peut contacter gratuitement le numéro national d'écoute au 3020. L'élève ou ses proches peuvent également contacter le 3018 en cas de cyberharcèlement. Ce numéro est joignable 7 jours sur 7, de 9h à 23h.

Alicia Foricher